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Soutien à la réforme de la SNCF ou pas ? Ce que Les Républicains pourraient dire (et penser…) pour dépasser leurs contradictions internes
©LUDOVIC MARIN / AFP

Droite en peine

Alors que la réforme de la SNCF et les mouvements de grèves dominent l'actualité politique, le parti dirigé par Laurent Wauquiez n'est pas parvenu à définir une position sur ces dossiers.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : En réunion de groupe ce mardi 10 avril, les LR ne sont pas parvenus à définir une position concernant la situation de la SNCF. Pris en tenaille entre deux visions qui s'opposent, entre celle pointant du doigt que cette réforme avait été portée précédemment par la droite, et une autre qui insiste sur la nécessité d'apporter une réponse sociale, de protection pour les Français. En quoi ce cas de la SNCF peut-il révéler les contradictions actuelles de la droite, pouvant être illustrées par exemple par les positions de Bruno Retailleau ou de Guillaume Peltier ?

Edouard Husson : La droite est devant un dilemme. Depuis trois décennies, elle s’est largement ralliée au giscardisme, au sens des réformes menées au nom de l’Europe et de ce que VGE appelait « mondialisme », que l’on a plutôt appelé, ensuite, mondialisation. Or Emmanuel Macron représente une des formes les plus abouties du giscardisme. Il est le premier à avoir réussi le vieux rêve de VGE, se faire élire au centre en rassemblant « deux Français sur trois » (au moins en termes de suffrages exprimés). Seulement voilà - comme dirait VGE - nous ne sommes plus au moment d’essor du projet fédératif européen, nous sommes au moment où il décline. La réforme de la SNCF est la nième étape d’une transformation de la compagnie menée au nom de l’ouverture à la concurrence européenne. Nous avons quatre décennies de politique monétaire à l’allemande derrière nous, qui représentait la forme monétaire la plus inadéquate pour notre adaptation à la mondialisation. Le modèle européen - transposition de l’ordo-libéralisme allemand à l’échelle de l’UE - qui avait été imaginé dans un monde où l’Asie n’avait pas encore décollé, sauf le Japon, et où le communisme tenait emprisonnée l’énergie au travail de plus d’un milliard d’êtres humains, continue à être appliqué dans une économie ouverte, mondialisée, où la Chine est devenue la deuxième puissance économique de la planète. Faut-il continuer à défendre des réformes menées au nom d’une politique continentale elle-même inadaptée? Mais comment ne pas voir d’autre part le déclin de la compagnie ferroviaire nationale - sans que l’on sache jauger la responsabilité de l’application des directives européennes dans cette situation? La droite doit prendre position à un moment où l’on sent bien qu’il y a un besoin de transformation de l’entreprise ferroviaire - le service public s’est dégradé avec les années - mais où la réforme en cours n’est sans doute plus appropriée à l’époque.

La Droite a-t-elle réellement besoin de choisir ? N'existe-t-il pas une voie intermédiaire qui lui permettrait de faire fi de ce qui a pu être appelé le néo-libéralisme sans remettre en question la totalité de son ADN ? A l'inverse, comment peut-elle faire pour s'écarter de ce "cercle de la raison" qui domine la politique française ?

Le grand problème de la France depuis les années 1970, c’est que les réformes qui sont menées ne s’appuient pas sur un consensus national mais sur l’idée que la France est irréformable sauf à s’appuyer sur une expertise étrangère et des leviers supranationaux.  A la suite de Giscard, tous les présidents (sauf, en partie, Nicolas Sarkozy) ont réformé parce qu’il fallait répondre à des injonctions extérieures, qu’elles soient venues des USA ou de l’Union Européenne. La IVè République ou le gaullisme avaient suivi une tout autre logique: le monde extérieur constituait bien la toîle de fond ou l’exemple mais les transformations du pays s’appuyaient sur une élite profondément patriote, au service d’un Etat souverain. La droite peut-elle revenir à l’esprit de l’après-guerre et dans quelles conditions? Ajoutons une dimension non négligeable: nous assistons au reflux de la vague néo-libérale et nopus voyons monter une vague « illibérale » non plus socialiste (comme dans les années 1910-1960) mais conservatrice - au sens de la politique du général de Gaulle ou, plus anciennement, de Benjamin Disraëli en Grande-Bretagne. Le Brexit, Trump, Poutine sont les premières manifestations de cette évolution. Quand bien même la France voudrait recevoir des impulsions de l’extérieur, il ne faudrait pas s’obstiner dans la politique d’un monde qui finit. Pour paraphraser une célèbre formule de Maurice Clavel, prophétisant que « le dernier stalinien serait un curé bas-breton », on peut redouter que « le dernier néo-libéral soit un inspecteur des finances français ». Mais justement la droite pourrait prendre un tournant conservateur avant la gauche et le centre macronien.

Quelles sont aujourd’hui les options qui s’ouvrent à la droite pour permettre de se mettre d’accord sur les réformes en cours tout en proposant une vision économique et politique de la société française et de ses maux?

Le grand enjeu est de mettre fin à la fracture entre une France des métropoles et une France périphérique. L’évolution de la SNCF est caricaturale, de ce point de vue, en dehors même de toute pression européenne: la France rurale et périphérique a été progressivement privée de lignes de proximité tandis que l’Etat misait tout sur les TGV, sans réussir pour autant à mener au rythme approprié les investissements requis - déficits publics et pacte de stabilité monétaire ont conduit au malthusianisme de l’investisseur public, avec le maintien tant bien que mal des lignes à haute technologie et la détérioration des autres trains. Nous connaissons tous les retards des TGV, les pannes récurrentes des TER ou les sièges éventrés des trains Intercités. A l’âge des réseaux numérisés, une rationalisation du réseau passe-t-elle obligatoirement par la suppression des petites lignes et la multiplication des « cars Macron »? A l’âge de la transition écologique sommes-nous condamnés à avoir des autoroutes surchargées par le transport de marchandises tandis que la direction de la SNCF, depuis des années, a capitulé sur l’augmentation du fret? On ne peut pas dire qu’il n’y a aucun besoin de réforme. En revanche, il n’est pas sûr que la réforme entreprise par Emmanuel Macron soit la bonne. Tel est l’espace dans lequel la droite pourrait se déployer

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