Sylvie Brunel : « Après s’être désindustrialisée, la France semble bien partie pour se désagricultiriser »<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo prise le 2 juin 2020 montre des champs de blé à Saint-Valentin, près d'Issoudun, dans le centre de la France.
Une photo prise le 2 juin 2020 montre des champs de blé à Saint-Valentin, près d'Issoudun, dans le centre de la France.
©GUILLAUME SOUVANT AFP

Maltraitance

Les agriculteurs nous ont garanti une nourriture sûre et de qualité, qui est devenue tellement évidente à nos yeux que nous ne cessons de mettre des entraves à leur métier, à leur imposer des normes, des interdictions, des contrôles qui les découragent.

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel, Geographe, Ecrivain, spécialiste des questions agricoles, a notamment publié "Nourrir, cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre" (Buchet-Chastel), grand prix du livre eco 2023. Et "Sa Majesté le Maïs" (le Rocher) parution le 14 février 2024. 

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Atlantico : Vous publiez « Nourrir : Cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre ! » aux éditions Buchet Chastel. A l’occasion de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, et alors que nous n’avons jamais eu autant besoin des agriculteurs, pourquoi sont-ils autant maltraités ? Pourquoi sont-ils devenus des boucs émissaires ? Est-ce lié à l’idéologie des activistes pour le climat les plus radicaux ?

Sylvie Brunel : Si les agriculteurs n’avaient pas si bien travaillé, nous les traiterions mieux ! Mais ils nous ont garanti une nourriture sûre et de qualité, qui est devenue tellement évidente à nos yeux, que nous ne cessons de mettre des entraves à leur métier, à leur imposer des normes, des interdictions, des contrôles qui les découragent. Nous avons aujourd’hui une vision erronée de la nature, vue comme prodigue et bienveillante, y compris les rats, les loups et autres ravageurs des récoltes et des élevages ! Il y a aussi une forme de racisme de classe d’un monde devenu urbain, persuadé de mieux connaître l’agriculture que les paysans et leur administrant des leçons d’agronomie, en les renvoyant au passé, à une précarité et une pénibilité dont ils ne voudraient jamais pour eux-mêmes. Alors qu’il s’agit d’une des professions les plus avancées au monde, avec des outils d’aide à la décision hyper-pointus pour réussir à répondre à nos attentes contradictoires !

Si l'on regarde le monde agricole au sens large, quelles sont les principales erreurs commises en la matière ?

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Leur interdire les traitements alors que la pression parasitaire s’aggrave avec la mondialisation et le changement climatique. Mais aussi le génie génétique pour trouver rapidement les variétés les plus adaptées aux nouvelles conditions de culture. Pour nous les vaccins ARN, pour eux la binette !

Proscrire l’irrigation alors que l’eau va se perdre dans la mer et que nous sommes le pays record au monde pour le nombre de piscines privées (d’ailleurs traitées …). Parler de megabassines là où il s’agit de réserves de substitution qui apportent de l’eau pour tous, pour les oiseaux, les insectes, la biodiversité … et surtout une alimentation de qualité en stockant le carbone. C’est une erreur tragique que de vouloir une agriculture uniquement pluviale, locale, de petite taille et traditionnelle…

A quel point est-ce problématique ? Qui sont les responsables ?

Nous sommes en train de perdre notre souveraineté alimentaire dans un monde où la faim est redevenue une arme. 20 000 départs chaque année, 13000 installations seulement, c’est grave ! Nous perdons des paysages, des patrimoines, de bonnes terres désormais bétonnées ou rendues à la friche. Nous perdons des territoires vivants et notre indépendance ! Et nous en sommes tous responsables, ceux des médias qui les accablent de leurs mépris et de leurs ricanements, certaines organisations environnementales qui refusent de travailler avec eux, voire saccagent leurs installations, certains néoruraux qui sont venus s’installer à la campagne parce qu’ils la trouvaient belles - grâce au travail des agriculteurs ! - et leur pourrissent la vie.

Comment remettre l'agriculture sur de bons rails et arrêter de commettre les erreurs qui peuvent encore être réparées ?

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Tout d'abord, ceux qui nous nourrissent et nous font vivre doivent être respectés. Nous devons aller à leur rencontre pour comprendre la technicité et la difficulté de leur métier, et leur être reconnaissants de nous protéger de maladies mortelles comme les mycotoxines, de nous assurer une alimentation sûre, saine, variée, de qualité … et accessible financièrement. Tout en apportant des réponses énergétiques, paysagères et climatiques.  Et nous devons privilégier l’origine France dans nos achats, pour rester cohérents avec nos exigences sociales et environnementales ! Sans cette indispensable réconciliation, la France, après s’être désindustrialisée, mais  être revenue au principe de réalité dans l’énergie, se désagriculturalisera inéluctablement et rejoindra l’immense groupe des pays sans souveraineté alimentaire. Qui dépendent de Biden ou de Poutine pour se nourrir. La France a encore la chance de faire partie du tout petit groupe de pays exportateurs de céréales mais aussi de semences et de pommes de terre, où elle occupe la première place mondiale. Sans évidemment parler des produits laitiers, des vins et spiritueux, de notre gastronomie d’exception. Ce serait une faute grave de perdre cette puissance. Toutes les agricultures sont complémentaires et nécessaires mais surtout il faut rendre à nouveau ce métier attractif. Instaurons un service civique agricole pour que les jeunes qui veulent sauver la planète comprennent qu’ils peuvent y contribuer dans l’agriculture, pleinement engagée dans sa révolution verte !

Sylvie Brunel vient de publier « Nourrir : Cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre ! » aux éditions Buchet Chastel

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