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Téléphonie mobile : vers un "forfait familial" de Free pour contrer les opérateurs historiques ?
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Low cost

SFR est le troisième et dernier opérateur téléphonique à décliner cette semaine sa gamme de forfaits low-cost. Véritable demande du marché ou riposte en vue de l'entrée prochaine de Free dans le secteur de la téléphonie mobile ?

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Atlantico : Pourquoi les opérateurs téléphoniques se lancent-ils dans l'aventure low-cost ?

Emmanuel Combe : Le déclencheur fondamental est l'arrivée d'un nouvel acteur : Free. La concurrence prochaine de Free sur le marché du mobile entraine une réaction préventive des trois grands opérateurs. L’équilibre du marché est rompu par l’arrivée de cet outsider, qui a la réputation d’être très innovant sur le plan commercial, et très agressif dans son positionnement tarifaire.

Si les opérateurs se mettent au low-cost, ce n'est donc pas seulement par choix, sinon ils l’auraient fait depuis longtemps, mais du fait de cette contrainte nouvelle : l'arrivée d’un outsider sur un marché déjà proche de la saturation (100% de taux d'équipement mobile chez les Français). Cela signifie que Free, si elle veut réussir, devra capter des clients aux autres opérateurs. Free est condamnée à réussir dans un marché mature, et doit donc être très innovante commercialement. Si vous partez demain chez eux, cela sera pour deux raisons : soit parce que Free sera moins chère à service égal, soit parce qu’elle proposera des offres que les autres ne proposent pas encore.

Ont-ils déjà dévoilé leurs intentions ?

Je n'ai rien vu car Free va miser sur l’effet de surprise, mais je pense qu'une voie intéressante pourrait être explorée, celle du forfait familial. Imaginez d'abord ce que cela signifie en terme de gains de pouvoir d'achat pour toute la famille, et au-delà, imaginez l’impact commercial pour Free : cela veut dire que Free ne captera pas un client, mais trois ou quatre d’un coup. Ce type de forfait familial n'existe pas vraiment pour l'instant. D'ailleurs, un forfait famille peut s’entendre de deux manières : "je vous fais un prix si vous venez à quatre" ; mais cela peut aussi prendre la forme d’un tarif privilégié pour toutes les communications à l'intérieur de la famille (illimité entre tous les membres de la famille), à l’image des abonnements pour les professionnels d’une même entreprise.

Mais quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut s’attendre à ce que Free soit innovante sur les forfaits et agressive sur le plan tarifaire. Ajoutons à cela que Free bénéficie aujourd’hui d’une image de fiabilité auprès de ses clients : le temps de l’opérateur Internet proposant une qualité de service au rabais est révolu.

Ces nouvelles formules low-cost feraient l'économie d'un service après-vente de qualité, comme Sosh chez Orange ou B&You chez Bouygues. Qu'en est-il concrètement ?

Si les trois opérateurs se lancent dans le low-cost, ce n’est pas uniquement parce que Free va le faire, mais aussi parce que cela colle avec une attente profonde d’une partie des consommateurs aujourd’hui : faire soi-même son abonnement en utilisant le Net ; ne plus être obligé de s’engager sur un forfait de 12 ou 24 mois. 

Chez les opérateurs existants,  les offres ont longtemps pris la forme de packages complexes combinant plusieurs options, avec subventionnement du téléphone par l’engagement ; a contrario, dans une offre low-cost, on recherche la simplicité, la transparence tarifaire, le dépouillement. Certes, il y a dégradation de la qualité en ce sens, puisqu’il y a moins de services, mais c'est justement cette simplicité et cette lisibilité que les clients recherchent. N’oublions pas aussi le rôle des options qui viennent s’ajouter au forfait de base : chez Free par exemple, sur Internet, la hotline 7J/7 est une option en plus, assez onéreuse par rapport au prix du forfait ; mais si vous le prenez, le service est d'une bonne qualité et d’une grande réactivité. Au client donc de choisir les options dans un menu, d’assembler lui-même son produit et de payer en conséquence. Il y a là une démarche de liberté et de responsabilité individuelle plébiscitée par les consommateurs.


Quelle est la marge de progression des offres low-cost ou de second rang ?

Il y a tout d’abord les MVNO (opérateurs virtuels qui n'ont pas de réseau, qui utilisent les réseaux des trois opérateurs). Ce ne sont pas toujours des low-cost mais plutôt des opérateurs ciblés sur des publics très précis comme les jeunes (Virgin Mobile). On voit toutefois apparaître des MVNO comme La Poste mobile qui se positionnent sur le créneau du low-cost. Les MVNO low-cost progressent parce que ce sont les meilleurs vecteurs pour contrer Free sur son propre terrain. Aujourd’hui, les opérateurs vont plus loin et lancent sur le net leur propre filiale low-cost, avec Sosh pour Orange et B&You pour Bouygues Telecom, ainsi que la nouvelle offre de SFR avec ses "séries Red".

Quel est l'intérêt pour les grands opérateurs ?

Couper l’herbe sous les pieds du nouvel entrant : la vertu de la concurrence, c’est justement de pousser les opérateurs à réagir, à être audacieux. Selon moi, La Poste mobile constitue une vraie menace pour Free. D'abord parce qu’elle dispose de 55 000 points de vente : les bureaux de poste ! En outre c'est une société qui jouit d’une excellente réputation auprès des Français, liée à la proximité géographique. Du coup, les clients ont confiance. La Poste va faire venir à la téléphonie mobile et au forfait mensuel des personnes qui restaient cantonnées sur des offres prépayées et rechargeables. Pour l’opérateur qui héberge la Poste mobile (SFR), il vaut mieux se faire prendre un client par La Poste aujourd’hui plutôt que par Free demain, parce que La Poste paie une redevance pour l’usage du réseau.

NDLR : Xavier Niel, fondateur du fournisseur d'accès internet Free, fait également partie des investisseurs d'Atlantico.

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