Télécommunications : sortir du « Un problème ? On coupe ! »<!-- --> | Atlantico.fr
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Canal+ a annoncé le 2 septembre 2022 être "contraint de renoncer à la diffusion" des chaînes du groupe TF1 en France métropolitaine.
Canal+ a annoncé le 2 septembre 2022 être "contraint de renoncer à la diffusion" des chaînes du groupe TF1 en France métropolitaine.
©ROMAIN DOUCELIN / HANS LUCAS / AFP

Tribune

Depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, une épée de Damoclès pèse sur les européens, alimentant l’inflation, menaçant la croissance, accentuant les dissensions entre États membres de l’Union européenne : que la Russie coupe le gaz ! Le phénomène a déjà commencé, agissant comme un puissant collier étrangleur. Et l’on redécouvre à cette occasion la dure leçon apprise dans le domaine énergétique en 1973 : détenir l’accès à un bien essentiel peut être une arme puissante.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Le domaine de l’énergie n’est pas le seul qui voit une utilisation opportuniste de l’accès à une ressource ou une infrastructure se développer. Dans le domaine des télécommunications, l’on a vu de tels comportements se multiplier au cours des dernières semaines. Le 18 août, Orange a ainsi mis fin à la diffusion de dix chaînes de télévision locales, dont neuf déclinaisons de BFM. Récemment, Canal+ a interrompu le signal de TF1 et de ses chaînes TNT (LCI, TMC, TFX etc.), lesquelles ne sont plus accessibles via l’application MyCanal. La ministre de la Culture s’en est d’ailleurs émue. La raison de ces passes d’armes ? Le conflit sourd qui oppose opérateurs de télécommunications et les fournisseurs de contenus en matière de financement des infrastructures.

Bien sûr, l’on pourrait jouer au jeu du mistigri et entrer ici dans la querelle du « qui paye quoi ? ». Cette opposition est classique. Les opérateurs de télécommunications ont beau jeu de rappeler que sans les infrastructures, il n’y a pas de contenus à diffuser. Les fournisseurs de contenus, de leur côté, retorqueraient à juste titre que des tuyaux vides n’intéressent pas beaucoup, et que si les clients finaux souscrivent à des services de télécommunication, c’est pour avoir accès à de l’information et du divertissement digital, si possible varié et de qualité. 

Cette opposition entre opérateurs de télécommunications n’est pas qu’un sujet national. Elle est aussi un sujet épineux de régulation européenne. Car depuis qu’elle estime avoir franchi une étape décisive en matière de numérique avec l’adoption du Digital Market Acts (DMA) et du Digital Services Act (DSA) – deux textes qui restent à mettre en œuvre et dont les effets positifs restent eux aussi à démontrer - la Commission, depuis quelques mois, n’a pas fait mystère de sa volonté de s’attaquer au sujet des infrastructures. Au passage, elle aurait pu se souvenir qu’une des raisons de la faiblesse relative des infrastructures est le degré limité de concentration du secteur des télécommunications en Europe (des dizaines d’opérateurs contre une poignée aux Etats-Unis), lequel s’explique pour partie par le caractère drastique des règles de concurrence européennes.

Pourtant, alors que la position de la Commission semblait clairement pencher en faveur des opérateurs de télécommunications – le contraire étonnerait dans la mesure où plus grands fournisseurs de contenu sont les géants américains contre lesquels l’UE se bat - beaucoup plus de prudence s’exprime désormais. Début septembre, la Commission, par la voix de T.Breton a ainsi annoncé qu’une large consultation serait menée sur le sujet. Dans deux lettres récentes adressées à la Commission, deux groupes d’État membres adoptaient d’ailleurs sur le sujet des positions différentes. Ce qui promet de sérieux débats.

Sans doute ne faut-il pas préjuger des résultats et laisser le temps à la société civile de s’exprimer, puis au régulateur européen de prendre ses responsabilités. Mais certaines surprises ne sont pas à exclure. Car si, comme c’est le cas depuis quelques années, ce qui se pratique en France doit inspirer l’UE par l’entremise du très entreprenant et très souverainiste commissaire Français, la situation française, issue de la pratique et des contentieux qui l’ont émaillée, est bien une situation dans laquelle les opérateurs de télécommunications – ils le regrettent – payent plutôt pour les contenus. Sans d’ailleurs que la France se distingue par un retard particulier par rapport à ses voisins.

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