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Tempérer les points clivants de son programme ou rester le candidat qui ne cède pas aux intimidations : quel est le plus grand risque pour François Fillon ?
©MARTIN BUREAU / AFP

Juppé comme jamais ?

Aujourd'hui se tient une réunion des anciens ténors partisans de l'ancien candidat à la primaire de la droite Alain Juppé, ces derniers veulent que leurs positions pèsent plus pendant la campagne présidentielle de François Fillon. Rassemblement ou identité de droite : voici ce qu'il peut se passer dans le cas d'un compromis.

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Aujourd’hui vont se réunir les anciens supporters d’Alain Juppé, ils souhaitent que leurs positions et propositions prennent plus de place dans la campagne présidentielle de François Fillon. En termes électoral, qu'aurait-il de plus à gagner selon vous, entre un virage au centre de son programme, et le fait d'assumer sans concession le programme qui a convaincu les électeurs de la droite ?

David Valence : Il faut distinguer trois "temps" dans les difficultés de Francois Fillon depuis sa désignation comme candidat de la droite et du centre. 

Dans les premières semaines qui ont suivi sa victoire, beaucoup se sont étonnés de lui voir prendre du champ. Sa parole est devenue très rare dans les médias en décembre et janvier.

Fallait-il plutôt imprimer, marteler, occuper tout l'espace? Reste que ce persistant et atypique silence a laissé s'installer un premier doute. 

Les semaines passant, des critiques sont également apparues sur le projet avec lequel Francois Fillon l'avait emporté à la primaire, jugé trop conservateur sur les questions de société et trop libéral en économie. 

Ces reproches de fond pointaient une réalité programmatique et humaine : Francois Fillon a peut-être estimé que sa victoire très nette valait approbation inconditionnelle et que la nécessité de "rassembler la famille" était un problème déjà réglé dans les urnes de la primaire. 

Enfin, le soupçon d'emplois fictifs autour de ses collaborateurs familiaux l'a affaibli dans l'opinion. 

Il est indispensable aujourd'hui que Francois Fillon retrouve sa capacité à proposer : un projet d'avenir, un destin pour notre pays qui rêve de redevenir grand. Il est urgent également pour lui de montrer que c'est autour de sa personnalité, de ses idées que se fait le rassemblement. 

Sans donner l'impression de se renier, Francois Fillon gagnerait donc à envoyer de vrais signaux au centre : en parlant plus largement d'Europe par exemple et en termes plus positifs, plus ambitieux. 

Une frange décisive d'électeurs centristes ou de droite modérée hésite en effet à voter désormais pour lui.

Lorsque l'on regarde les résultats des enquêtes d'opinion sur le premier tour de la présidentielle, une fuite des électeurs vers Emmanuel Macron, alors même que le candidat républicain traverse une séquence difficile, n'est pas vraiment engagée... Comment évoluer ce risque ? Quel niveau de rejet le candidat d'En Marche! suscite-t-il chez ces électeurs de droite ?

Francois Fillon est issu d'un grand parti de gouvernement actuellement dans l'opposition : il est normal qu'il bénéficie d'un socle solide. Il est logique aussi que la candidature d'Emmanuel Macron ne séduise pas massivement d'anciens partisans de Fillon, tant Macron leur apparaît lié au quinquennat de Francois Hollande.

Pour autant, si Francois Fillon ne "bouge" pas dans le sens du rassemblement, il remettra son destin aux autres. Faute de pouvoir remonter la pente, ses seules chances de succès reposeraient en effet sur la fragilité des autres : la conviction que Macron va commettre des erreurs, notamment.

Il faut certes utiliser la force de l'autre en politique comme au judo... Mais compter principalement sur les autres pour l'emporter est insuffisant, voire dangereux.

La fuite d'électeurs Fillon vers Macron n'est peut-être pas spectaculaire. Mais elle explique le delta de 5 à 6 points qui sépare souvent les deux candidats dans les enquêtes d'opinion, et pourrait priver Francois Fillon de second tour.

D'où cette impérieuse nécessité de rassemblement pour Fillon : il doit absolument tenir les deux bords de l'omelette, à droite comme au centre, pour gagner. Il n'a pas le choix.

Pour autant, François Fillon doit aussi maintenir la cohésion entre les différents courants des Républicains. Comment la question devrait se poser pour vous ? Quels en sont les enjeux ?

Le risque de perdre une élection promise comme gagnée d'avance devrait faire taire mécaniquement les critiques publiques dans les semaines qui viennent.

Mais cela ne dispensera pas en effet Francois Fillon d'ouverture aux sarkozystes et aux juppéistes sur le fond et dans le choix des personnalités qui l'entourent.

Il n'est pas trop tard pour l'emporter, mais la crédibilité du candidat désigné lors les primaires est indexée sur ses capacités à rassembler sincèrement les familles de la droite et du centre.

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