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Tempête sur le jury du Nobel de médecine : Paolo Macchiarini l'homme par qui est arrivé le plus retentissant scandale médical de l'histoire de la Suède
©Allociné

Docteur Frankenstein

Le Comité Nobel, chargé d'attribuer chaque année les illustres prix Nobel aux personnalités les plus influentes de leur discipline, a évincé deux de ses membres, accusés d'avoir étouffé le scandale médical du chirurgien Paolo Macchiarini.

Y-aura-t-il un prix Nobel de médecine cette année ? La question peut se poser, alors que la légitimité du Comité Nobel a été mise en cause après que deux de ses membres, professeurs à la mondialement connue université suédoise de médecine qu'est l'Institut Karolinska (IK), ont été accusés d'avoir tenté de protéger Paolo Macchiarini, chirurgien italien accusé en 2013 de fautes médicales et éthiques graves. Harriet Wallberg-Henriksson et Anders Hamsten, les deux fautifs, ont été priés de démissionner du comité, rapporteThe Washington Post.

Manquements à l'éthique médicale

Le scandale avait éclaté en janvier 2013, après que la presse suédoise révèle les manquements du chirurgien Paolo Macchiarini aux règles d'éthique médicale. Le scientifique italien avait pourtant tout l'air d'être un honnête homme et excellent chirurgien, talentueux au point de laisser son empreinte dans l'histoire de la médecine. En effet, il devient en 2008 le premier scientifique à réaliser une greffe de trachée-artère issue d'une personne décédée. La technique consiste, comme le préciseSciences et Avenir, à "décellulariser" l'organe avant de le réensemencer par des cellules souches provenant du corps receveur.

La presse célèbre alors l'homme responsable de cette avancée majeure, qui faciliterait grandement la cicatrisation et limiterait les risques de rejet. La nouvelle suscite un tel engouement que le très prestigieux Institut Karolinska lui offre un poste en 2010. Un an plus tard, le chirurgien décide de retenter l'expérience, avec une trachée en plastique cette fois-ci, également colonisée des cellules du receveur. Mais le succès n'est pas au rendez-vous. Deux des trois patients opérés à Stockholm décèdent des suites de l'intervention, le troisième dans un état très affaibli, mais la presse n'en est pas avertie. Ni le chirurgien, ni l'Institut Karolinska ne révèle cet échec. Et pour cause, Paolo Macchiarini n'aurait pas pris les précautions médicales requises : tester les prothèses sur des animaux avant de les expérimenter sur l'homme.

Motus et bouche cousue

Durant deux ans, le secret est bien gardé, notamment par Harriet Wallbreg-Henriksson, doyenne de l'établissement universitaire, puis par Anders Hamsten, son successeur. L'objectif étant de ne pas ternir la réputation de l'Institut. Il faut dire que, tout compte fait, le docteur Paolo Macchiarini n'était pas vraiment l'archétype du médecin fidèle à son serment d'Hippocrate : un rapport mené par l'IK lui-même sur ce chirurgien qui se compare au docteur Frankenstein – pas la meilleure des comparaisons – accuse ce dernier d'avoir déformé les bilans de suivi de ses patients en sa faveur, d'avoir falsifié son CV, d'avoir menti et violé des valeurs fondamentales d'éthique médicale. Le 23 mars 2016, l'IK finit par licencier le chirurgien, accusé d'homicides involontaires par la police suédoise, relate la revue médicale Science. L'homme encourt six ans de prison.

Les deux hauts placés de l'IK et du Comité Nobel, Wallberg et Hamsten, se retrouvent maintenant à leur tour dans l'œil du cyclone. Visés par une enquête rendue publique le 5 septembre 2016, le recrutement de Paolo Macchiarini leur est reproché, car constituant une grave erreur de jugement. Anders Hamsten se voit notamment reproché, comme le précise la revue Science, d'avoir volontairement mis aux oubliettes un rapport qui concluait que Macchiarini déformait les résultats de ses interventions chirurgicales à un degré constituant une faute.

Indignation de la communauté scientifique

Et c'est toute la communauté scientifique qui s'en retrouve ébranlée. "Notre confiance en ces deux personnes a été sérieusement endommagée […] Nous allons demander à Harriett Wallberg et à Anders Hamsten de quitter l'Assemblée Nobel", a déclaré le secrétaire du Comité Nobel, Thomas Perlmann, au média suédois TT. Bo Risberg, ancien président du comité d'éthique à l'IK, a estimé que ce scandale est assez grave pour "empêcher la tenue du Nobel en médecine pour au moins deux ans". Il trouve néanmoins opportun que l'argent économisé soit alloué aux familles des patients de Paolo Macchiarini. Pierre Delaere, professeur de chirurgie respiratoire à l'Université catholique de Louvain (Belgique), l'un des premiers à critiquer les travaux du Frankenstein italien, s'est confié à Sciences et Avenir. Selon lui, il s'agit de l'un des plus grands mensonges de l'histoire médicale : "J'espère que l'Institut Karolinska et l'Assemblée Nobel se remettront bientôt de cet immense scandale, que tous les résultats obtenus, qui ne sont fondés sur rien d'autre que des mensonges, seront invalidés. Il est également important que la recherche sur les cellules souches soit débarrassée de travaux irréalistes telles que la régénération d'une trachée artère ou d'un œsophage"

L'épilogue de cette histoire reste que les deux membres du Comité Nobel accusés ne peuvent en théorie pas être démis de leurs fonctions. Ils seront tout simplement écartés des activités de l'assemblée décisionnaire. Thomas Perlmann a tenu à préciser qu'"Harriet Wallberg et Anders Hamsten n'ont pas participé aux travaux pour désigner le prix Nobel de médecine 2016", qui sera remis le 10 décembre, comme chaque année.

Il n'aurait manqué plus que ça, tiens. 

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