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Sur l’Otan, le commerce et le dollar, les exigences de Donald Trump vont obliger l’Europe à se reconstruire, c’est plutôt une bonne nouvelle
©Brendan Smialowski / AFP

Atlantico business

Donald Trump est formidable : Il veut augmenter le prix de l’OTAN, réduire les échanges commerciaux et imposer les valeurs-dollars. Il donne l’occasion aux Européens de se regrouper.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La politique conduite par Donald Trump ne peut que générer une réaction des européens très solidaire. Du moins en théorie. Les pays membres de l’Union européenne n‘ont même pas le choix de faire cavalier seul. Ils ont tous échoués.

Emmanuel Macron a cru qu’il pouvait séduire le président américain, mais il s’est vite aperçu qu’après les embrassades, Donald Trump n’a cédé sur rien.  Les embrassades sont devenues embarrassantes. Angela Merkel a tenté une négociation sur le dossier des échanges commerciaux, mais elle n‘a rien obtenu.

Quant à la Grande Bretagne, quelle déception pour les partisans du Brexit, ou alors quelle naïveté de leur part. Le projet de nouer des accords commerciaux avec les Etats-Unis pour compenser ce qu’ils allaient perdre avec le divorce, n’a pas abouti. Du coup, Theresa May se retrouve obligée de revenir à proposer un accord avec l’Union européenne qui ressemble étrangement à ce qui existait avant le vote pour le Brexit.

Aujourd‘hui, le président américain persiste et signe et donne une formidable occasion aux européens de prendre conscience que l’Europe est assez forte pour assumer cette prise de distance avec l’oncle Sam, et penser que son avenir se joue presque autant à l’est qu‘à l’ouest. Enfin, alors que Donald Trump joue comme si le concert mondial allait se résumer à un dialogue entre les US et la Chine, l'Europe a tout intérêt à s’apercevoir qu’elle va en faire les frais.

Sur quatre dossiers au moins, la politique américaine impulsée par Trump va obliger les européens à développer une position commune.

1er dossier, la politique de défense. Donald Trump est arrivé au conseil de l’Otan avec une idée précise, faire payer aux européens le juste prix selon lui de l’OTAN. Cette organisation militaire basée à Bruxelles dont l’objectif est de protéger l’Europe. Il veut donc principalement taxer l’Allemagne, accessoirement les autres pays européens membres de l’OTAN. Ce dossier concerne aussi  la France qui a réintégré le commandement intégré de l‘Otan en 2009 sous Sarkozy après l’avoir quitté en 1966 à l’initiative du Général De Gaulle qui lui avait choisi l’indépendance militaire.

La demande de Donald Trump est légitime mais archaïque. Elle doit obliger le européens à s’interroger sur le rôle et l'utilité de l’OTAN.

Soyons sérieux, l‘Alliance Atlantique a été créé après la guerre pour permettre à l'Europe de se protéger contre l'Union soviétique et les risques de l’empire communiste. Très bien. Seulement aujourd’hui, l’Union soviétique et les risques communistes n’existent plus. L’ennemi numéro 1 en Europe, ce n’est plus la Russie. Les ogives nucléaires ont changé d'orientations et de cibles. L'ennemi commun des européens et de la Russie d’ailleurs, c’est le terrorisme islamique. Les forces de l’OTAN sont complètement inadaptées.

Plus sérieux encore, la défense européenne est principalement assurée par les deux seuls pays qui sont équipés d’une véritable force militaire en Europe, la France et la Grande Bretagne. L‘Allemagne est absente.

Ce débat engagé par Donald Trump devrait logiquement accoucher d’un autre débat portant sur la construction d’une défense européenne et d’un budget européen. Si l’Allemagne doit payer une contribution à sa défense, ça n’est pas aux américains qu‘elle doit payer, mais aux européens dans le cadre d’un budget et d’une politique commune qu’il faut construire et c’est urgent.

2ème dossier, la politique commerciale. Donald Trump multiplie les menaces pour réduire la liberté de commerce. D’une part en préparant des barrières douanières (sur l’acier, sur l’automobile...). D’autre part, en jouant sur l’extraterritorialité de la loi américaine, qui viendrait à pénaliser toute entreprise qui ferait du commerce avec l’Iran (actuellement) ou qui travaillerait en dollar. Risque de pénalités financières et en dernier ressort, risque de se voir interdire de rentrer sur le marché américain. Jusqu'à maintenant, Donald Trump discute en bilatéral avec chaque pays membre, l’objectif étant d’affaiblir l’Union européenne. L’impact de sa menace est très limité, mais l’occasion est évidemment donnée aux européens de définir une position commune et de garantir cette position. Ça devrait aller jusqu'à assurer les risques de pénalités pour les entreprises qui ne respecteraient pas les oukases US.  Entre la Chine et les USA, l’Union européenne a la surface et la puissance de vivre en toute indépendance.

3ème dossier, la politique monétaire.Donald Trump, comme certains de ses prédécesseurs, utilise l'hégémonie du dollar pour pratiquer une politique monétaire totalement au service de l’économie américaine. C’était le coup de génie de Richard Nixon quand il a suspendu la convertibilité du dollar en or. Avec un dollar qui est aujourd’hui la seule monnaie de transaction au niveau mondial, l’Amérique peut emprunter autant qu‘elle veut sans jamais rembourser ses dettes. Liberté totale. Parce que les créanciers ont confiance. Le dollar est devenu la première monnaie du monde avec une chambre de compensation Shift, qui assure la péréquation avec les monnaies locales et gouverne ainsi le commerce mondial.

L’euro et le yuan sont les seuls concurrents du dollar. Mais très marginaux. La monnaie chinoise est totalement manipulée par le pouvoir politique qui fixe le taux de change. L’euro, lui, ne sert dans les transactions internationales que sur des contrats bilatéraux très particuliers (le gaz et le pétrole avec la Russie, encore que les prix soient très indexés sur le dollar). La zone euro n’a jamais réussi à constituer une chambre de compensation internationale, faute d’avoir les garanties politiques des Etats membres.

Un certain nombre de pays, hors zone euro, utilise l’euro mais marginalement. Depuis les offensives hégémoniques de Donald Trump, Vladimir Poutine a proposé d’imaginer une chambre de compensation sur l’euro. Il a même suggéré lors du dernier forum de St Pétersbourg que la Russie se prépare à utiliser l'euro... Le projet n’a pas provoqué beaucoup d’écho en Europe occidentale. Alors que l’arrivée de la Russie dans le club de la zone euro constituerait sans doute un contre pouvoir massif au dollar comme arme de la politique de Trump.

Aujourd’hui, le rêve de Donald Trump est sans doute que l’Europe cale la valeur de sa monnaie sur le dollar. Un euro = un dollar. Ce jour-là, on pourra supprimer l’euro !

4°dossier, la puissance des GAFA. Le dossier n’est pas porté par Donald Trump, mais la puissance mondiale des Gafa devrait évidemment donner des idées aux européens avant qu’ils ne soient asphyxiés par l’hégémonie des GAFA qui ont désormais pour vocation de gouverner le monde. Les Gafa ont commencé par préempter la matière fiscale. Sur les impôts et taxes, l’Europe a beaucoup de mal à se défendre et à définir une position commune.

Qu’en sera-t-il le jour où on s’apercevra que nous n’avons plus le contrôle des données personnelles ? L’Europe a réussi à imposer une règle standard dans la gestion des data, mais l’Europe n’a pas les ferveurs et le contrôle de cette gestion.

La Chine, elle, a pris des mesures exceptionnellement radicales. Elle a interdit les accès à ces réseaux. En Chine, Google et Facebook sont hors la loi. Cela dit, la Chine a des solutions alternatives à offrir à ses clients consommateurs. Alibaba ou Tencent, ça existe en Chine. Les équivalents européens se cherchent encore.

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