Temps de pandémie : petite lecture utile si vous envisagez de partir en croisière cet été<!-- --> | Atlantico.fr
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Un paquebot de la compagnie MSC Croisières.
Un paquebot de la compagnie MSC Croisières.
©Josep LAGO / AFP

Covid-19

Un paquebot de la compagnie MSC est parti le 20 de Marseille pour une croisière-test avec 339 passagers à bord, première étape d'une reprise progressive des croisières en France. Malgré les précautions prises, le risque zéro n'existe pas.

Christophe Daunique

Christophe Daunique

Christophe Daunique est consultant en management, spécialisé dans le secteur public. Il publie régulièrement des articles sur son blog personnel (https://christophe-daunique.medium.com/).

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Atlantico : Alors que l’été approche et que le déconfinement se poursuit dans de nombreux pays, les croisières vont reprendre du service. Le 20 juin un paquebot de la compagnie MSC est parti de Marseille pour une croisière-test avec 339 passagers à bord, première étape d'une reprise progressive des croisières en France. Une traversée garantie 0% Covid est-elle réellement possible ?

Christophe Daunique : En théorie, le meilleur moyen de garantir une traversée sans Covid est de s’assurer qu’aucune personne présente, passager et membre d’équipage, ne porte le virus avant d’embarquer. En pratique, cela ne peut pas être garanti pour les raisons suivantes :

  • Les tests, qu’ils soient PCR ou antigénique, présentent des limites. On peut avoir des faux négatifs ou alors la personne peut également être en train d’incuber et le virus est donc indétectable au moment où le test est réalisé.

  • De plus, comme les tests peuvent souvent être faits plusieurs jours (48 heures chez MSC), on peut aussi parfaitement être contaminé entre-temps alors que le test est négatif.

  • Le seul moyen de garantir l’absence de contamination serait une quarantaine, comprise entre 14 et 21 jours, avant d’embarquer. Autant cette solution pourrait être envisageable pour les membres d’équipage, qui pourraient la passer sur le bateau d’ailleurs pour préparer le voyage, autant elle est complètement irréaliste pour les passagers

Par conséquent, il est matériellement impossible de garantir à 100 % l’absence de Covid pendant une traversée.

En revanche, cela ne veut pas dire que les tests sont inutiles. Toutes choses étant égales par ailleurs, on peut normalement s’attendre à ce que les tests détectent une partie des passagers infectés et permettent donc de réduire la probabilité qu’un passager infecté embarque. En l’occurrence MSC demande un test moléculaire ou antigénique négatif dans les 48 heures et prévoit également un test par écouvillonnage au COVID-19, que je suppose donc être un test PCR. Si c’est bien le cas, cela signifie qu’on pourra normalement détecter une personne infectée après l’embarquement mais pas au moment de l’embarquement, car il faut plusieurs heures pour avoir les résultats. Pour plus de sécurité, on pourrait également envisager un test rapide antigénique, dont les résultats arrivent après plusieurs minutes, juste avant l’embarquement.

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Quel type de protocole anti-Covid est mis en place à bord par les compagnies pour éviter la propagation du virus ? Le Covid-19 se diffuse-t-il différemment sur un bateau que dans un autre lieu ?

Le problème principal d’un bateau de croisière est la promiscuité naturelle du lieu puisqu’un bateau va souvent embarquer plusieurs milliers de personnes dans un espace réduit (jusqu’à 5000 pour les plus grands). Cette promiscuité rend de facto plus difficile la distanciation sociale. De plus, c’est, entre autres, à cause d’un bateau de croisière, le fameux Diamond Princess, que l’hypothèse d’une contamination aéroportée du virus a été renforcée puisque c’était la seule hypothèse rationnelle pour expliquer la progression du virus chez les passagers. La transmission aéroportée représente un problème supplémentaire sur un bateau de croisière par rapport à un autre lieu pour la simple et bonne raison qu’il contient énormément d’espaces clos où l’air contaminé peut s’accumuler.

Le site de MSC indique les mesures de santé et de sécurité qui sont prises. Une partie d’entre elles traite la contamination manuportée à savoir :

  • Des nouvelles méthodes d'assainissement avec l’utilisation de désinfectant approuvé en milieu hospitalier, des pulvérisateurs électrostatiques, l’augmentation de la fréquence de nettoyage et en mettant l'accent sur les zones les plus fréquentées et touchées ;

  • Le nettoyage quotidien des cabines, avec assainissement en profondeur à la fin de chaque croisière ;

  • Des distributeurs de désinfectant pour les mains disponibles à bord.

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Avec un tel protocole, la transmission manuportée me semble plutôt bien traitée.

Une autre partie du protocole concerne la transmission par gouttelettes ou postillons. Pour lutter contre celle-ci, le port du masque est obligatoire dans les espaces publics à l’intérieur, sauf dans les restaurants, bars et salons. De plus, la distanciation physique est également prise en compte avec la réduction de la taille des groupes pour certaines activités ou plus prosaïquement avec l’espacement des transats.

Enfin, il reste la contamination aéroportée qui est selon moi le risque le plus important. Celui-ci est traité à la fois par le port obligatoire du masque et également par la fourniture de 100% d'air extérieur frais et purifié dans toutes les cabines et zones publiques, sans recirculation de l’air. L’intention est bonne car il faut effectivement renouveler l’air le plus souvent possible. En revanche, je manque de données pour estimer si ce renouvellement est suffisant, pour cela, il faudrait connaître la fréquence de renouvellement ainsi que la qualité de la purification de l’air notamment les filtres utilisés.

En l’état, si l’ensemble des mesures décrites est rigoureusement appliqué, le risque de transmission est normalement considérablement réduit. En revanche, il reste par définition un point faible, les lieux de restauration, où le masque n’est pas porté et on peut également quelques lacunes dans le port du masque dans les espaces publics, car il me semble difficile de le garantir à 100 % pendant toute la traversée.

Si malgré toutes les précautions prises un cas de Covid-19 se déclare durant la croisière, que se passe-t-il ?

Dans la mesure où il est impossible de garantir l’absence de virus à bord et de réduire à néant le risque de transmission, il faut logiquement s’attendre à ce que de cas de Covid-19 se déclarent par moments. La question est alors de traiter le problème le plus rapidement possible. Concrètement cela passe par :

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  • L’isolement des personnes infectées dans des pièces dédiées en s’assurant notamment de la non-circulation de l’air de ces pièces ;

  • Leur débarquement dès que possible à terre pour traitement ;

  • La mise en œuvre rapide et efficace d’un dispositif tester / tracer / isoler. Le tracing doit notamment permettre de repérer le plus rapidement les cas contact et de les tester dès que possible, tout en les isolant en attendant les résultats.

Par rapport à un autre lieu, le tracing est normalement plus facile sur un bateau de croisière. La liste des cas contacts est limitée à celle des passagers, qui sont tous connus et pour peu qu’il y ait des caméras de vidéosurveillance ainsi que des réservations pour les activités, il est théoriquement beaucoup plus facile de retrouver les contacts d’une personne en remontant tout simplement dans son historique sur le bateau.

Pour que ce dispositif TTI soit efficace, il doit être organisé avant même la survenue d’un cas afin de ne pas improviser. MSC indique par conséquent disposer de procédures d'isolement spécifiques et des plans d'intervention complets en place à déclencher en partenariat avec les autorités locales pour les cas suspects ou confirmés de COVID-19. De plus, la compagnie déclare également avoir renforcer ses services médicaux, avec du personnel et du matériel, notamment pour les tests, et des ventilateurs.

A mon avis, le dispositif semble robuste sur le papier et suffisant s’il est effectivement mis en œuvre lorsqu’il y a peu de cas. En revanche, on peut se poser la question de son efficacité si jamais plusieurs cas se déclenchent en même temps. De plus, j’imagine qu’il est de facto difficile d’isoler des clients qui veulent profiter de leurs croisières s’ils ne sont que cas contacts. J’espère donc que la compagnie se montre intransigeante sur le respect des règles. Il en va de son intérêt et de celui des clients.

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Dernier point non-abordé jusqu’à présent, la vaccination. Pour éviter tout problème, le plus simple serait encore de demander à tous les passages et membres d’équipage. De cette manière, même s’il y a un cas déclaré, ce qui est normalement moins fréquent puisque la vaccination protège partiellement de l’infection, la transmission n’aura aucun impact pour les autres personnes puisqu’ils seront eux-mêmes protégés. En revanche, il y a deux limites :

  • La première est que ces bateaux accueillent probablement des enfants qui ne peuvent pas être vaccinés, du moins pas avant 12 ans pour l’instant ;

  • La seconde est que la réglementation actuelle ne permet probablement pas de le faire car le pass sanitaire n’impose pas la vaccination. A la rigueur cela pourrait être envisagé pour les membres d’équipage. De plus, certains Etats comme la Floride, qui est une base importante de bateaux de croisière, interdisent aux entreprises de demander une preuve de vaccination.

En résumé, les protocoles des bateaux de croisière sont adaptés mais le risque existe toujours. Pour une traversée en toute tranquillité, mieux vaut être complètement vacciné.

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