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Un nouveau traitement capable de prévenir la moitié des cancers du sein produit des effets même longtemps après avoir été pris
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Avancées médicales

Des chercheurs britanniques auraient trouvé un médicament, l'anastrozole, capable de réduire le cancer du sein de 50 %.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Un groupe de chercheurs de l'université de Queen Mary (Londres), en partenariat avec l'association Cancer Research UK, a expliqué avoir trouvé un médicament, l'anastrozole, capable de réduire le cancer du sein de 50 %.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l'anastrozole ? Quelle est sa particularité ?

Stéphane Gayet : L'anastrozole n'est en réalité pas un médicament de découverte très récente. On le connaît et l'utilise déjà depuis plusieurs années. Pour bien comprendre ce qu'il est et comment il fonctionne, il est nécessaire d'envisager quelques notions sur les hormones stéroïdes et leur rôle majeur dans le corps humain des adolescents et des adultes.

Les hormones stéroïdes et leur rôle majeur dans le corps humain

Les hormones stéroïdes (stéroïdes hormonaux) sont dérivées des stérols, qui sont de grosses molécules d'alcool sous forme solide et qui comportent plusieurs « cycles » dans leur formule chimique. Le cholestérol est un stérol, mais non hormonal.

Les stéroïdes hormonaux sont classés en trois groupes : les œstrogènes naturels (des phénol-stéroïdes) ; les androgènes (ils sont dérivés de l'androstane) ; le groupe du cortisol (gluco-corticoïdes), de l'aldostérone (minéralo-corticoïdes) ainsi que de la progestérone (les stéroïdes de ce troisième groupe étant dérivés du prégnane).

Il est bien connu que l'œstradiol (œstrogène) est l'hormone sexuelle femelle et que la testostérone (androgène) est celle des mâles. Il est moins connu que le corps de l'homme produit un peu d'œstrogènes et que celui de la femme produit un peu de testostérone.

À la puberté, les œstrogènes (œstradiol et autres) et les androgènes (testostérone et autres) sont les effecteurs hormonaux de la transformation du corps et notamment des organes génitaux, ainsi que des seins et de la prostate et ses annexes. Les seins et la prostate sont des glandes hormono-dépendantes et leurs tumeurs respectives le sont également, qu'il s'agisse de formes bénignes ou de tumeurs malignes (cancers du sein et de la prostate).

L'aromatase et les anti-aromatases

On sait que les noms de molécule se terminant par le suffixe « ase » désignent des enzymes, donc des protéines dont le rôle est de permettre certaines réactions biochimiques.

L'aromatase est une enzyme -plutôt un complexe enzymatique- indispensable à la synthèse des œstrogènes. L'origine de ce mot aromatase vient du fait que la réaction de synthèse s'appelle une aromatisation : elle crée un « cycle aromatique » qui, comme les substances aromatiques en général, porte une fonction phénol ou encore phénolique. En effet, les œstrogènes sont les hormones qui déclenchent l'ovulation ou « œstrus » : et parce qu'elles ont une propriété aromatique, ces hormones œstrogènes ont un effet d'attraction pour les mâles, pouvoir attractif dont la puissance varie selon les espèces.

Cela peut paraître curieux, mais les œstrogènes sont fabriqués à partir des androgènes. Ceux-ci sont donc aromatisés en œstrogènes grâce à l'aromatase ou plutôt au complexe enzymatique aromatase. On comprend mieux pourquoi la femme produit un peu d'androgènes et l'homme un peu d'œstrogènes. On sait aujourd'hui que cette enzyme clef appelée de façon commode aromatase est, non seulement présente dans les ovaires, les testicules et le placenta, mais aussi dans les glandes surrénales et même le tissu adipeux, le tissu osseux et de surcroît le cerveau. Qui l'eût cru ?

Pour revenir au sujet qui nous occupe, l'aromatase est également produite à l'intérieur ou bien en périphérie des tumeurs, et en particulier dans 60 à 70 % des cancers du sein. En ce qui concerne les tumeurs non mammaires, la production locale d'œstrogènes peut avoir différents effets plus ou moins importants. Mais s'agissant des cancers du sein, c'est d'une grande importance, car les tumeurs du sein étant hormono-dépendantes et tout particulièrement œstrogéno-dépendantes, cela implique que 60 à 70 % des cancers du sein sont doués d'auto-stimulation : plus la tumeur grossit, plus elle peut produire des œstrogènes en grande quantité et plus elle est stimulée.

Or, l'anastrozole (ARIMIDEX) est un inhibiteur non stéroïdien de l'aromatase, comme le létrozole (FEMARA) ; tandis que l'exemestane (AROMASINE) en est un inhibiteur stéroïdien ; quant au tamoxifène (TAMOFENE), son action est différente : cette molécule inhibe l'action de l'œstradiol au niveau de ses récepteurs.

Les chercheurs disent qu'il est plus efficace chez les femmes ménopausées. À quoi cela est dû ? Peut-il s'étendre à toutes ?

Chez les femmes ménopausées, les ovaires sont pour ainsi dire au repos, en fait pas tout à fait. Ils continuent à produire une faible quantité d'œstrogènes, et donc d'androgènes qui sont leurs précurseurs. Les glandes surrénales, dans leur partie cortico-surrénalienne, produisent également des androgènes et des œstrogènes.

Nous avons vu que 60 à 70 % des cancers du sein produisent de l'aromatase : chez la femme en période d'activité génitale, les œstrogènes sont essentiellement produits par les ovaires et la production d'œstrogènes par un cancer du sein est très inférieure à celle produite par les ovaires ; tandis que chez la femme ménopausée, la production d'œstrogènes par le cancer a toutes chances de devenir très largement prédominante. De ce fait, l’administration d’un anti-aromatase comme l’anastrozole ne sera pas consommée par une production intense d’œstrogènes ovariens (puisque ce n’est pas le cas) et va dès lors avoir un effet déterminant sur la production locale d’œstrogènes par la tumeur, production relativement intense.

On peut donc comprendre que le fait de bloquer l'aromatase est beaucoup plus efficace chez la femme ménopausée vis-à-vis de l’inhibition du développement de la tumeur maligne. C'est une particularité qui est propre au cancer du sein ; elle pourrait théoriquement concerner aussi d'autres cancers œstrogéno-dépendants comme ceux de l'utérus, mais d'une part, ils sont nettement moins sensibles aux œstrogènes que les cancers du sein, d'autre part, ils ne sont pas connus pour produire autant d'aromatase que ceux-ci.

Cette découverte peut-elle déboucher sur d'autres avancées ? Quels sont aujourd'hui les moyens dont nous disposons pour lutter efficacement contre le cancer du sein ? Qu'en est-il en France ?

L'hormono-dépendance des cancers et les enzymes clefs de la synthèse des hormones stéroïdes nous réservent sûrement encore quelques surprises. Nous n'avons certainement pas fini de les étudier sur les plans biochimique et hormonal.

Actuellement en France, 75 % des traitements du cancer du sein sont conservateurs : soit une tumorectomie (on n'enlève que la tumeur), soit une mastectomie (le sein) partielle ou segmentectomie (car le sein comprend plusieurs segments), soit encore une « zonectomie » (la lésion cancéreuse est retirée avec une marge de sécurité).

La chimiothérapie est indiquée pour les cancers proliférants et les grosses tumeurs.

L’hormonothérapie est indiquée dans les cancers qui ont des récepteurs hormonaux, et cela après les traitements « loco-régionaux » : le tamoxifène pour les femmes non ménopausées et une anti-aromatase (létrozole, exemestane, anastrozole) pour les femmes ménopausées ou non. La durée de prescription va de 5 à 10 ans, en fonction du type de cancer et de l’âge des patientes.

Avant une prescription de tamoxifène, une échographie pelvienne est réalisée pour apprécier l'état de l'utérus et celui des ovaires, en raison d’un risque utérin ou d’une augmentation de volume d’un kyste ovarien. La patiente doit recevoir une contraception efficace par stérilet au cuivre (car le tamoxifène est inducteur de l’ovulation). De plus, cette molécule est contre indiquée en cas de risque thrombo-embolique.

Des examens glucido-lipidiques et une densitométrie osseuse (en raison d'un risque ostéopénique et ostéoporotique) sont nécessaires avant un traitement par une anti-aromatase.

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