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Tensions grandissantes en Algérie : Bouteflika n’est plus là, mais les généraux, si
©RYAD KRAMDI / AFP

Mobilisation

A Alger, la police a arrêté des dizaines de manifestants ce vendredi, lors d'un rassemblement contre le général Ahmed Gaïd Salah.

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren, historien, est président du Laboratoire d’analyse des ideologies contemporaines (LAIC), et a récemment publié, On a cassé la République, 150 ans d’histoire de la nation, Tallandier, Paris, 2020.

 

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Atlantico : A Alger, la police a arrêté des dizaines de manifestants ce vendredi, lors d'un rassemblement contre le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée devenu l'homme fort du pays. Que sait-on de la situation actuelle dans les rues ?

Pierre Vermeren : C’est encore difficile de savoir, mais apparemment, il y a eu ce vendredi matin plusieurs dizaines (voire centaines ?) d’arrestations conduites par les forces de l’ordre pour dégonfler ce 14e vendredi de manifestation du Hirak. Ce n’est en effet pas pendant la manifestation que les arrestations ont eu lieu, mais avant, afin de dissuader les milliers de manifestants de rejoindre Alger centre. Depuis quelques semaines, des barrages sur les routes et autoroutes d’accès à la capitale empêchaient les provinciaux de l’Algérois et de Kabylie de rejoindre Alger. Certes, les manifestations de ces dernières semaines ont diminué en nombre. Toute la société est pourtant représentée parmi ceux qui  descendent dans la rue, y compris en cette période de ramadan : enfants, jeunes, adultes, personnes âges ; étudiants, professionnels, retraités ; hommes et femmes ; voilées et non voilées ; islamistes, fonctionnaires, gens de gauche etc. Mais le volume ayant réduit, et l’échéance électorale du 4 juillet –au demeurant de plus en plus improbable- approchant, les autorités tentent le coup de force. Rien ne dit que cela va fonctionner, car cela peut avoir un effet inverse à celui recherché.

Presque deux mois après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, il s'agissait du 14e vendredi de marche contre le régime. Le mouvement ne semble pas s'essouffler malgré la période du Ramadan. C'est également votre sentiment ? Quel bilan dressez-vous du mouvement, de ses revendications et de son issue ?

Comme je viens de le dire, le mouvement se réduit en volume, mais pas en intensité politique et militante. Au demeurant, il continue d’être national avec de forts bastions comme Bordj Bou Arreridj dans le Constantinois, ou en Kabylie. Mais le bilan est assez considérable : malgré les millions de manifestants, il n’y a eu que deux morts (dont un de crise cardiaque), très peu de violences et pas de destructions ; rappelons que les manifestants nettoient eux-mêmes les rues après les énormes manifestations, notamment à Alger. Les Algériens se sont affranchis de leur peur héritée de la décennie noire face au régime policier, et les forces de l’ordre ont montré beaucoup de retenue (et parfois une sympathie tacite). Le but premier a été atteint : sortir Bouteflika, ou plutôt son frère qui était le vrai patron de l’Algérie depuis 2013, du jeu. Le frère et beaucoup de  ses obligés sont en prison et vont être jugés pour corruption. Et les deux derniers patrons du DRS qui ont été le bras armé de Bouteflika pendant 20 ans sont en prison. Cela paraît absolument incroyable. Il reste à savoir sur quoi cela va déboucher : comment démocratiser ce pays sans créer le désordre, dans un contexte d’extrêmes tensions économiques.

A ce rythme-là, peut-on craindre qu'on se dirige vers des répressions plus violentes ? D'autant plus que la répression et le contrôle ne se tourne pas simplement vers les Algériens, à l'image d'Aymeric Vincenot le directeur de l'AFP expulsé le 9 avril dernier ?

Je crois que sur l’AFP, on est dans autre chose. C’est certainement un moyen de punir la France pour  faire suite à des accusations d’ingérence. Jean Nouvel vient aussi d’en faire les frais en perdant un marché… et il y a d’autres exemples. Mais ça ce sont les affaires franco-algériennes. Pour ce qui est des affaires algériennes, on est clairement à un tournant. Ahmed Gaïd Salah, le patron de l’armée et de l’Etat depuis le départ de l’ancien président, s’accroche à la légalité constitutionnelle par peur de l’inconnu. Les élections présidentielles devraient avoir lieu le 4 juillet selon ses dires : mais il est de plus en plus probable qu’elles soient repoussées car on ne voir pas du tout comment elles pourraient se tenir sans donner lieu à une énorme contestation. La question du report pose celle d’une autorité politique de transition, avec d’éminents personnalités. Mais la peur de l’inconnu reste encore très forte. Même si pour l’instant, rien ne menace directement le processus… La violence déchaînée, tout le monde la redoute, et tout sera fait me semble t il, pour éviter cette étape dans la phase en cours. Ou alors, on serait sans un nouveau scénario. Pour moi, comme en Tunisie actuellement, le plus dramatique, c’est la situation économique.

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