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Taxe carbone européenne : la fausse bonne idée
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

La hausse de l’énergie ne s’arrête-t-elle donc jamais ?

Le retour de la taxe carbone est à craindre et peut engendrer l’inefficacité des taxes environnementales si elles ne sont pas contrôlées.

Henri Prévot

Henri Prévot

Henri Prévot est ingénieur général des Mines. Spécialiste des questions de sécurité économique et de politique de l'énergie, il tient un site Internet consacré à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Il est l'auteur du livre "Avec le nucléaire" paru chez Seuil.

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Atlantico : Ce vendredi, on apprend que l'Union européenne considère de nouveau l'introduction d'une taxe carbone à l'échelle communautaire. Une taxe carbone commune en Europe peut-elle être efficace pour atteindre les objectifs fixés par les accords sur le climat ?

Henri Prévot : On parle souvent de « taxe carbone » pour signifier que le montant des impôts devrait dépendre des émissions de CO2, mais on ne peut pas isoler une « taxe carbone » des autres impôts sur l’énergie. En effet les consommateurs ne sont pas sensibles à telle ou telle taxe ; ils regardent le prix qu’ils doivent payer. C’est donc à juste titre que le rapport de la Commission considère la fiscalité de l’énergie dans son ensemble en précisant que celle-ci doit tenir compte des émissions de CO2.

La fiscalité de l’énergie est de la responsabilité des Etats membres ; l’Union se limite aujourd’hui à fixer un niveau minimum. En fait, les impôts sur l’énergie sont très différents d’un pays à l’autre. En France, ils sont généralement très supérieurs à ces minimums. L’harmonisation de la fiscalité que recommande la Commission nous sera donc globalement favorable, si du moins elle tient réellement compte des émissions de CO2.

Malgré les nombreuses révoltes en France qui ont pris comme point de départ la contestation de taxes sur l'énergie, les dirigeants européens semblent toujours favoriser ces approches pour atteindre leurs objectifs économiques. Comment expliquer que les taxes reviennent-elles si souvent pour organiser notre politique environnementale ?

La France, comme les autres pays de l’Union européenne, s’est donné comme objectif que les émissions de CO2 ne dépassent pas une certaine limite.

Pour y parvenir, le gouvernement peut réglementer ou bien faire en sorte que le consommateur trouve intérêt à économiser de l’énergie ou à utiliser des formes d’énergie sans émission de CO2. La réglementation a ses limites ; comme les aides publiques, qui sont financées par les impôts, ne suffisent pas le Parlement a voté la création d’une « taxe CO2 ». 

Mais, en décidant que celle-ci augmenterait d’année en année sans tenir compte du prix du pétrole, la loi en a fait une taxe « aveugle » et non « intelligible » comme l’a fort bien dit Emmanuel Macron dans son discours du 10 décembre 2018 sur la transition énergétique. 

Le but de la taxe est de faire en sorte que les prix du fioul, du gaz et du carburant atteignent des niveaux qui rendent intéressant l’usage des pompes à chaleur pour les logements et de l’électricité pour le transport. Ces niveaux de prix ne dépendent pas du prix du pétrole. Donc le montant de la taxe permettant de les atteindre en dépend directement : avec un pétrole à 150 $/bl, on n’aurait pas besoin de taxe CO2. Les Français pourraient donc comprendre cette taxe si son montant était ajusté selon le prix du pétrole pour que les prix montent de façon programmée et indépendante du prix du pétrole, et si elle était accompagnée d’aides pour les cas difficiles.

Ils n’ont donc pas compris ni accepté qu’elle augmente en même temps que le prix du pétrole. Et ils n’ont sans doute pas vu - car c’est soigneusement caché - qu’une bonne partie de cette taxe CO2 sert à financer le surcoût de la production éolienne et photovoltaïque, qui n’évite aucune émission de CO2. Comment obtenir la confiance si la politique n’est pas cohérente ?

Parmi les mesures envisagées, le rapport de la Commission envisage d'étendre la taxation aux domaines qui avaient été exclus de la directive européenne sur la taxation de l'énergie (DTE) de 2003. Ne faut-il pas craindre de voir ici se creuser plus encore l'inégalité de mobilité tant dénoncée par les gilets jaunes depuis un an ? 

Le rapport de la Commission envisage en effet d’étendre la taxation de l’énergie et de réduire les possibilités d’exemption dans le transport aérien et maritime et le transport de marchandises sur route. Cela toucherait peu la vie quotidienne des Français.

Pour réduire l’inégalité des situations devant les nécessités du transport ou du chauffage, le Parlement pourrait aider les ménages mis en difficulté à acquérir une pompe à chaleur ou un nouveau véhicule, ou leur accorder une prime représentant le montant de l’impôt CO2 payé sur une certaine quantité de carburant par exemple. 

Dans la même veine, la Commission dénonce une taxation de l'électricité trop faible pour gagner. Une hausse des taxes sur l'électricité ne risquerait-elle pas, en plus d'appauvrir les plus défavorisés, de poser des problèmes de compétitivité économique pour l'Union européenne ?

Pour accélérer le développement de l’éolien et du photovoltaïque, le rapport de la Commission recommande de mettre une taxe sur les autres formes d’électricité. C’est logique si l’électricité est produite à partir de gaz ou du charbon mais le rapport, qui ne dit rien du nucléaire (en 66 pages, le mot apparaît seulement une fois !), laisse entendre par son silence qu’il faudrait une taxe aussi sur le nucléaire. Au vu de l’objectif primordial, qui est de diminuer nos émissions de CO2, c’est incohérent.

Autre silence : vouloir se passer d’énergie fossile en 2050 augmentera les coûts de production industrielle. Le rapport n’étudie pas les conséquences sur le commerce extérieur de l’Union. A tout le moins, faudrait-il une taxe à la frontière pour équilibrer les conditions de la concurrence.

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