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Surprise démographique, les deux soldes naturel ET migratoire s’effondrent
©FRANCK FIFE / AFP

Chéri, j’ai rétréci la France

Selon les traditionnels chiffres de l'INSEE recensant la population légale en France.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Selon les chiffres publiés par l'INSEE concernant l'année 2016, la baisse relative aux chiffres de la population, en comparaison des prévisions, serait le résultat de la formation d'un déficit migratoire. Comment expliquer ce résultat ?

Laurent Chalard : Comme chaque année, l’Insee vient de publier les données de populations légales de la France au 1° janvier 2019, qui correspondent à la population recensée trois ans auparavant, c’est-à-dire au 1° janvier 2016. La comparaison de ce dernier chiffre avec la population recensée l’année précédente, au 1° janvier 2015, laisse à penser, une fois déduit le solde naturel de l’accroissement total de population constaté, que le solde migratoire « apparent » (l’Insee parle d’apparent pour la bonne raison qu’il n’est pas calculé directement, la France ne tenant pas de statistiques sur les entrées et sorties à caractère permanent du territoire) de la France Métropolitaine serait négatif sur l’année 2015, de l’ordre de 10 000 personnes. Il s’en suit que ce résultat surprenant, dans un contexte de crise migratoire européenne liée à l’afflux des réfugiés syriens cette année-là, interroge grandement. Soit, il est le produit d’un biais statistique lié à la plus ou moins bonne qualité de la nouvelle méthode de recensement de l’Insee, chose pleinement envisageable, soit il est le reflet d’une réalité, qu’il convient d’expliquer, puisqu’il signifierait que les départs se sont fortement accrus, étant donné que les entrées légales, tout du moins pour les étrangers non européens, ont augmenté en 2015 selon les données du Ministère de l’Intérieur concernant les permis de séjour délivrés. En l’absence, pour l’instant, d’autres données détaillées, on pourrait donc en déduire que le déficit migratoire apparent de la France Métropolitaine serait la conséquence d’une accélération des départs de nationaux et/ou d’autres ressortissants de l’Union Européenne dans un contexte de détérioration des conditions sécuritaires et de déprime nationale, hypothèse qui peut être considérée comme crédible, en gardant en tête que « crédibilité » ne signifie pas forcément « véracité ».

Faut-il y voir une tendance structurelle, ou un simple effet conjoncturel ? 

Si l’on considère que le déficit migratoire apparent constaté en 2015 relève d’une réalité et non de biais statistiques, il est trop tôt pour déterminer si nous avons affaire à une tendance structurelle, consécutive d’une perte d’attractivité durable de la France Métropolitaine pour ses concitoyens, ou si cette évolution est liée à un effet conjoncturel, une année terrible sur le plan du terrorisme qui ne semblait que concerner l’hexagone, le rendant momentanément moins attractif, en particulier pour les français les plus aisés, puisque les années suivantes la menace terroriste s’est étendue à l’ensemble du continent européen. En effet, si l’on se base sur les données concernant le nombre de touristes étrangers visitant la France, après un point bas constaté fin 2015, les chiffres sont largement repartis à la hausse ensuite, la France n’étant plus perçue comme une destination spécialement plus dangereuse qu’une autre. Il s’en suit qu’il en a peut-être été de même pour les migrations des français. Après un mouvement de panique en 2015 chez certains, à l’origine d’une hausse des départs vers l’étranger et/ou au report d’un retour dans l’hexagone, les choses sont revenues à la normale, d’autant que l’élection d’Emmanuel Macron a, dans un premier temps (les choses ont changé depuis !), été perçue comme une note d’espoir chez les jeunes diplômés les plus tentés par un exil à l’étranger.

Comment interpréter ce résultat du point de vue des départs ?

Concernant les départs, il convient de rappeler que nous ne disposons d’aucune donnée statistique fiable, aussi bien concernant les départs des nationaux que ceux des étrangers, puisque la France ne dispose pas de registres de population. Il s’en suit que toute analyse faisant l’hypothèse d’une augmentation des départs, en particulier des nationaux, vers l’étranger repose sur des conjectures, dont une primordiale, si le déficit migratoire est réel, il est principalement le produit d’une progression des départs puisque les entrées d’étrangers augmentent. Cette évolution serait logique à l’aune de nos connaissances sur les moteurs des migrations dans le monde. Quand la situation économique, politique ou sécuritaire d’un pays se détériore, mécaniquement, se constate une hausse des départs des nationaux. Par exemple, dans les pays d’Europe du Sud, comme l’Espagne ou l’Italie, la crise économique a entraîné un regain d’émigration des nationaux, en particulier vers l’Allemagne, les années de dépression où le taux de chômage a été le plus élevé. De même, en ex-Yougoslavie, la guerre civile a conduit à une explosion de l’émigration dans les années 1990. Or, 2015 a été en France une très mauvaise année, à l’origine d’une peur de l’avenir exagérée, puisque la situation sécuritaire n’a pas empiré depuis, contrairement à ce qu’annonçaient les experts sur la question, très pessimistes à l’époque.  

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