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Spoil system ou pas au sommet des administrations : l’autre match Sarkozy-Juppé qui pourrait tout changer à la réussite du prochain quinquennat
©MARTIN BUREAU / AFP POOL / AFP

La bataille continue

Les sujets sur lesquels Nicolas Sarkozy et Alain Juppé affichent leurs désaccords sont nombreux. Dernier en date : la nomination directe par le président de la République des trente-cinq premiers directeurs centraux d'administration.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico: Lors du second débat de la primaire de la droite et du centre, Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir nommer directement les trente-cinq premiers directeurs centraux d'administration. Dans quelle mesure cela peut-il participer à la réussite du prochain quinquennat et au renforcement du pouvoir politique?

Eric Verhaeghe: C'est de mon point de vue une étape méconnue, un peu obscure, mais essentielle dans un cheminement présidentiel. Lorsqu'un gouvernement arrive au pouvoir, il est en effet extrêmement dépendant de la technostructure qui encadre l'action publique. Sans l'appui de cette technostructure, une politique nouvelle ne peut se mettre en place.

Il faut ici bien comprendre ce qu'est la technostructure. Dans la pratique, les politiques publiques sont mises en oeuvre, au jour le jour, par l'administration et, en son sein, par une technostructure, c'est-à-dire une sorte d'élite administrative qui va traduire, en circulaires et en procédures, les grandes décisions de l'exécutif. Si, à cette étape, la machine bloque, ou fait de l'excès de zèle, ou se montre tâtillonne, elle entrave l'action gouvernementale. Ce fut par exemple le cas avec la police de proximité, lorsque l'état-major de la police a considéré qu'il ne fallait pas "casser l'outil" existant en obéissant à un ministre de passage. Facialement, la police de proximité s'est mise en place, mais la technostructure a tout fait pour en empêcher le succès. Dans ce cas, il importe que le ministre puisse s'appuyer sur des directeurs qui sont en phase avec sa politique et qui s'engagent à la mettre en oeuvre loyalement.

En revanche, il faut bien préciser que l'obéissance politique ne suffit pas à faire d'un haut fonctionnaire un bon directeur d'administration centrale. Il faut encore qu'il soit compétent. Cette qualité-là ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.

A l'inverse, Alain Juppé a dit qu'il refuserait de procéder à une telle nomination. Cela traduit-il, chez le candidat à la primaire de la droite et du centre favori des sondages, une incompréhension préjudiciable du fonctionnement de la relation entre pouvoir politique et administration? 

Incompréhension, probablement pas. Alain Juppé est inspecteur général des finances. Il a été ministre et Premier ministre. Il connaît la machine administrative de l'intérieur et il ne peut en ignorer le poids, les vices, les déviations et les défauts. Il ne faut donc pas se tromper en imaginant qu'Alain Juppé n'a pas compris le risque qu'il prend en s'avançant aussi prudemment sur le terrain de ce que certains ont appelé le spoil system. Juppé cède ici à la tentation de ne pas "crisper" la machine d'Etat en annonçant une chasse aux sorcières.

S'il choisit de ménager par avance l'appareil d'Etat, c'est d'abord parce qu'il sait que sa politique ne sera pas une politique de rupture par rapport à l'existant. Il s'inscrit dans une continuité et un apaisement. Il faut ici voir un signe, ou un aveu: celui d'une grande confiance de Juppé dans la réaction qu'il suscitera parmi la technostructure. Juppé ne s'imagine pas un seul instant que celle-ci le rejettera, ou cherchera à le circonvenir. Cette sérénité doit d'abord être interprétée comme la quasi-certitude de porter une politique conforme aux voeux de la machine administrative, une politique qui sera vécue comme rassurante et même garante d'une protection vis-à-vis des risques que les autres candidats peuvent représenter. Sur ce point, Juppé confirme donc un pressentiment qui se répand: celui d'une crainte qu'il mette sous le boisseau, pour une nouvelle période de cinq ans, les réformes de fond dont le pays a besoin. 

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