Tragédie à Rafah : jusqu’où Israël pourra-t-il ignorer la pression internationale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des Palestiniens se rassemblent sur le site d'une frappe israélienne sur un camp de personnes déplacées à Rafah le 27 mai 2024
Des Palestiniens se rassemblent sur le site d'une frappe israélienne sur un camp de personnes déplacées à Rafah le 27 mai 2024
©Eyad BABA / AFP

Camp de déplacés

Le droit d’Israël de se défendre doit absolument être respecté. Qui rappelle que les bombardements sur Rafah hier suivaient des tirs de roquettes sur Tel-Aviv et que sans le dôme de fer, les victimes, Israéliennes, auraient été nombreuses ?

David Amsellem

David Amsellem

Spécialiste des questions énergétiques du Proche et du Moyen-Orient, David Amsellem est l’auteur de "La guerre de l’énergie, la face cachée du conflit israélo-palestinien," publié aux éditions Vendémiaire. Il est également docteur en géopolitique.

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Atlantico : Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira en urgence mardi après-midi pour discuter de la situation à Rafah après la frappe meurtrière qui a mis le feu à des tentes occupées par des Palestiniens dans un camp de déplacés. Benyamin Netanyahou a qualifié les frappes israéliennes contre un camp de déplacés à Rafah d’« erreur tragique ». La pression internationale qui s'intensifie sur Israël après ces frappes ne va-t-elle pas peser sur les capacités militaires d'Israël ou sur sa santé économique ?

David Amsellem : Il ne devrait pas y avoir d’impact direct de cette frappe sur la situation économique d’Israël qui est déjà grandement impactée par la guerre à Gaza depuis le mois d’octobre ; la dette notamment s'est fortement creusée.

En revanche, les principales interrogations concernent les livraisons d’armes américaines dont une partie, il y a quelques semaines, avait été suspendue, car Washington estimait que leur usage n’était pas adapté à des opérations en milieu urbain. La situation est ambiguë concernant la suite de ces livraisons. Les Américains avaient prévenu qu’ils n’effectueraient pas de livraisons de bombes en cas d’opération d’envergure des Israéliens à Rafah. C'est la raison pour laquelle, depuis des semaines, les Israéliens ont commencé leurs opérations à Rafah, mais de manière beaucoup plus ciblée et limitée, en engageant davantage les troupes au sol ; et ce afin de contenter l’allié américain. Au niveau de la livraison des armes et au niveau de la situation économique, le bombardement à Rafah devrait être un non-événement.

Au niveau de la société israélienne, chez les citoyens ou au sein de la classe politique, est-ce que la pression internationale après les bombardements à Rafah sur ce camp de réfugiés et cette crise ne risquent-ils pas d’entraîner des fractures assez importantes ?

La pression, en interne, a commencé depuis quelques semaines et ce qu’il s'est passé à Rafah ne va pas inciter les Israéliens à descendre davantage dans la rue. Ceux qui manifestent aujourd’hui le font pour les mêmes raisons qu’il y a un an ou deux : ils se mobilisent contre le gouvernement de Netanyahou qui, en plus d'avoir échoué à contrer la menace sécuritaire du Hamas, était déjà, à leurs yeux, un problème pour la démocratie israélienne.

En revanche, là où l’intensification de la pression est palpable, c'est au niveau international. Cela est visible en France notamment avec le cas de Rima Hassan, la candidate LFI qui s'est tout de suite emparée du sujet pour participer à un rassemblement devant l'ambassade israélienne. La pression internationale sera d’autant plus forte que le nombre de victimes dans ce bombardement à Rafah est important.

À court terme, il pourrait y avoir une multiplication des communiqués de presse pour exercer davantage de pression sur Israël, mais je ne suis pas certain que cette crise va changer fondamentalement le cours du conflit. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou est déterminé à aller au bout de l’offensive militaire pour éliminer le Hamas. Il y a quand même une partie de la population israélienne qui veut en finir avec le Hamas. Cette crise liée au bombardement du camp de réfugiés ne va pas remettre en cause, à mon sens, l'opération israélienne.

Ce bombardement et la pression internationale ne vont-ils pas accentuer les fractures et les divisions au sein du gouvernement israélien ?

Il s’agit du principal risque lié à cette crise. Les manifestations dans les rues resteront maîtrisées. La pression internationale des États arabes et des alliés occidentaux devrait être contenue. En revanche, une crise politique en Israël peut éclater ce qui serait préjudiciable si le gouvernement d'union nationale se fracturait. Actuellement, une partie de l’opinion israélienne est rassurée grâce à ce gouvernement d'union nationale qui est l’une des principales raisons pour laquelle la contestation interne est contenue. Mais si les alliés au-delà de la droite israélienne commencent à quitter le gouvernement, l’actuel Premier ministre sera de plus en plus isolé politiquement. Depuis quelques semaines, des désaccords profonds sont apparus entre Netanyahou et deux de ses principaux ministres (Yoav Gallant, son ministre de la Défense et Benny Gantz, principal chef de l’opposition) sur la suite à donner à l'opération à Gaza. Dans ce contexte, certains hommes politiques peuvent avoir la tentation de quitter le gouvernement avant qu’il ne soit trop tard afin de préparer leur avenir politique.

Le conflit à Gaza depuis le 7 octobre a été marqué par des étapes clés et des événements majeurs. En quoi le bombardement du camp de réfugiés à Rafah pourrait-il être une étape charnière et un nouveau point de bascule du conflit ?

Je ne pense pas que cette crise soit une étape majeure du conflit. La séquence de l’hôpital Al-Shifa avait été un point de bascule beaucoup plus important, car avant cet événement, le choc des attaques du 7 octobre avait été immense dans le monde occidental, ce qui permettait à Israël d’engager sa riposte pratiquement sans critique. Or, les accusations qui imputaient – à tort – le bombardement de l’hôpital Al-Shifa à Israël ont été un premier basculement de l’opinion internationale.

La situation actuelle est très différente. Depuis le début de l'année 2024, le gouvernement israélien est critiqué de toutes parts. La Cour internationale de justice (CIJ) a été saisie et a été largement critique sur cette opération ; certains alliés occidentaux se montrent beaucoup plus critiques ; plus récemment, c’est le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) qui a demandé un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanayou et son ministre de la Défense pour dénoncer la riposte israélienne.

Dans ce contexte, cette opération à Rafah va constituer un élément supplémentaire pour les détracteurs d'Israël et ceux qui sont inquiets de la situation humanitaire à Gaza. Pour autant, elle ne devrait pas être une étape déterminante dans le conflit.

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