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Surprise aux Etats généraux de la bioéthique : la PMA se révèle beaucoup moins consensuelle que prévu
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Enfants

Au vu du rapport sur la bioéthique, la PMA est loin de faire consensus. Pourtant l’intérêt qu’elle suscite a mobilisé un quart des 250 réunions organisées dans toute la France et près de la moitié des 65.000 contributions sur Internet.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Au vu du rapport sur la bioéthique, la PMA est loin de faire consensus. Pourtant l’intérêt qu’elle suscite a mobilisé un quart des 250 réunions organisées dans toute la France et près de la moitié des 65.000 contributions sur Internet. Comment expliquer cette absence de consensus, plutôt inattendue ? Que révèle-t-elle ?

Bertrand Vergely : Cette nouvelle est surprenante. Sauf erreur de ma part, lors d’un récent sondage publié par France Info il était question de 75% de Françaises et de Français favorables au mariage pour tous, de 63% d’entre eux  favorables à la PMA pour les couples stériles,  les couples de femmes et les femmes seules, enfin  de 58 % favorables à la GPA pour les couples d’hommes. Or, première nouvelle, en ce qui concerne la PMA voilà que les positions adverses s’équilibrent. Les partisans de la PMA ne flirtent plus avec la barre des 60 %.

Un élément et non des moindres explique ce changement : le passage de la PMA dans le cadre du mariage pour tous à la PMA vue hors mariage pour tous. Quand le débat sur le mariage pour tous a eu lieu, le problème majeur était celui de la tolérance. Quand on était tolérant on était pour le mariage, la PMA et la GPA sans distinction, l’important alors étant d’être contre ceux qui étaient contre le mariage. De sorte, qu’au nom de la tolérance, on défendait tout, mariage, PMA GPA. Aujourd’hui le décor a changé. La PMA qui était attelée au mariage pour tous est désormais pensée pour elle-même. Ce qui modifie tout. On était dans l’idéologie, le combat pour la tolérance. Maintenant il s’agit d’être dans la réalité. Or, qu’est-ce qui apparaît quand tel est le cas ? La froideur. Une froideur glaciale. Un enfant, cela implique un père et une mère qui font naître cet enfant dans la tendresse et l’amour. Deux femmes à l’origine d’une enfant, même s’il y a de l’amour, cela sent le père absent et la solitude. En guise de père un donneur anonyme, c’est violent. Dans un monde qui tend à la déshumanisation complète des relations humaines, c’est une déshumanisation de plus, là où il serait heureux qu’il y en ait une de moins. Enfin, il y a le fait que l’enfant se fabrique non pas dans la couche nuptiale mais de façon chirurgicale à l’hôpital. Pas de père. L’hôpital. L’anonymat. « Pauvre gosse » se disent ceux et celles que ces images heurtent. Quel départ dans la vie ! Les parents boivent. Les enfants trinquent. Le mariage pour tous est en train de passer du principe de plaisir au principe de réalité. Il était dans la stratosphère. Il retourne dans l’atmosphère. C’est manifestement ce que révèle l’absence de consensus à propos de la PMA. Après le champagne de la victoire, le dégrisement. S’il y a la tolérance il y a la faisabilité de la tolérance. Quand les bonnes intentions sont confrontées à la réalité on passe toujours des bonnes intentions à l’enfer des bonnes intentions. Quand on veut la PMA il faut apprendre à gérer la froideur, l’absence de père, l’anonymat et l’hôpital en guise de nid d’amour. Pas simple. L’enfant n’est pas un droit mais une personne. Les partisans de la PMA pour couples de même sexe ont tendance à l’oublier. Cet oubli choque. Si le législateur vote la PMA il sacrifiera l’enfant comme personne à l’enfant comme droit. Sourdement ce sacrifice commence à heurter les consciences. En outre l’idée de PMA commence à mettre mal à l’aise. Quand un homme et une femme ne peuvent pas voir d’enfant il s’agit là d’une stérilité. Quand deux hommes et deux femmes ne peuvent pas avoir d’enfant il s’agit l’à d’une impossibilité. Quand une femme seule désire avoir un enfant toute seule il s’agit là d’un fantasme. La future loi sur la PMA propose de tout mettre dans le même sac sous prétexte d’égalité. Cela ne va pas. La stérilité, l’impossibilité et le fantasme ne relèvent pas du même ordre. En faisant comme si c’était le cas, on crée un malaise. Quand on n’est pas dans l’ivresse de la tolérance on ne peut que se sentir floué. Les partisans du mariage pour tous pensent que celui-ci n’a pas d’envers, la tolérance étant bonne en soi. La société découvre aujourd’hui cet envers à travers la froideur, la violence et  le mensonge. D’où la baisse d’enthousiasme pour la PMA.

Pour réconcilier partisans et adversaires de la PMA un compromis est envisagé : autoriser la PMA pour tous les couples ainsi que les femmes seules mais lever l’anonymat du donneur. Est-ce une bonne solution ?

Je ne le pense pas. Parmi les adversaires du mariage pour tous certains se disent qu’il ne faut pas être trop intransigeant. Aussi souhaitent-ils pour les couples de même sexe qui désirent être reconnus comme un couple une union civile qui ne s’appelle pas mariage. De même, ils proposent une PMA sans anonymat. Cette façon de proposer un mariage light et une PMA light ne fait pas qu’on est dans le light mais dans le mariage et la PMA. Si la PMA avec nom du donner se fait, ce sera une PMA et les partisans de la PMA pour couples de même sexe auront gagné. Une PMA avec nom du donneur a beau briser l’anonymat, elle n’en demeure pas moins une PMA. Certes, savoir le nom de ses origines brise l’anonymat. Reste qu’il ne suffit pas d’avoir le nom de son père pour avoir un père ni le nom de ses origines pour avoir une origine. Ce compromis avec le nom est donc un mauvais compromis. S’il se fait il ne pourra que diviser les adversaires du mariage pour tous de l’intérieur. En outre, il va placer les partisans de ce même mariage dans une position délicate. Quand deux femmes ou une femme seule veulent avoir un enfant le message est clair. On ne veut pas d’homme. On ne veut pas de père. Si le nom du donneur est dévoilé elles vont se retrouver avec un homme et un père. Le législateur va alors devoir en tenir compte. Le couple de femmes avec le donneur identifié formeront un trio. Quant à la femme seule elle formera un couple. On sera de fait dans une situation de mariage à trois  pour les couples de femmes et d’abandon pour la femme seule. Le mariage monogame tel qu’on l’a connu aura alors bel et bien explosé. Autrement dit, si l’identité du donneur est levée tout le monde sera piégé. Les adversaires du mariage pour tous auront perdu en admettant la PMA et par extension le mariage pour tous. Les partisans du mariage pour tous devront admettre le couple hétéro alors qu’ils le refusent. Comme la femme seule devra admettre l’homme alors qu’elle le refuse également. Quant à l’enfant, il n’aura pas plus de père pour autant.

En admettant que ce compromis voit le jour quelles en seraient les conséquences pour les donneurs, pour les couples ou les femmes seules et pour la société en général ? 

Cela va poser des problèmes d’une complication extrême. Imaginons qu’un donneur de sperme soit un milliardaire avec nombre d’enfants. À la mort de ce milliardaire, l’enfant qui aura été conçu par le sperme de celui-ci voudra avoir une part de la fortune de son père. Ce qui est normal, puisqu’il est son enfant. Que va faire alors le législateur ? S’il ne donne pas sa part d’héritage à cet enfant il sera injuste. Mais, s’il lui donne sa part d’héritage, il sera injuste également, les enfants véritables venant expliquer qu’il faut distinguer entre enfants véritables conçus par un père véritable et enfants conçus par un père donneur de sperme. Il y aura alors des procès sans fin. Et le drame sera qu’il n’y aura pas de solution. Pour éviter cela il n’y aura alors qu’une solution : refuser de révéler l’identité du donneur. Ce qui aura une double conséquence. L’enfant né d’un couple de femmes sera condamné à ne jamais avoir de père et à être ainsi orphelin. Et partisans et adversaires du mariage pour tous ne parviendront jamais à se réconcilier. Il faudra alors avoir le courage de regarder les choses en face. La PMA est et sera toujours un problème sans solution. Cela  s’appelle le tragique. Notre monde a connu l’espérance religieuse. Puis il a connu l’espérance politique. Il va désormais découvrir le tragique qui aura été fabriqué au nom du progrès. L’écologie nous l’apprend. Il y a des équilibres auxquels il ne faut pas toucher si l’on ne veut pas ruiner la biodiversité. La famille fondée sur un homme et une femme, un père et une mère est de ce type. Si le gouvernement ne vote pas la PMA il va avoir contre lui toute l’opinion progressiste, les médias et le monde intellectuel. S’il la vote il aura avec lui l’opinion progressiste, les medias et le monde intellectuel mais   aussi le tragique.

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