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Taux immobiliers à leur plus bas historique : faites-vous partie de ceux qui vont en bénéficier ou de ceux que ça va enfoncer ?
©Pixabay

Tozéro et inégalités

Au mois de mars, les taux immobiliers sont passés sous la barre symbolique des 2%. Des taux d'emprunt bas et une inflation proche de zéro sont les signes d'une situation de crise. Les conditions d’accès au crédit n'étant pas liées aux taux mais à la conjoncture économique, cette baisse profitera à ceux qui possèdent déjà un bien et défavorisera ceux qui n'en ont pas.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Les taux immobiliers sont passés sous la barre des 2% au mois de mars et la baisse devrait se  poursuivre en avril. Ils atteignent un niveau record jamais vu depuis l’après-guerre. Qui seront les bénéficiaires de cette baisse des taux ? A l'inverse, qui sont les perdants ?

Philippe Crevel : La BCE a décidé de mettre à zéro son principal taux directeur. La Suisse emprunte à taux d’intérêt négatifs jusqu’à 20 ans, la France jusqu’à 7 ans. Dans ces conditions, il est assez logique qu’au mois de mars, le taux moyen des prêts immobiliers selon Empruntis à 10 ans se soit abaissé à 1,65 %. Selon les derniers chiffres de l’observatoire Crédit Logement/CSA, les taux s’établissaient à 1,97 % en moyenne (hors coût des assurances et garanties, toutes durées de prêts confondues) contre 2,09 % en février et 2,15 % en janvier. Du jamais vu ! Certes, pour avoir une vision plus précise, il faut prendre en compte l’inflation qui est nulle ou quasi-nulle depuis 18 mois. Cette absence d’inflation empêche l’érosion du capital à rembourser comme cela était le cas dans les années 80. Ce que l’on gagne du côté des taux, on le perd au niveau du remboursement du capital.

Aujourd’hui, la baisse des taux est une aubaine pour ceux qui ont contracté un emprunt immobilier ces dernières années et qui peuvent le renégocier. Entre 30 et 40 % des prêts aujourd’hui en matière immobilière sont en fait des prêts issus de ces renégociations. Passer d’un taux de 4 à 2 % génère de belles économies… Cette aubaine ne concerne pas tous les détenteurs de prêts immobiliers. Pour que cela soit intéressant, il faut être dans les premières années de remboursement. En effet, en début de prêts, la banque encaisse les intérêts. Il faut en outre un écart de 0,7 à 1 point entre les nouveaux et les anciens taux afin que cela vaille réellement la peine.

Parmi les gagnants de ces taux historiquement bas figurent les personnes souhaitant acheter un logement, une maison et ayant un apport personnel important. Sur un marché immobilier qui était étalé ces dernières années, celui qui a la possibilité à boucler facilement son dossier de financement arrive en position de force. Avec des clients de moins de 50 ans, ayant de bonnes références financières et déjà propriétaires, les banques sortent le tapi rouge.

Ceux qui profitent de ces taux hors du commun sont ceux qui ont emprunté il y a six ou sept ans et qui doivent essentiellement rembourser leur capital. Ils ont payé le prix fort leurs emprunts. Il y a également les primo-accédants. En effet, il ne faut pas oublier que dans les grandes agglomérations dynamiques, les prix de l’immobilier se sont envolés ces quinze dernières années. Depuis 2012, le marché s’est calmé mais la baisse des prix a été très modérée. Il est beaucoup plus difficile à des jeunes actifs d’accéder à la propriété. La part du budget des ménages consacrée au logement a fortement augmenté. Elle dépasse désormais 22 % et peut atteindre pour les moins de 30 ans plus de 30 %.

Les conditions d’accès au crédit ne sont pas liées aux taux d’emprunt. En quoi cette baisse des taux accentuera-t-elle les inégalités entre ceux qui remplissent les conditions d’accès au crédit et ceux qui en sont exclus ?  

Les banques, avec la crise financière, ont durci les conditions d’accès aux crédits pour éviter toute dégradation de leurs ratios de liquidités qui sont plus surveillés que dans le passé. Or, aujourd’hui, nul n’ignore que les jeunes actifs sont confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle. Jusqu’à 30 ans, le passage par les CDD, l’intérim et le temps partiel est malheureusement devenu la règle. Sans stabilité professionnelle, sans revenus réguliers, il est très difficile de pouvoir négocier dans de bonnes conditions  un emprunt surtout quand il n’y a pas, en plus, d’apport personnel. Les familles monoparentales, les célibataires et les seniors sont considérés à risque et peuvent ne pas pouvoir profiter de ces taux bas. Evidemment, à cette liste, il faut ajouter les millions de personnes qui sont sans emploi.

Cette anomalie financière est elle amenée à perdurer dans le temps ? En considérant que notre pays constate une baisse continue des taux depuis plusieurs décennies, celle-ci ayant permis d'alimenter les prix immobiliers à la hausse, peut-on considérer que ce moteur de la hausse des prix de l'immobilier est aujourd’hui épuisé ?

Ces taux bas sont le signe que quelque chose ne tourne pas rond dans l’économie. Les banques centrales ont décidé d’amener leurs taux d’intérêt pour essayer de ranimer l’inflation et ainsi contrecarrer les menaces déflationnistes.

Du fait des déclarations de Mario Draghi, les taux devraient rester bas au moins jusqu’en 2017. Plus cette phase anormale durera, plus il sera compliqué d’en sortir comme le prouve la situation américaine. Malgré plusieurs années de croissance, malgré le retour du plein emploi, la FED n’a relevé que de 0,25 point son taux directeur et encore dans la douleur. Toute remontée brutale des taux casserait la croissance, provoquerait un choc obligataire qui mettrait sous tension les établissements financiers et pourrait entraîner une chute du prix de l’immobilier comme entre 1993 et 1997. De ce fait, il est fort à parier sauf crise de grande ampleur que la remontée des taux sera progressive. De ce fait, les prix de l’immobilier sont, au regard de la situation économique, stagnation des revenus, perspective de croissance, élevés et devraient le rester en ce qui concerne les biens se situant dans les grandes agglomérations dynamiques. La pierre constitue toujours une valeur refuge. Il y a néanmoins un paradoxe en la matière. En effet, tant pour des raisons économiques que réglementaires (loi Allur), les loyers sont orientés à la baisse mais les prix d’achat ne baissent pas à due concurrence. Ce paradoxe s’explique en autre par le fait que les autres classes d’actifs offrent également peu de rendement. Le taux des obligations est quasi nul et cela jusqu’à 10 ans. Les actions qui constituent le placement le plus rentable sur longue période sont considérées toujours par un grand nombre d’épargnants comme trop risquées. De ce fait, il reste la pierre. Il faut certainement regretter que le logement accapare une part très importante de nos richesses car cela se fait au détriment de la consommation et de financement des entreprises.

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