Atlantico : Quels sont les effets des produits chimiques utilisés par les entreprises chinoises du textile sur l’écosystème ?

Pierre-Samuel Guedj : Les produits chimiques utilisés par les entreprises chinoises ont un effet dévastateur sur l’écosystème lorsqu'ils sont mal employés. Le niveau de pollution environnementale est élevé avec notamment un effet néfaste sur la faune (disparitions d’espèces, mutations génétiques), la flore et l’homme en général (modifications du métabolisme hormonal, cancers, mutations génétiques...).

Pourquoi s’attaque-t-on aux industries du textile chinois ? La fabrication du textile pollue-t-elle plus que celle d’autres biens de consommation ? Pourquoi ne pas s’attaquer aux productions d’autres pays asiatiques ?

L’industrie du textile (vêtement et chaussures) est particulièrement concernée sur l’ensemble de l’Asie et pas seulement l’industrie textile chinoise.

Dans l’industrie textile on utilise beaucoup de teintures industrielles, chimiques et dans certains pays à gouvernance perfectible où les questions d’ordre sanitaire, sociale et environnementale n'étaient pas une priorité, on a pu noter de nombreux scandales.

Certains pays comme la Chine, sont de plus en plus attentifs à l’impact sanitaire sur leur population, notamment dans un souci de paix sociale, qui concorde aussi avec l’apparition d’une classe moyenne. Une attention particulière est donc accordée à l’environnement de production (rejets de produits chimiques dans l’eau), à la compatibilité des techniques de production avec la réglementation Reach (réglementation européenne qui pousse les industriels à déclarer les produits chimiques qu’ils utilisent) sans laquelle aucun commerce avec l’Europe ne peut avoir lieu.

Par ailleurs les entreprises donneuses d’ordres qui achètent ou font fabriquer des produits en Chine sont de plus en plus challengées par les ONG et les opinions publiques européennes. Elles cherchent à s’assurer que les entreprises mettent en place des plans de vigilance au titre notamment de la directive Reporting Extra financier, dite directive Barnier. D’autre part, les entreprises, quant à elles, sont de plus en plus attentives aux conditions de fabrication de leurs produits, d'autant plus depuis la catastrophe du Rana Plaza.

Enfin si le textile est le bien de consommation le plus concerné par ces sujets, c’est parce qu’il est le plus marqué par la délocalisation des usines de production en Asie.

Pourquoi utiliser de tels produits chimiques, qui en plus d’avoir des conséquences catastrophiques sur l’environnement doivent être également dangereuses pour les travailleurs ?

Il existe deux types de produits. Les produits agrémentés qui peuvent être dangereux mais dont l’utilisation est autorisée si certaines conditions d'utilisation, d’hygiène et de sécurité sont respectées. Leur utilisation doit donc être raisonnée et dans le cas où ces règles d’utilisation ne seraient pas respectées, cela pourrait comporter des risques à moyen et long terme (par exemple si la réglementation concernant les rejets dans le milieu aquatique n’est pas respectée). Les produits non agrémentés sont illégaux.

Cette séparation entre agrémenté et non agrémenté est censée être internationale mais certains pays n’exercent pas de contrôle sur tous leurs acteurs. Ce qui explique que certaines usines puissent parfois s'affranchir de respecter les réglementations internationales. Au regard de ce type de défaillance, les entreprises mettent en place des plans de vigilance qui consistent notamment à auditer les fournisseurs, ainsi que les fournisseurs de fournisseurs, sur les conditions de travail ou encore le respect des normes. Le donneur d’ordre doit pouvoir remonter loin dans la chaine de fabrication.

Aujourd’hui, les marques européennes qui passent des commandes à leurs fournisseurs étrangers ont l’obligation de montrer ces plans de vigilances qu’ils publieront dans leur rapport de gestion (nouvelle Directive Barnier)..

Changer pour des méthodes de production en accord avec le respect de l’environnement, cela représenterait-il un intérêt économique pour les industries du textile ? Si les enjeux économiques sont tels, pourquoi ne pas avoir changé plus tôt ?

Il y a des bénéfices économiques directs, ce sont des principes d’efficacité énergétique ou environnementale. Ainsi, les entreprises font au regard de l'investissement nécessaire un certain bénéfice sur le long terme (exemple : économie en eau, économie en électricité...).

Ces économies ne sont pas colossales, certes, mais impératives en vue de commercer avec l’Union européenne. Les usines chinoises ont donc dû devenir "eco-friendly" au vu du durcissement des législations européennes. Si cette transition est tardive, c’est aussi parce que les réglementations européennes sont encore très récentes.

De plus, la Chine devait s’y plier puisqu’elle fait face dorénavant à des enjeux d’opinion publique (émergence de la classe moyenne).

Si des économies d’énergie sont possibles, peut-on remplacer les produits toxiques également ? Cela se tradurait-il par une économie supplémentaire ?

Il est possible de remplacer les teintures par des teintures naturelles mais tout cela n’est pas sans augmentation du coût final du produit, ce qui se répercute sur le coût d’achat et donc sur les consommateurs. Si le degré d’exigence augmente, le coup de production augmente. Il faudrait pouvoir sensibiliser les consommateurs sur le "prix juste" d’un produit, ce qui est compliqué en période de crise.