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Un militant en faveur de la démocratie brandit une pancarte alors que la police monte la garde devant la cour d'appel de Hong Kong en février 2021. L'ONG Freedom House vient de publier son rapport sur le recul de la démocratie.
Un militant en faveur de la démocratie brandit une pancarte alors que la police monte la garde devant la cour d'appel de Hong Kong en février 2021. L'ONG Freedom House vient de publier son rapport sur le recul de la démocratie.
©ANTHONY WALLACE / AFP

Vie démocratique en danger

L’ONG Freedom House a publié son rapport sur l’état de la démocratie dans le monde et évoque une "démocratie assiégée". Les trois quarts des habitants de la planète vivent dans des pays où la liberté est en déclin.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : L’ONG Freedom House a publié son rapport sur l’état de la démocratie dans le monde et souligne une "démocratie assiégée". Quelles sont les situations les plus emblématiques de cette dégradation qui permettent de dire que la liberté recule ?

Florent Parmentier : L’ONG Freedom House est une institution reconnue qui publie chaque année son rapport sur l'état de la démocratie dans le monde. Cette maison des libertés est née dans le monde angoissant de 1941 où la survie même des systèmes démocratiques était en jeu, en pleine Seconde Guerre mondiale. Elle dépend en grande partie de subside de l'État américain ( entre deux tiers et 85 % de son financement) et dispose de liens avec la CIA. Elle a joué le rôle d'aiguillon et dispose d’une méthodologie reconnue, précise, d’évaluation de la démocratie et de l’Etat de droit. Dans son rapport annuel Nations in transit, elle a par exemple décrit, tout au long des années 1990 et 2000, les progrès de la transition démocratique et de l’ouverture des régimes politiques et des sociétés. . 

Or, force est de constater que non seulement le nombre de démocraties recule, mais que la qualité même de ces démocraties a tendance à reculer. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : la liberté des médias et de moins en moins garantie ; les enjeux de sécurité ont pris une importance considérable dans le débat public, avec pour obligation la garantie de celle-ci au détriment des droits individuels. La démocratie et l'état de droit sont frappés par une double crise de légitimité et d'efficacité : les régimes autoritaires (Russie, Chine) n'hésitent pas à mettre en avant les faiblesses démocratiques, et la moindre capacité qu’avant à distribuer des biens politiques. A l’heure de la montée de la Chine, l'hégémonie idéologique du libéralisme politique semble avoir vécu, y compris dans nos pays démocratiques. Dans une récente étude du CEVIPOF -  le Baromètre de la confiance politique 2021 - l’idée “d’avoir à la tête du pays un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement et des élections” recueille 34% d’approbation en France, mais également 42% en Allemagne, 49% au Royaume-Uni et 46% en Italie. La tentation autoritaire existe même dans des démocraties établies !

Le rapport fait état de 15 années de déclin, et d’un renforcement en 2020. Quel rôle a joué le Covid dans la restriction des libertés ? Doit-on s’attendre à une perte durable ou au contraire à des situations passagères permettant de nuancer l’analyse ?

La Covid, comme toute menace extérieure (risque d’invasion, djihadiste, déstabilisation numérique, etc.), tend à restreindre l’usage des libertés publiques. Nous nous y habituons peu à peu, sans pouvoir réagir. La question des libertés académiques en est un exemple : comment ne pas voir que la remise en cause de la liberté académique est une remise en cause de la liberté en général, ne concernant pas que les universitaires ? Mais, a contrario, peut-on encore parler de liberté, d’échange et de délibération lorsque certains spectacles sont interdits dans les universités et que des personnalités ne peuvent s’exprimer dans des enceintes académiques ? 

En matière de Covid, on a pu observer, au début de la pandémie, une action résolue de la part de Viktor Orban en Hongrie, dans la restriction momentanée des libertés, puis dans son ouverture aux vaccins chinois et russe. Les libertés de circulation ont été suspendues, de commercer, les élections ont été déplacées ; mais est-il bien responsable de contribuer à propager un virus dont la nocivité a été prouvée ? On le voit, la Covid nous met face à de nombreux dilemmes sociaux.

Tout n’est pas totalement noir puisque selon le rapport, 28 pays ont vu leur situation s’améliorer. Qu’est ce qui a permis ces rares évolutions positives et de quelle ampleur sont-elles ?

Le politologue Samuel Huntington a publié au début des années 1990 un ouvrage pour parler des vagues de démocratisation, lui-même ayant centré son analyse sur la “troisième vague” de 1974 à 1990. Il montrait le caractère cyclique des régimes démocratiques, avec des périodes hautes et des périodes de reflux, avec des contre-tendances constamment à l'œuvre. Il est frappant de constater que nous vivons une crise de la gouvernabilité au moins autant que de la démocratie : les mouvements démocratiques en Biélorussie, en Russie ou en Chine le montrent. L’appel de l’Etat de droit, la possibilité pour chaque citoyen d’éviter l’arbitraire existe assez universellement, moyennant des chemins particuliers, comme je l’ai montré dans un précédent ouvrage, Les chemins de l’Etat de droit, pour le cas de l’Europe Centrale et Orientale.

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