Un G20 pour l’histoire. Mais seront-ils à la hauteur ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain Joe Biden et le président chinois Xi Jinping se serrent la main alors qu'ils se rencontrent en marge du sommet du G20 à Bali le 14 novembre 2022.
Le président américain Joe Biden et le président chinois Xi Jinping se serrent la main alors qu'ils se rencontrent en marge du sommet du G20 à Bali le 14 novembre 2022.
©SAUL LOEB / AFP

Période d'incertitudes

Les menaces de récession globale qui se précisent comme l’impact de guerre en Ukraine ont donné à réfléchir aux dirigeants de la planète.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : A quel point sommes-nous, en raison du contexte de la guerre en Ukraine mais aussi de l’économie mondiale, face à un G20 important voire historique ?

Frédéric Encel : C’est un G20 qui intervient dans une période d’incertitudes, de changements sinon radicaux à tout le moins substantiels. Surtout, il se caractérise par l’absence sans précédent de l’un des grands acteurs des relations internationales. Mais ce G20 ne sera pas plus essentiel que les autres ; ces forums sont de nature et à vocation économique et non pas stratégique. L’absence de la Russie expose en revanche très bien la gravité de la crise actuelle, qui a entraîné d’autres crises dans son sillon. Beaucoup de pays en voie de développement voient leurs économies respectives grevées par la crise, ce qui les inquiète énormément, à juste titre. Par ailleurs, ce G20 est la traduction que, contrairement à ce que beaucoup prétendent, la Russie est seule. Ce n’est pas parce qu’une trentaine d’Etats se sont abstenus devant l’intervention Russe en Ukraine qu’ils auraient pour autant accueilli Poutine à bras ouverts. C’est d’autant plus vrai que, du fait de la propre impéritie de son armée sur le terrain, la crise se prolonge. Des gouvernements peuvent donc lui en vouloir d’avoir déclenché la guerre et/ou en vouloir aux Occidentaux de ne pas avoir tout fait pour l’éviter, mais ce qui est sûr, c’est que certains entretiennent à présent du dépit vis-à-vis de la Russie pour son incapacité à mettre fin au conflit. Si Vladimir Poutine était venu, il aurait été réellement isolé. Et il devient de plus en plus clair que la Chine ne soutient pas cette guerre, même si elle s’affirme contre certaines politiques occidentales.

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Les menaces de récession pèsent aussi sur le monde et le G20 est aussi un groupement économique. Peut-on s’attendre à ce que les 19 réunis soient à la hauteur des enjeux et des défis qui se présentent ?

Tout le problème repose dans ce déterminant : « des » défis. Les membres du G20 n’entretiennent pas les mêmes représentations des défis actuels. Je ne crois pas que ce G20 puisse débloquer l’une des crises auxquelles nous assistons depuis des années ; climatique, alimentaire, géopolitique, économique. Ces crises sont à la fois interdépendantes et distinctes en termes d’effet selon les Etats. Ce à quoi l’on peut croire, c’est à une volonté d’apaisement. On l’a déjà vu ces dernières heures entre Joe Biden et Xi Jinping. Pour le reste, je pense que chacun va rappeler l’urgence de régler la crise qui LE concerne prioritairement.

La rencontre entre les dirigeants américain et chinois en amont de ce sommet est-elle d’importance ?

C’est la traduction d’un nouveau rapport de force. La Russie voit son partenaire politique lui poser des problèmes politiques et économiques, ce qui aggrave sa situation. En dépit de son succès personnel au dernier Congrès, Xi Jinping se retrouve obligé d’en rabattre et ce d’autant plus que « sleepy Joe » n’est pas endormi du tout ! Il démontre, tant sur l’Ukraine que sur Taïwan, une grande maîtrise et une vraie fermeté. Il a engrangé des points politiques en voyant deux pays scandinaves rejoindre l’OTAN, mais aussi en créant un nouveau pôle diplomatique dans l’indopacifique, incluant des Etats comme le Vietnam pourtant très proches économiquement et géographiquement de la Chine. En outre, il a remporté un succès électoral important et inattendu aux mid-terms. Les gestes apaisants de Xi Jinping (sourire rare et accolade !) traduisent tout cela...

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Ce rapport de force pourrait-il durer dans le temps ?

Les rapports de force évoluent par définition constamment. Mais je pense qu’on assiste ces dernières semaines à un infléchissement de ce qui se passait ces dernières années. Difficile de dire si cela va durer des décennies, mais cela sera vraisemblablement le cas pour du moyen terme. 

Les G20 ont-ils encore un sens à l’heure actuelle, si chacun y vient pour régler ses problèmes ?

Plus il existe de cadres de négociations, mieux c'est. Multiplier les cénacles pour discuter multiplie les chances d'éviter des conflits. Attention : c’est nécessaire pour promouvoir la paix, mais pas suffisant. Cela ne peut pas tout résoudre, mais c'est assurément positif.

Donc ce sommet ne va rien résoudre ?

Non et d’autant moins que c’est un forum à vocation économique. Or, le politique prime sur l’économique. On l’a bien vu avec la décision de Poutine d’entrer en Ukraine, hautement idéologique. Et ne parlons même pas de 1914. Donc les sommets à vocation économique sont intéressants, ils ont leur importance, mais à eux seuls, par définition, ils ne peuvent en aucun cas régler les questions les plus graves, celles stratégiques et militaires.

Les européens ont-ils un rôle à jouer ?

Je pense que le rôle des Européens sera plus important voire déterminant lorsqu’ils se retrouveront stratégiquement unis au sein d’une Europe plus géopolitique, dont la vocation ne sera plus seulement celle du traité de Rome de 1957 ni même de Maastricht de 1992. L'UE doit assumer à terme une dimension politique, stratégique et militaire. Nous n’y sommes pas. Poutine a contraint les Européens à poser le débat, mais la France devra faire des efforts herculéens si elle veut convaincre ses partenaires de la nécessité d’une Europe-puissance.

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L’isolement de la Russie pourrait-elle être le début d’une nouvelle dynamique avec la Russie paria ?

Je ne crois pas à la Russie comme paria ; de toute façon, c'est la politique spécifique d'un pouvoir précis qu'il faut combattre, et non un pays et une population dans leur ensemble, naturellement. Par ailleurs, actuellement, beaucoup d’Etats ne veulent pas donner l'impression aux Occidentaux qu'ils leur sont inféodés, d'autre craignant une Russie qui leur exporte des quantités importantes de pétrole, de gaz, de produits miniers et minéraux ou encore des armes ou un soutien au Conseil de sécurité de l'ONU.  De toute façon, Poutine s’est exclu lui-même du G20 de Bali, personne ne l’a empêché de venir...

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote, l'auteur a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer dont la huitième édition se tiendra les 22-24 septembre 2023. Frédéric Encel est l'Auteur des "Voies de la puissance" chez Odile Jacob (prix du livre géopolitique 2022).

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