Tout le monde a répété que le béton des Romains était plus résistant que le contemporain. Voilà pourquoi la réalité est nettement plus compliquée<!-- --> | Atlantico.fr
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Un article du MIT sur les propriétés du béton romain a fait beaucoup parler dans la presse.
Un article du MIT sur les propriétés du béton romain a fait beaucoup parler dans la presse.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Béton viral

Un article du MIT sur les propriétés du béton romain a fait beaucoup parler dans la presse. Certains articles affirment qu’il était meilleur que notre béton actuel.

Jean-Michel Torrenti

Jean-Michel Torrenti

Jean-Michel Torrenti est chercheur à l’Université Gustave Eiffel et professeur à l’école des Ponts.

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Atlantico : Un article du MIT sur les propriétés du béton romain a fait beaucoup parler dans la presse. Certains articles affirment qu’il était meilleur que notre béton actuel. Qu’en est-il ?

Jean-Michel Torrenti : Cela m’a plutôt fait sourire. Expliquer comme ils le font que c’est en raison de sa composition – avec des fragments de chaux - que le béton romain est parvenu jusqu’à nous prête à sourire. Cet article est bien évidemment vrai sur le plan scientifique, mais la raison majeure des problèmes de durabilité des structures en béton aujourd’hui, c’est la présence d'armatures métalliques à l’intérieur. Il y a des barres en acier qui servent à renforcer le béton sur sa durée d’usage (c'est le béton armé) et ce sont ces armatures qui, à terme, se corroderont. Si les romains avaient fait de même nous n’aurions pas de trace non plus de leurs structures, malgré leur béton. Il est vrai que les fragments de chaux dans le béton romain permettent une auto-cicatrisation, mais dire que ce serait la raison d’une durabilité particulière me paraît être présomptueux. Il faudrait savoir ce qu’on a conservé de béton romain par rapport à ce qui a été construit. Et même sans cela, si aujourd’hui on mettait un bout de béton, sans armature, dans un lieu, il y serait vraisemblablement toujours 1000 ans plus tard. Le béton est très stable, mais les armatures en fer non (la forme stable du fer c'est l'oxyde). Elles se corrodent, ce qui abîme le béton.

Qu’est-ce qui différencie concrètement les deux bétons ? Ont-ils les mêmes propriétés auto-cicatrisantes ?

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Les romains utilisaient de la chaux et mélangeaient cela avec des cendres volcaniques du Vésuve. Et c’est quelque chose que l’on a redécouvert récemment : remplacer une partie du ciment par d’autres produits apportant des propriétés liantes permet de diminuer les impacts carbones. Aujourd’hui on utilise des cendres volantes (issus de centrales à charbon) ou du laitiers de haut fourneau ou encore du métakaolin. Ce que les romains ont découvert, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la pouzzolanicité. Et on l’utilise de plus en plus à nouveau, pour faire des bétons bas carbone. Pour cela, on remplace une partie du ciment Portland pur par ces produits.

Concernant la cicatrisation, celle-ci se fait grâce à une source de calcium. Il y en a dans le béton actuel, mais sans doute davantage dans le béton romain.

Le béton actuel est-il plus adapté à nos besoins ?

Si nous n’avions pas de problèmes environnementaux, le ciment Portland pur conviendrait parfaitement. Mais la question environnementale est un enjeu majeur. La recherche veut créer un béton avec les mêmes propriétés mais un impact carbone plus faible. On sait comment baisser tout de suite cet impact de 30%, mais il y a encore du travail pour atteindre un impact nul ce qui est l'objectif final.

Si on le souhaitait, pourrait-on se passer des armatures en fer dans nos bétons ?

Oui et dans certains cas on le fait déjà. On peut par exemple utiliser de l'acier inox ou des armatures composites qui ne vont pas se corroder. L’association française de génie civil a publié un guide sur l'utilisation des armatures composites, mais cela reste encore peu développé et relativement cher. Et on sait améliorer la durabilité du béton, sur sa durée de vie prévue : 50 ans pour un bâtiment, 100 ans pour un pont. Réparer des bâtiments pour corrosion passés ces délais, c’est normal.

Y-a-t-il un sens de comparer les deux bétons dans les termes utilisés dans la presse laissant entendre que l’un est meilleur que l’autre ?

Ça n’a pas d’intérêt de se demander qui est le meilleur, en revanche comparer les bétons peut nous apprendre des choses, notamment sur le vieillissement du béton ou sur la pertinence des ajouts pouzzolaniques. Cela reste des matériaux analogues. Et nous avons encore des choses à apprendre sur ces bétons. Concernant l’étude en particulier, il est important de ne pas oublier que le MIT a une force de communication très importante. Et par ailleurs, une entreprise veut désormais commercialiser un béton s’inspirer de ses découvertes. Donc il ne faut pas oublier l’aspect marketing de cette communication. Il y a de l’intérêt à faire mousser le sujet. Ce qui ne remet en rien en cause les résultats scientifiques de l’étude.

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