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Star Wars : George Lucas,
le Dark Vador du cinéma
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Que la force soit avec lui

Sortie événement cette semaine de la saga Star Wars en Blu-Ray. Son réalisateur George Lucas a décidé une fois de plus de modifier son œuvre originale, en rajoutant des effets spéciaux. Les fans hurlent à la trahison.

Clément  Bosqué

Clément Bosqué

Clément Bosqué est Agrégé d'anglais, formé à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique et diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers. Il dirige un établissement départemental de l'aide sociale à l'enfance. Il est l'auteur de chroniques sur le cinéma, la littérature et la musique ainsi que d'un roman écrit à quatre mains avec Emmanuelle Maffesoli, *Septembre ! Septembre !* (éditions Léo Scheer).

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Dans la première moitié du XXème siècle, des critiques ont prononcé la mort de l'épopée. D'après eux, elle avait été remplacée par le pur lyrique et le roman. Pas du tout, on dit d'autres : il existe a une permanence de l'épique dans certaines grandes œuvres partisanes, politiques, comme celles du poète Pablo Neruda (à qui on ne doit pas seulement le nom presque tous les lycées de banlieue). Des textes qui célébraient le peuple injustement méprisé. « Je pense que l'épopée reviendra à nous », disait encore Borgès en 1967. Finalement, c'est au cinéma et en bande-dessinée qu'elle a reparue : westerns, comics, séries, science-fiction. Chant polyphonique et total venu des champs d'Amérique. Comme Star Wars qui, tout comme Batman ou les films de Sergio Leone, a connu, en tant qu'œuvre épique, un destin décidément...épique.

Il a suffi de quelques dizaines d'années aux héros de George Lucas, mais aussi et surtout au film lui-même pour se hausser au statut de mythe. D'abord auprès de ses premiers spectateurs, ceux qui eurent vingt ans dans les années 1970. Pour eux et ceux qui ont suivi, la révolte contre les pères était un acquis. Cela explique-t-il l'attachement fidéiste à l'original sacré de ces fans devenus prêtres du culte ?

La quête des origines et de l'original n'est pas neuve : au Moyen Âge, on vénérait les meilleurs auteurs de romans. Ce qui n'empêchait pas la circulation de versions remaniées par les multiples copistes, transposées dans d'autres dialectes du français. La question de savoir laquelle faisait autorité fut tôt familière. Et justement,  par le geste de retoucher ses premiers films, George Lucas dit en quelque sorte aux enfants de Star Wars, "je suis votre auteur, c'est moi qui vous ai fait, c'est moi qui décide". Ou, à la manière de Dark Vador face à Luke Skywalker : « je suis votre père ».

Certains ont vu dans les trois préquelles sortis ces dernières années un écrin qui ne faisait que sertir la pièce maîtresse : les trois films « centraux ». D'autres, une trahison, déjà. Le spectateur proteste, jaloux de ce qu'il considère comme « son » film. Parce qu'il s'y est identifié (« je devenais le personnage dont je lisais la vie » dit Rousseau lisant Plutarque dans Les Confessions) et parce que toucher aux vieux Star Wars, c'est violer l'album photo innocent d'une jeunesse chérie, reprogrammer, effacer la mémoire des fans. Leur colère témoigne de leur fragilité, de leur futilité, dès lors qu'on distord cette épopée qui les fonde. Elle est l'origine mystique à laquelle, en se repassant les films, ils retournent avec délice quand ils le peuvent.

Il est dans la nature d'une épopée d'être traversée, reprise, modifiée. Il est dans celle des hommes, disait Tennyson, un vieux poète anglais du XIXe siècle, qu'ils « hurlent et suent, tout à leurs guerres naines / devant le visage de marbre du Temps / Observés par les étoiles silencieuses ». Au fond, qui est « l'auteur », qui a pouvoir sur la création ? Le créateur, auteur autoritaire ? La muse? Le public, enfant gâté ? En posant cette question, Star Wars n'a-t-elle pas, justement, réussi son destin d'œuvre épique ?

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