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De Strip-Tease à Secret Story,
mais pourquoi les participants acceptent-ils de se mettre à nu ?
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Crudités

C'est un reportage qui a fait grand bruit même plusieurs jours après sa diffusion. Le docu-réalité Strip-Tease s'était invité dans une famille où le dernier des fils devait faire appel à une agence matrimoniale russe pour se trouver une femme. Onde de choc du public face à la misère sociale et aussi beaucoup de questions.

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget est médecin pédopsychiatre. Il partage son activité entre les consultations et la recherche clinique. Ses champs d’étude concernent notamment l’adolescence, les troubles émotionnels et les questions d’identité. Il a mis en place à l’hôpital l’une des premières consultations d’aide à la parentalité. Il est l'auteur de Nos garçons en danger (Flammarion) et Les vampires psychiques (Fayard).

Les vampires psychiques de Stéphane Clerget

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Atlantico : Quel est le profil de ces gens qui se laissent filmer par les équipes de Strip-tease ?

Stephane Clerget : Avant toute chose,  la vocation de Strip-Tease  c’est d’être un docu-réalité. Une relation de proximité s’installe qui fait que les gens oublient qu’ils sont filmés, ils n’y prêtent plus attention.  Du coup, Strip-tease ne se présente pas comme du voyeurisme mais comme un documentaire réputé qui met en avant l’intimité des gens et ce, de façon strictement sociologique.

Mais cette fois, Strip-tease est peut-être allé un peu loin : il semblerait que l’émission ait porté préjudice  aux personnes qui ont été filmées et que « le droit aux remords » n’est pas été appliqué. Il y a peut-être eu une validation avant mais peut-être pas après sur les images qui seraient diffusées.

Les gens filmés dans ce genre de reportage se rendent-ils compte de l’impact que cela peut avoir ?

Mais personne n’a le recul même les gens habitués à la télévision. Ils peuvent être étonnés par leurs propos ou la façon dont leurs actions vont être prises. On ne s’attend pas à la manière dont les choses vont être présentées et donc perçues. Il faut beaucoup d’expérience médiatique pour avoir un peu de distance. On ne peut pas anticiper les réactions de l’entourage et des gens que l’on ne connait pas. Il y a toujours une prise de risque à partir du moment qu’une caméra est posée.

Il y a une certaine ambivalence chez le spectateur face à ce genre de documentaires : il est à la fois gêné et curieux.

Et cela n’a rien de malsain. C’est normal d’avoir de la curiosité vis-à- vis des autres et de s’intéresser à leurs modes de vie.  Il peut y avoir de l’empathie pour ceux que l’on regarde et pas que de la moquerie. Et puis, on est fasciné par la différence sociale mais comme on peut être fasciné par les gens très riches aussi.

C’est la curiosité pour l’humain qui nous fait regarder mais il est vrai que quand on filme des gens et qu’ils se ridiculisent,  on peut se sentir mal pour eux et du coup, on a l’impression d’être complices des gens qui filment, d’où un malaise si on regarde.  D’un coup, on participe à quelque chose de l’ordre de la moquerie.  La bascule est fragile entre un regard banalisé et un regard de moquerie…et c'est vrai que l’on n’a pas envie d’être du côté des moqueurs.

Pourquoi  les témoins de ce genre de documentaire acceptent cet exercice ?

Ils n’ont pas l’habitude d‘intéresser les autres, souvent ce sont des gens qui pensent  qu’on ne les aime pas et qu’on ne leur donne pas la parole. Et là, avec un documentaire de la sorte,  on leur fait croire que cela change et  que leur vie est  intéressante. Pour que des gens qui n’ont pas l’habitude d’entrainer  l’attention d’autrui, ce genre de reportages est forcément plutôt bien accueilli.

 Les principaux témoins regrettent aujourd’hui d’avoir accepté : la télévision peut donc faire de gros dégâts ?

Oui c’est toujours possible, cela peut laisser des traces. Ils regrettent car il y a eu des réactions. Malgré tout, ce qui est intéressant, c’est  que quand on est filmé, on apprend sur soi. Les témoins ont découvert des choses sur eux, les impacts sont donc négatifs mais aussi positifs. Ils ont eu un nouveau regard sur eux,  c’est important.

Quelle réalité montre la télévision ?

La télévision n’a jamais montré la réalité, il faut arrêter de leurrer les gens. A partir du moment où il y a une mise en scène et un montage : c’est théâtralisé ! Le langage audiovisuel même montre que ce n’est  pas la réalité et c’est d’ailleurs pour cela que c’est intéressant. La réalité, on la connait donc pas besoin de la voir sur un écran.

Une télévision qui montrerait la réalité, c’est une utopie. De cette façon en plus,  elle se couvrirait des dégâts qu’elle pourrait produire sur les gens en se cachant derrière un « je montre la réalité ». On a souvent eu ce phénomène avec le journal télévisé.  Certains parents disent aux enfants que le journal c’est la réalité : c’est faux. Ce n’est pas ça que l’on voit quand on regarde à la fenêtre.

La télévision, c’est  toujours un spectacle !! Je ne dis pas qu’il ne faut pas la regarder. Le véritable enjeu  c’est de savoir si  les acteurs sont au courant qu’ils sont dans un spectacle ou pas ! Les gens dans Strip-Tease pensaient qu’on filmait leur réalité alors qu’on montait un spectacle : c’est  là qu’il y a maldonne.

La télé réalité, c’est encore autre chose car les gens sont payés, ils savent depuis Loft Story qu’ils sont des comédiens et que malgré une vraie dose de spontanéité, il y a beaucoup de mises en scène. Dans Strip-Tease , on est avec des gens qui ne savent pas comment fonctionne l’audiovisuel. Ils n’avaient pas conscience que leur réalité allait être scénarisée et théâtralisée.

Propos recueillis par Valérie Meret

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