Ukraine : Ce qui se cache derrière l’obstination russe à tenter de conquérir la ville de Bakhmout<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats ukrainiens sur un véhicule de combat blindé vers la ligne de front le 21 octobre 2022 à Bakhmout, dans l'oblast de Donetsk, en Ukraine.
Des soldats ukrainiens sur un véhicule de combat blindé vers la ligne de front le 21 octobre 2022 à Bakhmout, dans l'oblast de Donetsk, en Ukraine.
©CARL COURT / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Enjeu symbolique

La ville de Bakhmout est depuis des mois le théâtre d'intenses combats avec l'armée russe.

Michel  Olhagaray

Michel Olhagaray

Le Vice-Amiral Michel Olhagaray est ancien directeur du Centre des hautes études militaires.

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Atlantico : La bataille de Bakhmout semble tourner à l’obstination pour la Russie, comment l’expliquer ?

Vice-Amiral Michel Olhagaray : Les batailles que se livrent Prigojine avec Wagner, les armées au sommet à Moscou et l'armée régulière russe ne connaissent pas que des succès. Pour l'instant les « avancées » de Wagner ont été mises en scène et soigneusement scénarisées par Wagner et Prigojine pour essayer de prendre certains avantages car nous ne savons pas très bien ce qui se passe au Kremlin. On s'aperçoit tout de même que maintenant Wagner connaît, semble-t-il, quelques coups d'arrêt du côté de Bakhmout.

Est-ce un enjeu stratégique ?

C'est un enjeu très important parce qu’il est au centre des lignes de confrontation du Donbass qui sont plutôt des lignes de confrontations assez statiques dans lesquelles il y a eu quelques avancées et des reprises de terrain. Donc c'est quelque chose d'assez essentiel parce que dans les oblasts de l'est de Bakhmout, il ne reste qu'à peu près que la population russophone et russophile. Ça fait partie des oblasts annexés par la Russie donc là tout mouvement et en particulier tout recul de Wagner et des Russes dans ce domaine serait pris encore comme un camouflet. Cela voudrait dire que si par hasard leurs lignes de défense -qui sont des lignes peu mises en avant par Wagner- étaient enfoncées, ça réduirait très nettement la capacité de Wagner de s'enorgueillir de certaines victoires et donc de Prigojine. Cela atteindrait un peu son influence au Kremlin.

Dans quelle mesure est-ce un enjeu symbolique ?

Tout est symbolique mais il y a bien plus symbolique. On a l'impression que ça ne devrait pas être des mouvements considérables avec la prise de Bakhmout et de territoires extrêmement importants même si ça se produit. Ce qui se passe du côté de de Kherson est, me semble-t-il, beaucoup plus important et symbolique.

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A quel point est-ce aussi pour les mercenaires Wagner un enjeu financier ?

Ce que nous croyons savoir c'est que les soldats Wagner sont mieux payés mais ce ne sont que d'anciens militaires -même maintenant des prisonniers puisque Prigojine a été vu dans les prisons-. On sait que même l'alimentation en personnel de Wagner connaît de très grandes difficultés. Et est-ce que l’argent suffit ? Lorsqu'il y a un certain élan, on peut penser que cela peut aider mais s'il y a un coup d'arrêt, les gens qui ne se battent que pour l'argent ne peuvent partir aussi très rapidement.

Certains évoquent du gaz de schiste promis à leur chef Prigojine. Qu’en savons-nous ?

Lorsqu'on voit que certains oligarques passent par les fenêtres ou tombent d'un bateau, on peut penser que les fortunes sur lesquelles ils étaient assis peuvent éventuellement être redistribuées à d'autres. Il peut y avoir aussi non seulement une lutte d'influence mais une lutte pour ces fortunes-là.  Comme vous le savez, ces dernières voguent un peu au gré des décisions du président russe qui lui-même en prend sa part semble-t-il. Donc on peut s’imaginer que Prigojine se soit vu proposé quelque chose du genre.

Quelle est la situation actuelle dans la ville ?

Actuellement sur Bakhmout, on a très peu de d'informations. Il semble que les milices de Wagner aient connu un coup d'arrêt. Je reprécise il semble parce que là vraiment des deux côtés il y a un certain black-out. Du côté des Russes parce qu'ils ne veulent pas reconnaître un arrêt de leur offensive et du côté ukrainien parce qu’ils ne veulent pas dire ce qu'ils font et en cela ils ont une politique de discrétion assez remarquable. C'est d'ailleurs ce qui explique un peu leur réussite parce qu'ils cachent leurs mouvements et les Russes manifestement sont un peu aveugles et ne voient pas trop ce qu'ils font. On ne peut donc pas savoir ce qui se passe au milieu du Donbass. Bakhmout est une bataille mais si vous voulez c'est une petite bataille à côté de tout ce qui se passe dans le nord puisqu'apparemment les lignes de défense que sont en train de construire les Russes sont des lignes de défense ouest-est ce qui laisserait penser qu’ils laisseraient la voie libre pour une contre-offensive plus prononcée des Ukrainiens vers l'est, dans le nord complet de cette partie du Donbass.

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Pour les Ukrainiens s’agit-il de montrer que Wagner n'est pas invincible et est-ce un objectif ?

Pour les Ukrainiens, l’armée russe et Wagner c'est pareil. Mais si d'une certaine façon en résultat secondaire ils pouvaient démontrer que Wagner est friable, c'est quelque chose qui pourrait semer une certaine incertitude dans l'état-major russe.

Mais les Ukrainiens veulent tenir Bakhmout et partout où ils sont, ils veulent tenir et progresser partout. Les offensives sont d'abord remarquablement menées par le chef d'état-major des armées ukrainiennes Zaloujny, qui est un stratège tout à fait remarquable.  Et je ne pense pas que ces arrières pensées là prennent le pas sur la possibilité de prendre des positions, de protéger ses positions logistiques aussi parce que Bakhmout est quand même un verrou important et protège des villes tout à fait importantes qui sont plus à l’ouest.

Ils peuvent essayer, par des stratégies de communication bien ciblées, de faire mal là où c'est douloureux mais c'est sur le terrain que ça se passe. Non seulement il ne faut pas lâcher mais il faut vite progresser. Nous sommes à l'aube de la raspoutitsa qui va quand même rendre le terrain un peu impraticable -pas partout parce qu’il y a des zones qui sont très parcourues par des voies tout à fait utilisables- mais dans la Toundra et les steppes ukrainiennes là effectivement ça sera beaucoup plus difficile. Mais avant le véritable hiver, c'est une période d'incertitude, personne ne sait pas exactement ce qui va se passer. Dans certaines zones dans lesquelles il y a des tranchées et des positions comme dans le Donbass, ça ne devrait plus trop bouger. Alors que dans le nord et à Kherson peut être un peu car il y a des artères vitales, des voies et des routes, donc là les blindés et les transports de troupes peuvent plus aisément se mouvoir.

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