Succession d'Aubry au PS : le match Désir - Cambadélis, bataille d'idées ou bataille de personnes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Christophe Cambadélis est un peu plus "idéologue". Il a une vraie réflexion sur l'organisation et l'Histoire de la gauche.
Jean-Christophe Cambadélis est un peu plus "idéologue". Il a une vraie réflexion sur l'organisation et l'Histoire de la gauche.
©Reuters

Duel de petits bras

Jean-Christophe Cambadélis ou Harlem Désir comme premier secrétaire du Parti socialiste ? Martine Aubry devrait annoncer le nom de son successeur le 12 septembre. Si le premier a les faveurs de l'actuelle première secrétaire, le second engrange les soutiens de poids au sein du gouvernement, dont celui de Manuel Valls.

Carole Barjon,Josée Pochat et Gérard Leclerc

Carole Barjon,Josée Pochat et Gérard Leclerc

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique politique, chargée de l’Élysée et de la droite au Nouvel Observateur.

Josée Pochat est chef du service politique de Valeurs actuelles.

Gérard Leclerc est président de la chaîne parlementaire de l'Assemblée nationale LCP.

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Atlantico : Martine Aubry dira avant le 12 septembre qui, de Jean-Christophe Cambadélis ou d'Harlem Désir, la remplacera à la tête du parti. Depuis quelques jours, l'affrontement entre les deux hommes s'intensifie. S'agit-il d'une bataille idéologique ou d'un choc des ambitions ?

Gérard Leclerc : La bagarre va être d'autant plus disputée que très peu de choses séparent les deux candidats. D'un point de vue idéologique, ils se situent tous les deux dans le "corps central" du Parti socialiste.

Formé par les trotskystes, Jean-Christophe Cambadélis est un peu plus "idéologue". Il a une vraie réflexion sur l'organisation et l'Histoire de la gauche. Harlem Désir, qui vient du monde associatif via SOS racisme a, quant à lui, plus une culture de terrain.

Carole Barjon : Entre les deux hommes, les différences se situent surtout au niveau des caractères et des tempéraments. Harlem Désir est perçu comme beaucoup plus consensuel et fédérateur. Il apparaît comme meilleur camarade que Jean-Christophe Cambadélis.

Les deux hommes ont un parcours très différent. Jean-Christophe Cambadélis, qui a été trotskyste, est depuis toujours un vrai politique. Il a une conscience aiguë du rapport de force. En revanche, d'un point de vue idéologique, les deux hommes sont très proches. En dépit de sa formation trotskyste, Jean-Christophe Cambadélis était un lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, qui était l'incarnation de la gauche moderniste et libérale.

Josée Pochat :  Ils n'ont pas, l'un et l'autre, une histoire très marquée dans le débat d'idées. Manuel Valls a pris des positions très fortes sur la sécurité. Arnaud Montebourg s'était engagé sur la "démondialisation". Jean-Christophe Cambadélis ou Harlem Désir sont beaucoup plus flottants dans leurs engagements. Pour eux, la direction du PS est avant tout un lot de consolation. Ils pouvaient légitimement aspirer à entrer au gouvernement et obtenir un ministère.

Harlem Désir engrange les soutiens au sein du gouvernement tandis que Jean-Christophe Cambadélis semble être le favori de Martine Aubry. Lequel des deux tient la corde ?

Gérard Leclerc :  Harlem Désir a plutôt la préférence des "hollandistes", mais comme François Hollande ne veut surtout pas chagriner Martine Aubry, je pencherais plutôt pour Jean-Christophe Cambadélis. Toutefois, rien n'est inscrit dans le marbre...

Cette compétition n'est pas comparable aux grandes rivalités du passé. Clairement, on n'est pas dans le match François Mitterrand/ Michel Rocard. A cette époque, il y avait un vrai combat idéologique entre la première gauche incarnée par Mitterrand et la deuxième gauche représentée par Michel Rocard. Là ce n'est pas le cas.

Carole Barjon : Harlem Désir est le plus grand dénominateur commun et semble tenir la corde. Néanmoins, il y de telles subtilités de règlement dans cette compétition que tout est possible. C'est le premier signataire de la motion qui sera déposée mardi soir qui sera le premier secrétaire. Et c'est Martine Aubry qui choisit le premier signataire et donc le premier secrétaire.

Josée Pochat : Visiblement, Jean-Christophe Cambadélis serait le candidat de Martine Aubry tandis que les "hollandistes" pencheraient plutôt pour Harlem Désir qui est considéré comme plus aisément contrôlable. Il n'empêche que la règle qui est tacitement en vigueur à l'Elysée depuis l'été c'est : " On n’emmerde pas Martine !" Cela dit, ce pacte de non agression ne suffira peut-être pas. Il n'y a pas que le cercle rapproché de François Hollande, mais aussi les parlementaires très remontés contre la règle du non-cumul des mandats imposée par Martine Aubry. Une règle qu'elle ne s'applique pas à elle-même puisqu'elle compte bien rester présidente de la communauté urbaine de Lille (plus d'un milliard d'euros de budget) et maire de la dixième ville de France.

Qui sera l'arbitre de ce duel : François Hollande ou Martine Aubry ? Pourquoi le président de la République et l'actuelle première secrétaire ne soutiennent-ils pas le même candidat ?

Gérard Leclerc : C'est clairement Martine Aubry qui sera l'arbitre. François Hollande ne veut pas créer de conflit avec l'actuelle première secrétaire. Le président de la République, avec toute les difficultés qu'il a actuellement, a besoin d'avoir derrière lui un Parti socialiste uni qui ne prenne pas ses distances avec le pouvoir. La hantise du pouvoir serait que le PS se déchire et entre en conflit avec le gouvernement.

Carole Barjon : On entend que Martine Aubry serait tentée de donner sa préférence à Jean-Chrisotphe Cambadélis. Il est possible que celle-ci soit mue par des raisons très personnelles. A partir du moment où Harlem Désir semble arranger tout le monde, elle va peut-être prendre un malin plaisir à prendre le contre-pied !

Dans cette affaire, qui est tout de même le pâle combat des titans, il faut dépasser la tambouille interne et regarder les conséquences à long terme pour la majorité. On peut regretter qu'il n' y ait pas un vrai poids lourd à la tête du Parti socialiste. Je crois que c'est une responsabilité commune de François Hollande et de Martine Aubry. On peut les renvoyer dos à dos.

Le seul moyen pour le président de la République d'assurer une direction solide du PS aurait été de nommer Martine Aubry au gouvernement. Mais François Hollande n'a pas souhaité accepter les conditions de la Première secrétaire. De son côté, Martine Aubry n'est pas mécontente que ce soit des poids moyens qui lui succèdent. Elle espère ainsi garder la main. Martine Aubry est un peu dans la situation d'Alain Juppé. Même si elle n'est "que" maire de Lille et n'a pas de mandat parlementaire, elle reste une voix qui s'exprime dans les médias. Elle continuera d'être entendue et pourrait représenter une difficulté pour François Hollande.

Josée Pochat : Aujourd'hui, c'est bien Martine Aubry qui contrôle le parti. On l'a bien vu lors des investiture pour les législatives où certains proches de François Hollande n'ont pas obtenu les circonscriptions qu'ils voulaient...

Peut-il y avoir des surprises dans cette désignation ?

Gérard Leclerc : Je ne le crois pas. Le Parti socialiste a payé tellement cher ses divisions dans le passé qu'il fait désormais très attention. Par ailleurs, dans ce duel, il n'y a pas de personnalité emblématique dont l'élimination créerait un énorme problème.

Néanmoins en terme d'affichage, on est loin de la réussite des primaires. C'est un mode de désignation qui n'est pas très moderne surtout pour un parti qui se dit démocratique. Pour les militants, c'est un peu frustrant de ne pas avoir de choix. Mais c'est un moindre mal. Les socialistes préfèrent cela au risque d'avoir des affrontements.

Carole Barjon : Les choses ne sont jamais aussi verrouillées qu'on le croit. L'expérience le prouve, il peut y avoir des retournements de situation. En politique, rien n'est jamais écrit.

 Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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