Synode sur la famille : un révélateur de la géopolitique de l’Église<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Synode sur la famille : un révélateur de la géopolitique de l’Église
©Reuters

Diplomatie pontificale & rapports de force

Le synode sur la famille s'est ouvert le 4 octobre 2015 et se poursuit sur trois semaines, jusqu'au 25 octobre. A cette occasion, les grands pontes de l'Eglise catholique se réunissent pour discuter de la position officielle du de l'institution sur des questions de société comme le divorce ou le mariage homosexuel. C'est également à cette occasion qu'on distingue les différents rapport de force au sein de l'Eglise ; la primauté des uns sur les autres.

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé, historien, spécialiste de l’histoire du christianisme. Il est rédacteur dans la revue de géopolitique Conflits. Dernier ouvrage paru Géopolitique du Vatican (PUF), où il analyse l'influence de la diplomatie pontificale et élabore une réflexion sur la notion de puissance.

Voir la bio »

Le synode révèle la géopolitique de l’Église

Le synode sur la famille qui vient de s’ouvrir à Rome met à jour la géopolitique réelle de l’Église. Les rapports de force, les influences et les objectifs se lisent dans les interventions des participants et la liste des membres. 

La domination de l’Europe

À ceux qui croient que l’Europe est le ventre mort du catholicisme, ce synode apporte un cinglant démenti. Ce sont les Européens qui mènent le débat depuis que se prépare cette dernière session, et ce sont les Européens qui font des propositions et qui avancent des réformes audacieuses. Que ce soit pour changer la doctrine, pour l’adapter ou pour la maintenir, le débat intellectuel et théologique est en Europe. 

Le camp de l’adaptation au monde a son épicentre en Allemagne et dans les Flandres, avec les cardinaux Kasper et Danneels, et de nombreux évêques venant de ces régions. Ce groupe peut aussi compter sur des Suisses et des Italiens, dont le secrétaire du synode, Mgr Forte. Ce groupe n’est moderne qu’en apparence. En réalité, il regroupe la très ancienne fracture du camp Impérial, opposé à Rome et fidèle à l’Empereur ; ce camp impérial et anti-romain dont une partie a fait sécession lors de la révolution luthérienne. Ils sont les perpétuels gibelins. 

Face à eux, des Européens fidèles à Rome et à la permanence de la doctrine. En Espagne, en Italie, en France. C’est le camp de la romanité et des guelfes. L’Allemagne est traversée par ces deux courants, vieille fracture géopolitique entre la part romaine et la part germanique. En France, on retrouve la ligne de faille révélée par la Manif pour tous : les évêques qui l’ont soutenue ne veulent pas de changement de doctrine, ceux qui y ont été réticents, voire opposés, se classent dans le premier camp.   

L’heure de l’Afrique ? 

La nouveauté synodale sera-t-elle du côté de l’Afrique noire ? Dans les années 1970-1980, l’Amérique latine avait tenté une indépendance théologique en développant la théologie de la libération, s’opposant ainsi à Rome. En Afrique, l’âge de la maturité semble passer par la fidélité au siège de Pierre. Le cardinal Sarah est le héraut de ce continent qui refuse les compromissions mondaines et les ouvertures en matière de divorce et d’unions homosexuelles. Son livre Dieu ou rien, est un succès en France et il vient d’être traduit en 9 langues. En juin 2015, les présidents des conférences épiscopales africaines se sont réunis à Accra, au Ghana, pour fonder un front opposé aux changements de doctrine. Ils refusent la colonisation culturelle de la permissivité des mœurs et l’importation, sur leurs terres, de pratiques étrangères. Ils viennent de publier un livre L’Afrique, nouvelle patrie du Christ. Ce type de livre est une première : jamais des évêques issus d’un continent n’avaient parlé de façon unanime au nom de ce continent. 

Les autres continents, justement, sont pour l’instant aphones. Aucune figure ne semble émerger en Asie ou en Amérique latine pour évoquer ces sujets. Le synode peut, à cet égard, être le lieu des découvertes et des révélations. 

La primauté de l’Orient

La publication de la liste des participants au synode révèle quelques belles surprises géopolitiques. Le début de la liste présente ceux qui ont des charges au synode (président, secrétaires, rapporteurs…), puis viennent les participants par aire géographique. La première aire à être nommée est l’Orient, avec notamment les représentants coptes, melkites, syriaques… Les appels du pape à protéger et défendre les chrétiens d’Orient s’illustrent ici par la primauté géographique qui leur est donnée, alors même que, numériquement parlant, ils pèsent beaucoup moins que d’autres continents. 

Dans cet Orient catholique, on découvre notamment des représentants de l’Ukraine, de la Roumanie, de la Hongrie et de l’Éthiopie. Preuve que l’Orient, dans la géopolitique catholique, ne se borne pas aux Proche et Moyen Orient. Cette carte ainsi dessinée est celle de l’ancien Empire ottoman. La structure étatique a disparu, la permanence géoculturelle demeure. Le christianisme est plus que jamais la foi de l’histoire et de la géographie. 

Quant à la liste des membres venants d’Europe on y découvre la Turquie, en la personne de l’évêque d’Istanbul. Turquie déjà présente en Europe par l’intermédiaire du championnat de football, à défaut de l’UE. Occasion aussi de rappeler aux Européens que l’Europe s’est construite en Occident et en Orient, et que Byzance fut, avec Rome, l’autre capitale de l’Empire. Plus que jamais, la romanité demeure une des clefs d’interprétation de la géopolitique du catholicisme. Reste à voir si le synode confirmera cela. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !