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TTIP/TAFTA : petit rappel sur les promesses de croissance vendues avec les traités précédents et ce qu’elles sont devenues...
©Reuters

Chiffres à l’appui

Le 13ème round de négociation du traité transatlantique entre les Etats-Unis et l'Union européenne a démarré ce lundi 26 avril. Certains promettent emplois et prospérité, quand d'autres prévoient l'inverse. Mais nous ignorons la fiabilité de ces calculs.

Jean Fouré

Jean Fouré

Jean Fouré est économiste au CEPII. Il travaille sur le modèle d'équilibre général calculable MIRAGE (analyse des politiques commerciales et environnementales) et développe le modèle de croissance de long terme MaGE (base de données EconMap).
 
Diplômé de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole Nationale de statistique et de l'Administration Economique (ENSAE) en 2010.
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Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Le 13ème round de négociation du Tafta s'est ouvert ce lundi 26 avril entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Certaines études, comme celle de l'université Tufts, à Boston, promettent la destruction de plus de 100 000 emplois en France. Que penser de ces études et de leurs méthodes de calculs ? Dans quelle mesure ces calculs sont-ils comparables à ceux faits à la veille de la signature de l'Acte unique ou d'autres traités européens et internationaux, qui se sont souvent avérés inexacts ?

Thomas Porcher : D’une manière générale, on donne trop d’importance aux études surtout quand il s’agit de prévisions. Pour les non-initiés, ces études portent en elles quelque chose de "sacré" car elles utilisent des modèles mathématiques impressionnants composés de systèmes d’équations dont la résolution est complexe. Mais dans le fond, derrière la façade du modèle, il y a souvent des hypothèses extrêmement simplistes et peu applicables à la réalité. Or, ces hypothèses conditionnent énormément les résultats de ces études. C’est pour cela qu’il faut prendre ces études avec précaution. 

L’étude de l’Université de Tufts n’a pas été financée par la commission de Bruxelles. Les quatre études commandées par la commission montrent toutes un gain positif à la signature de TAFTA. Je pense que TAFTA est un sujet beaucoup trop important pour qu’on se repose uniquement sur les études de la commission. Surtout que, dans le passé, la plupart des études, comme le rapport Cecchini en 1988, montrent que les gains de l’ouverture de nos économies ont souvent été surévalués. 

Jean Fouré : Je pense que cette étude-là, ainsi que celle de la Commission européenne qui promet des millions d'emplois en Europe, sont à prendre avec la plus grande circonspection. A ma connaissance, nous ne pouvons sérieusement pas juger de l'impact sur l'emploi de ce type de traité, car nous manquons de base scientifique. Ce type de calculs peut cependant nous renseigner sur les ordres de grandeur et les enjeux, mais il ne faut pas prendre pour argent comptant les créations ou suppressions d'emplois nettes annoncées. Par contre, nous pouvons avoir quelques idées sur les directions que peut prendre cet accord.

Pour ce qui est de l'inexactitude des traités, cela dépend sur quels points. Je n'ai pas connaissance des études sur la signature de l'Acte unique. J'ai en tête par contre celles sur le Nafta (Accord de libre-échange nord-américain). Certains points sont vérifiés, comme l'augmentation des exportations mexicaines, et d'autres non. Mais il ne faut pas faire de comparaisons trop rapides sur ce sujet, car nous ne sommes pas forcément dans les mêmes cas. Dans l'exemple de l'accord nord-américain, le Mexique n'est pas l'Union européenne. Il faut donc prendre quelques distances avec la comparaison, ce qui n'empêche pas de regarder ce qu'il s'est passé.

La France semble tout à coup réticente à l'idée de signer cet accord. Manuel Valls a notamment déclaré que le Tafta "ne pourra pas aboutir s'il n'apporte pas les garanties" attendues par la France dans les domaines de la santé et de l'environnement. Que penser de cette volte-face soudaine ?

Thomas Porcher : Ce qui est étonnant, c'est qu'il ait fallu 13 rounds de négociations pour avoir une réaction de Manuel Valls sur ce traité alors même qu'il y avait une mobilisation citoyenne très forte depuis deux ans et une mobilisation croissante de la part de plusieurs parlementaires... Il faut également ajouter que cette prise de position intervient après les réticences du ministre de l'Economie allemand et des candidats à la succession de Barack Obama, y compris Hillary Clinton. Aujourd’hui, la position "mainstream" semble être la position défensive. Mieux vaut tard que jamais, même si il est légitime de s’interroger sur cet intérêt soudain à un moment où les sondages du Premier ministre sont au plus bas à un an de l’élection présidentielle.

Finalement, selon vous, que peut réellement attendre la France de ce nouveau traité de libre-échange ?

Thomas Procher : Difficile à dire tant les négociations sont opaques. Mais il faut bien avoir en tête que les multinationales américaines sont extrêmement puissantes et ne vont pas se laisser imposer des normes européennes si elles les jugent contraignantes. Rappelons que sur les 10 multinationales les plus puissantes au monde, 8 sont américaines et 0 européenne et qu’il y a tout un tas de secteurs où elles dominent les européennes. TAFTA est surtout un problème pour l’avenir. Une fois adopté, le traité empêchera l’apparition de nouvelles normes car elles seront considérées comme des modifications dans l’accès au marché. D’ailleurs, dans ce cas, le traité prévoit que les multinationales puissent attaquer les Etats et obtenir des indemnisations. 

Jean Fouré : Dans mon travail, j'ai étudié l'impact pour l'Union européenne dans son ensemble, mais je pense que mes conclusions s'appliquent aussi à la France. Nous pouvons espérer une augmentation sensible de nos exportations. Par contre, au total, les gains pour le PIB ou de revenu pour les habitants, seront modestes, de l'ordre de 0,3%. Cet accord n'est donc pas une solution à la crise. Enfin, il faut être vigilant, car comme dans tout accord de libre-échange, il va y avoir des secteurs gagnants et des secteurs perdants, comme l'agriculture. Le coût d'ajustement dans certains secteurs ne sera donc pas nul. Avant de signer, il faut bien prendre tous ces éléments en compte et voir qu'il ne pourra pas y avoir que des gagnants.

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