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Terrorisme : l’Etat islamique pourrait préparer une attaque sur un stade à l’aide de drones
©Reuters

Air Daech

Une équipe d'analystes d'Open Briefing, une agence privée anglaise de renseignement, alerte sur le risque de l'utilisation de drones par le groupe terroriste pour mener des attentats de masse contre des événements sportifs en Occident. Un risque qui doit être pris au sérieux.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Une équipe d'analystes d'Open Briefing, une agence privée anglaise de renseignement, alerte sur le risque de l'utilisation de drones par l'Etat islamique pour mener des attentats de masse contre des événements sportifs en Occident. Cette menace vous semble-t-elle réelle ?

Alain Rodier : Il n'est pas une semaine sans que l'on évoque la possible utilisation d' "armes spéciales" par des terroristes. Généralement, il s'agit d'armes chimiques, bactériologiques ou de bombes sales. L'équipe d'analystes évoque l'utilisation de drones que le Groupe État islamique (GIE) pourrait lancer sur une foule. Si techniquement, cela reste du domaine du possible, il convient de se mettre à la place de l'adversaire pour comprendre les difficultés auxquelles il est confronté.

Tout d’abord, le matériel en lui-même. Si des dizaines de milliers de drones sont vendus dans le commerce chaque année, il convient de remarquer que ces engins n'ont, pour la grande majorité d'entre eux, pas la capacité d'emporter une charge importante. Pour les plus gros (je ne parle pas des drones militaires), ils peuvent recevoir soit une arme automatique de petit calibre, soit une charge explosive, soit un moyen d'épandage pour des matières chimiques nocives. Mais à chaque fois un problème se pose. Dans le cas d'une arme automatique, elle ne peut alors être approvisionnée qu'au maximum d'une centaine de munitions (et encore…). Pour être assez précise, elle doit s'approcher à quelques dizaines de mètres de la cible. Dans le cas d'une charge explosive, pour qu'elle soit létale, il convient de l'équiper de projectiles en métal, l'explosion en elle-même ne servant qu'à projeter ces shrapnells (boulons, clous, etc.). Dans ces deux cas (munitions ou morceaux de métal), cela alourdit considérablement la charge qui devient rapidement impossible à transporter. Enfin, il reste le système d'épandage mais il convient également dans ce cas d'avoir assez de "matière" car un gaz ou un produit chimique répandu dans l'air doit avoir une concentration suffisante pour être efficace (sans parler du vent qui disperse cette matière).

Ensuite, il faut pouvoir guider le drone à destination ce qui, même avec une caméra embarquée, n'est pas une chose aisée et plus le drone sera lourd, moins il sera maniable. De plus, les drones civils sont très sensibles aux courants d'air et leur perte de contrôle est une chose fréquente.

Donc, sans minimiser la menace qui est réelle, il est possible de penser que son pouvoir létal reste relativement limité. Par contre, il est possible que la panique engendrée au sein d'une foule soumise à ce genre d'attaque risque de créer beaucoup plus de victimes.  

Y a-t-il des précédents d'utilisation d'aéronefs sans pilotes à des fins terroristes ?

Quand les drones n'étaient pas à la mode, il existait déjà les maquettes d'avions ou hélicoptères. Il y a une vingtaine d'années, les escortes des dirigeants sud-coréens comportaient toujours un champion de ball-trap armé d'un riot gun qui était chargé d'abattre toute maquette qui pouvait s'approcher de l'autorité. En effet, les Sud-coréens pensaient que les services nord-coréens allaient utiliser cette méthode pour assassiner des autorités.

Plus récemment, le FBI a déjoué une tentative d'attentat contre le Capitole. Le terroriste voulait y envoyer une maquette d'avion (de plus d'un mètre d'envergure tout de même) avec plusieurs grenades à son bord. En dehors du fait que s'il avait réussi, cela n'aurait pas fait grand mal au bâtiment car la charge était largement insuffisante, le terroriste n'a pu venir à bout de son projet car la maquette lui a été fournie par un agent du FBI agissant sous couverture. Il a été serré au moment de la perception de l'engin...  

Les services de sécurité occidentaux prennent-ils au sérieux cette menace ?

Depuis le survol de sites sensibles, dont l'Élysée et des centrales nucléaires par des drones, la menace est prise au sérieux par les autorités. Les services de protection étudient les meilleures façons d'y faire face : brouilleurs électroniques, drones défensifs et même rapaces (comme sur certains aéroports). C'est d'ailleurs là où des drones peuvent être dangereux pour les avions au décollage. Mais la vigilance y est déjà renforcée.

Comment se prémunir d'un risque d'attentat au moyen de drones ? 

En plus des moyens décrits ci-avant, le renseignement reste le moyen numéro un. Contrôler l'identité des acquéreurs de drones (surtout pour les plus gros) me semble être le minimum. Les autres méthodes restent bien sûr confidentielles.

En réalité, les terroristes ont bien d'autres moyens de parvenir à leurs fins en employant des méthodes plus classiques comme l'ont montré les attentats de 2015 en France. Loin de moi l'idée de minimiser cette menace qui doit être prise en compte mais je ne pense pas que cela constitue une priorité. D'autant qu'un Etat comme l'Iran qui a des capacités bien supérieures à Daech en matière de technologie a construit de nombreux drones (dont certains seraient armés de missiles air-sol). Ces derniers ont été employés par le Hezbollah libanais (et abattus) au-dessus d'Israël alors qu'ils étaient en mission de renseignement. C'est d'ailleurs vraisemblablement là que le risque est le plus élevé. Le groupe Etat islamique peut en effet en utiliser pour effectuer des reconnaissances d'objectifs qu'il souhaite traiter par des moyens plus "classiques". Cela a déjà été le cas à plusieurs reprises sur le front syro-irakien. 

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