Transports du futur : l’enjeu stratégique des terres rares <!-- --> | Atlantico.fr
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Les terres rares sont indispensables au secteur des transports.
Les terres rares sont indispensables au secteur des transports.
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Disponibilités des ressources

Le salon mondial sur les "transports intelligents" se tient du lundi 5 octobre jusque vendredi à Bordeaux. Indispensables à l'innovation dans ce domaine, les terres rares font l'objet d'une raréfaction qui oblige à trouver des produits de substitution.

Patrick Goudou

Patrick Goudou

Patrick Goudou est le président de l'association Catspaw Group, dont l'objet est de promouvoir l'ensemble des secteurs du transport au niveau européen.

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Atlantico : Les terres rares sont donc indispensables au secteur des transports mais alors en quoi peuvent-elles constituer une menace potentielle sur l'ensemble de la filière ?

Patrick Goudou : Comme toutes les ressources faisant l'objet d'un marché, les terres rares sont soumises à la loi de l'offre et de la demande. Elles sont aujourd'hui irremplaçables dans certains processus industriels du secteur des transports ce qui veut dire que, sans elles, des productions devraient être interrompues en l’absence de substitut. Toutefois, de nombreuses recherches sont en cours afin de trouver ces produits de substitution.

Que leur disponibilité soit dégradée ou pire qu'elles ne soient plus disponibles pour une raison ou une autre, que leur prix devienne prohibitif et économiquement insupportable et les processus en question seraient arrêtés. D'où la menace potentielle car nous savons bien que des événements géostratégiques peuvent conduire à l'un ou à l'autre.

Or, de nombreux risques pèsent sur les terres rares qu’il s’agisse de leur production ou de leur commercialisation : intempérie de forte intensité ; hausse des coûts de production (en raison par exemple de législations sur le respect de l’environnement) ; stockage massif ou commercialisation intensive ; fluctuation des marchés ; hausse de la demande des pays émergents ; contrebande et marché noir…

Qu'est-ce que l'on appelle "terres rares"? Quelles sont leurs propriétés, et pourquoi sont-elles utilisées en particulier dans le secteur des transports ?

Les terres rares (1) sont des éléments chimiques que l'on trouve dans la nature et qui, soit entrent dans la composition de certains alliages, soit servent de catalyseur pour l'obtention de ces alliages. Dans le secteur des transports (2), mais pas uniquement dans ce secteur, elles sont utilisés notamment en électronique de pointe dont il n'est pas utile de préciser l'importance.

Légères ou lourdes, les terres rares sont donc des ressources stratégiques et ce, qu’elles soient on-shore ou off-shore.

La demande en terres rares est en augmentation constante et s'accélère au rythme de 10% par an ce qui représente un risque d'interruption de l'offre et de l'approvisionnement. Comment peut-on remédier à ce problème ?

En réalité, la demande en terres rares, qui a atteint des niveaux record avec des hausses très fortes, est en diminution depuis 2011-2012, en raison notamment de l’incidence de la crise financière internationale, mais aussi des politiques stratégiques alternatives mises en place par les États.

Leur intérêt n’a pas diminué pour autant. Plus précisément, il n'existe pas aujourd’hui de produits de substitution ou de contournement qui possèdent les mêmes avantages intrinsèques que les terres rares. Il est évident que l'industrie qui n'aime pas avoir une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête travaille à leur obtention. Mais nul ne sait quand cela sera fait.

Les terres rares ne sont bien sûr pas des cas isolés. D'autres produits doivent être remplacés par suite de leur indisponibilité ou parce que leur utilisation est interdite pour répondre en général à des contraintes environnementales. Toutefois, les alternatives impliquent dans tous les cas des coûts très élevés en R&D.

Face à la demande mondiale de terres rares, des solutions ont été néanmoins recherchées :

- réutilisation, substitution, phytomining, biolixivation, mise en en place de filières de recyclage - ce qui est long, coûteux, non maîtrisable par tous les acteurs car impliquant diverses phases : collecte, démontage, prétraitement, raffinage.

- réactivation de sources d’approvisionnements alternatives : nouveaux projets miniers (par des industriels privés avec le cas échéant des investissements publics), réouverture d’anciennes mines, développement de nouvelles techniques d’extraction.

Sans oublier bien évidemment la réduction de la dépendance européenne par diminution de l’utilisation des terres rares  et le recours à l’économie circulaire.

 Actuellement, il n’existe pas encore de  label "terres rares" spécifique, mais des brevets. Ainsi, certains acteurs ont déposé de nombreux brevets, notamment pour des procédés de récupération et de séparation des terres rares contenus dans les lampes basse consommation, les batteries rechargeables ou ILH, les aimants et les pots catalytiques des véhicules…

De son côté, la Chine dépose des brevets, qui, en général ne concerne que le territoire chinois. Le but recherché est de protéger des innovations mineures afin de permettre de conférer un caractère brevetable aux seules innovations nouvelles et inventives.

Enfin, quel pourrait être l'impact de la problématique des terres rares sur le plan géopolitique et géostratégique lorsque l'on sait notamment que la Chine dispose d'un quasi-monopole ?

Poser la question c'est presque y répondre ! On sait que le développement très rapide de la Chine dont le taux de croissance désormais "ralenti" est encore de 6 à 7% par an a entraîné dans les dernières années des tensions très fortes sur bon nombre de matières premières ou produit de première transformation comme l'acier. La Chine a des besoins considérables en matière de transports (route, rail, aviation). Des tensions sur les terres rares sont donc possibles voire probables.

Cependant, le quasi-monopole de la Chine est remis en question en raison de la diminution des prix des terres rares, dès 2011-2012, consécutivement à la crise économique et financière internationale, conjuguée aux politiques de substitution, entraînant corrélativement une baisse de la demande mondiale. A titre illustratif, la Chine elle-même, a renoncé à sa politique des quotas. Ces derniers sont remplacés par un régime de licences.

Dans le même temps, la Chine, mène une politique de concentration des groupes miniers des terres rares, à l’image de China Rare Earth Group Co. Ltd  depuis décembre 2014 (anciennement Baotang Rare Earth Group).

Dans le même ordre d’idées, la Chine a fusionné, en 2014, les grands producteurs de terres rares avec les petits mineurs.

Dans ce contexte, il convient de se demander si la prochaine bulle ne reposera pas sur les terres rares. En effet, depuis 2012, la chute des prix et celle des cours des terres rares ont entraîné des impacts financiers tels que de nouvelles structures se sont créées afin que Pékin puisse conserver son leadership.

Dès 2012, la Chine a créé la première association de producteurs de terres rares. Le 28 août 2014 la bourse des terres rares de Baotou a fait son apparition. Cette bourse compte amplifier ses activités en instaurant, à terme, un indice du prix des terres rares. De plus, elle se lancera dans le commerce transfrontalier des terres rares.

Enfin, le 7 avril 2014, en Chine, fut créée la première plate-forme d’échanges.

D’autres structures se sont développées aussi sous d’autres cieux. A cet égard, il convient de mentionner les fonds d’investissements se focalisant actuellement sur les terres rares comme le fonds flexible "Orion terres rares et ressources stratégiques".

Plus récemment, en France des sociétés d’investissement se sont lancées dans ce secteur. Toutefois, l’Autorité des Marchés Financier (AMF) a dû, dans le même temps, publier une mise en garde à l’encontre d’une de ces sociétés  "En raison … de l’incertitude quant à la nature de l’activité (de la société), du caractère déséquilibré des communications et de l’absence de mention des risques…" tant ce secteur comprend encore des inconnues et des incertitudes.

(1) Lanthane, prométhium, thulium, cérium, samarium, dysprosium, praséodyme, europium, holmium, lutécium, néodyme, gadolinium, erbium, prométhium, terbium : ces terres rares sont des lanthanides. L’ytterbium et le scandium ne sont pas à proprement parlé des terres rares.

(2) Catalyseurs des véhicules à essence, moteurs électriques des véhicules électrique, batteries pour le transport, moteurs hybrides…

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