Tensions sur les différents modèles d’intégration européens : le cas britannique <!-- --> | Atlantico.fr
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"Dans le processus qu’est l’intégration, il y a des phases violentes mais nécessaires."
"Dans le processus qu’est l’intégration, il y a des phases violentes mais nécessaires."
©Reuters

Remise en cause

La Grande-Bretagne se remet difficilement du meurtre du militaire, assassiné à coups de machette par deux hommes d'origine étrangère ayant revendiqué leur crime au nom d'Allah. Le pays ne pourra sans doute pas s'exonérer d'une sérieuse remise en cause de son modèle d'intégration multiculturel et multiethnique. Deuxième article de notre série sur "les tensions sur les différents modèles d'intégration européens".

Moustafa  Traoré

Moustafa Traoré

Moustafa Traoré est diplômé d'un doctorat en études anglophones de la Sorbonne. Il est spécialiste du système d'intégration en Grande-Bretagne et de ses limites.

 

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Premier partie de notre série concernant les tensions sur les différents modèles d'intégration européens : le cas scandinave

Atlantico : En Suède, Stockholm et sa banlieue ont connu quatre nuits de violences entre mercredi et jeudi. Les incendies de voitures, dégradations et jets de pierre, d'abord confinés à Husby, un des quartiers pauvres de Stockholm, se sont étendus aux autres quartiers défavorisés et abritant la plus forte concentration d'immigrés. En quoi la situation est-elle comparable aux émeutes de Londres en 2011 ?

Moustapha Traoré : L’intégration, tout comme la démocratie, est un processus idéal jamais achevé mais qu’on se doit toujours de tenter d’atteindre et d’améliorer. Exemple : les États-Unis pensaient être une démocratie dans les années soixante et pour cela ils s’opposaient à l’URSS, alors qu’en réalité nous le savons très bien qu’il ne s’agissait pas d’une démocratie puisque dans certains états du sud des États-Unis, les noirs n’avaient pas le droit de vote. Le même constat peut être fait avec les femmes en France en 1945. Ce que nous concevons comme étant démocratique aujourd’hui peut ne pas paraitre comme tel lorsque nous porterons un regard sur nos sociétés dans 50 ans. C’est la même chose pour le processus d’intégration. 

Dans le processus qu’est l’intégration, il y a des phases violentes mais nécessaires. Est-ce que les noirs  auraient eu le droit de vote aux États-Unis, s’il n’y avait pas eu les émeutes de Notting Hill, le mouvement des droits civique avec Martin Luther King, Angela Davis, Malcolm X, et Mohammed Ali et les Blacks Panthers ? J’en doute.

En Grande-Bretagne ce sont les émeutes de Brixton en 1981 qui vont marquer le début d’une réelle politique d’intégration. Le rapport  de Lord Scarman sur les raisons et le déroulement des émeutes est accablant. Il parle d’un système institutionnellement raciste et discriminatoire en Grande-Bretagne. Aujourd’hui la Grande-Bretagne est largement reconnue pour être un pays multiculturel à tout point de vue, même si à travers la famille royale, l’église Anglican et le "settlement Act 1701" on peut voir ses limites. Les émeutes de Londres en 2011 sont les premières émeutes post raciales dans la mesures ou les deux communautés largement impliquées étaient les blancs et les noirs (plus précisément les jamaïcains). La communauté indo-pakistanaise qui tient les affaires en a été victimes notamment dans la ville de Birmingham où deux d’entre eux ont été assassiné par des émeutiers alors qu’ils tentaient de protéger leur commerce. Les communautés musulmanes et sikhs ont toujours été très opposées et même rivales. Mais pour la première en 2011 on a pu assister à des rassemblements de musulmans indo-pakistanais et sikhs qui s’unissaient et se mobilisaient dans l’intention de faire face aux émeutiers.

Ce mercredi, un soldat britannique a été assassiné à Londres à coups de couteau et de machette par deux hommes d'origine étrangère qui ont revendiqué cet acte terroriste au nom d’Allah. Ce crime est-il, selon vous, lié, à un problème d'intégration ?

Moustapha Traoré : Le meurtre d’un militaire britannique qui a eu lieu mercredi est un crime horrible. Cependant, comme je le disait dans mon livre L’intégration de culture musulmane en Grande-Bretagne, des principes à la réalité, (l’Harmattan, 2011), à l’heure de la mondialisation le concept d’intégration doit aussi être envisagé à l’échelle mondiale. En d’autres termes les pays qui ont fait le choix de l’intégration, et non de l’assimilation, doivent  prendre en considération qu’en intégrant de nouvelle population, leur société devient multiculturelle, multiethnique voire multiconfessionnelle. Il est nécessaire dans ce cas d’être vigilant en ce qui concerne le traitement que l’on fait des autres nations et ce surtout depuis les progrès informatiques et le raccourci des frontières que cela a engendré. Il apparait contradictoire d’œuvrer en faveur de plus de démocratie et de l’intégration des minorités dans son pays et en revanche en matière de politique extérieur mépriser ou produire de l’injustice dans les pays d’où sont originaire nos minorités. Dans un monde globalisé ou mondialisé cela porte atteinte forcément à la volonté et à la sincérité de notre démarche vers des sociétés et un monde plus démocratique et plus égalitaire. L’intégration est une démarche qui va dans le sens de l’équité et de la justice, et c’est en cela qu’il doit être analysé et compris en rapprochement avec la démocratie.

Selon l’auteur du crime de mercredi c’est la politique extérieure de la Grande-Bretagne qui a motivé son acte. Il y voit un "eux" et "nous", une opposition. Parmi ses identités multiples, il semblerait que celle de sa confession religieuse l’oppose à la politique extérieure menée par la Grande-Bretagne. Ceci nous invite donc à prendre en compte les politiques extérieures dans la conception du processus d’intégration.

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