Si Honoré de Balzac nous avait raconté la vie de Taha Bouhafs…<!-- --> | Atlantico.fr
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Taha Bouhafs
Taha Bouhafs
©JULIEN DE ROSA / AFP

Réalisme

Vous avez certainement entendu parler du journaliste Taha Bouhafs. Il n’a que 25 ans, on ne l’a pas vu beaucoup sur les bancs de l’école après ses années collège, mais il dispose déjà d’un CV professionnel et militant bien rempli.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Entre autres faits d’armes, c’est lui qui a filmé Alexandre Benalla en train de frapper des manifestants à Paris le 1er mai 2018 – sans savoir à ce moment-là à qui il avait affaire. C’est lui également qui a répandu la fausse information de la mort d’un étudiant lors d’altercations avec la police dans le contexte du blocage de la fac de Tolbiac d’avril 2018 pour protester contre le nouveau mode d’accès à l’enseignement supérieur annoncé par le gouvernement.

Présent dès les « Nuits debout » de 2016 sur tous les hauts lieux de la contestation d’extrême-gauche, actif contre les violences policières et militant antiraciste, au sein du comité Vérité pour Adama Traoré notamment, il dénonce, il filme, il twitte abondamment, et finit par être recruté en 2018 par l’ex-journaliste de France Inter et membre du collège des fondateurs d’Attac Daniel Mermet pour son site Là-bas si j’y suis, puis en 2020 par Le Média, la Web TV de Jean-Luc Mélenchon.

En juin 2017 déjà, il avait été le candidat législatif (malchanceux) de la France insoumise dans l’Isère (où sa famille réside) et il était bien naturel qu’il retrouve sa place lors des législatives du mois prochain. Ce qui fut chose faite le 8 mai, dans une importante circonscription du Rhône.

Tout roulait pour le mieux dans le meilleur des mondes antifascistes, antiracistes, féministes et écologiques possibles quand soudain, le 9 mai, l’un des partenaires de la grande coalition NUPES formée dans la douleur autour de LFI, Fabien Roussel du Parti communiste pour ne pas le nommer, s’est avisé que Bouhafs avait été condamné pour injure publique à caractère raciste pas plus tard qu’à l’automne dernier. 

Il se trouve en effet qu’au lendemain d’une énième manif contre les violences policières organisée en 2020 par les soutiens d’Adama Traoré, la déléguée nationale du syndicat de police Unité SGP-FO Linda Kebbab a souligné que le décès de ce dernier n’était pas comparable à celui de George Floyd aux États-Unis. Révolté, le bouillonnant Bouhafs n’écoute que son militantisme et traite la policière d’ « arabe de service » sur Twitter. Ce qui signifie très précisément qu’il l’accuse de collaborationnisme avec le système intrinsèquement raciste et policier que lui dénonce et combat sans relâche.

Pas de quoi effaroucher Mélenchon ou la France insoumise, bien au contraire. Dès les premiers jours de la polémique, avant même l’investiture officielle du journaliste, le député LFI Alexis Corbière avait montré son meilleur profil de brute épaisse en traitant les critiques de Taha Bouhafs de « petites hyènes », les accusant de pratiquer le « délit de faciès » et leur intimant sans ménagement de « rentrer à la niche » (vidéo, 01′ 52″) :

Il n’empêche que le 10 mai, Taha Bouhafs jetait l’éponge. Pas en raison de sa condamnation, oh non, certainement pas, mais parce qu’il ne pouvait plus faire face au déferlement de haine et de racisme qui a accueilli sa candidature. La théorie des hyènes qui veulent broyer quiconque est jeune, issu des quartiers et de l’immigration continue à prévaloir et la victimisation du pauvre Taha Bouhafs malmené par le système est en route.

La député LFI Clémentine Autain le 10 mai sur Twitter :

« Il est plus que temps de regarder en face l’injustice, la violence des attaques venues de l’extrême droite, relayées ad nauseam dans les médias, par la macronie et jusque dans certains rangs à gauche, contre un jeune homme sans diplôme, issu des quartiers populaires et de l’immigration. »

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Les dates exactes comptent car le lendemain, le 11 mai, la France insoumise publiait un communiqué par lequel elle annonçait officiellement que sa cellule de suivi contre les violences sexistes et sexuelles au sein du parti avait reçu le 7 mai un signalement incriminant Taha Bouhafs, lequel avait été confronté aux accusations portées contre lui le 9 mai et avait renoncé à son investiture le 10 mai. 

Autrement dit, cette affaire était connue de tous les cadres LFI depuis le 9 mai voire le 7 pour certains d’entre eux. La militante féministe et sympathisante de la France insoumise Caroline De Haas dit même les avoir alertés dès le 2 mai. Mais cela ne les a pas empêchés de prendre la défense du journaliste le 10 face à la supposée haine des « fachos », toujours pratiques lorsqu’il faut trouver un coupable présentable. Cas typique de Clémentine Autain qui a admis ensuite au micro de Mediapart être au courant de cette accusation et de deux autres témoignages allant dans le même sens :

« Le signalement dont on a pris connaissance samedi (NdNMP : le 7 mai) est un signalement d’une gravité que nous n’avons jamais rencontrée (…) On est bouleversés par ce qu’on a lu, ce qu’on a entendu. »

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Depuis, c’est le bal des hypocrites : je ne savais rien, mais de toute façon, cela n’empêche pas que les racistes se sont déchaînés de façon odieuse contre Taha Bouhafs. Quant à la condamnation pour injure publique à caractère raciste envers Linda Kebbab, motif initial de la polémique à propos de son investiture, complètement oubliée, bien sûr.

À ce stade, on ne peut rien dire de la culpabilité effective de Taha Bouhafs au regard des accusations d’agressions sexuelles portées contre lui, d’autant que pour l’instant, personne n’a porté plainte. De plus, selon Le Point, la mise à l’écart de Bouhafs suite à ces accusations aurait surtout eu pour objectif de retirer précipitamment une candidature mal engagée où la NUPES partait divisée entre la candidature officielle et la candidature dissidente de la maire communiste de Vénissieux. Depuis que le journaliste n’est plus là, tout est rentré dans l’ordre.

Il n’empêche que la méthode de Taha Bouhafs, une méthode de petit tyran consistant à intimider, diffamer et insulter quiconque n’est pas parfaitement aligné avec sa vision du monde, ne s’est pas limitée à Linda Kebbab. Au sein même de la France insoumise et de ses sympathisants plus ou moins proches, seul son statut idéalisé de jeune des quartiers et de l’immigration subissant la discrimination de la droite et l’extrême-droite a joué pour empêcher pendant trop longtemps les langues de se délier.

Par exemple, la militante féministe Fatima Benomar a expliqué au magazine Marianne :

« Comme beaucoup d’autres militants de gauche qui ont eu affaire à son comportement violent et toxique, j’ai souvent ressenti un scrupule à l’attaquer publiquement vu qu’il est régulièrement visé par la fachosphère. »

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Autre exemple, rapporté au Point par un ancien journaliste du Média :

« Concrètement, quand Taha a dit qu’il ne voulait pas s’isoler en salle de montage avec un collègue parce que ce dernier était gay, on a fait comme si on n’avait rien entendu. »

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Taha Bouhafs est en quelque sorte le miroir parfait de l’affaissement politique et moral de la France insoumise. Représentant typique de son islamogauchisme hargneux et comminatoire – il faisait d’ailleurs partie des instigateurs de la très controversée « marche contre l’islamophobie » de novembre 2019 – il est aussi le symptôme d’un deux poids deux mesures qui consiste à fermer systématiquement les yeux lorsque les hautes valeurs de tolérance et de solidarité défendues par le parti sont piétinées par ses membres même – pour « ne pas faire le jeu de la fachosphère ».

Oh, bien sûr, on voit des choses similaires en d’autres recoins du paysage politique. La République en Marche qui a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron vient de se prendre les pieds dans le tapis : elle a investi en Dordogne un candidat qui a été condamné en 2020 pour violences conjugales. Lequel candidat a finalement retiré sa candidature. 

Mais les Insoumis et leurs amis distribuent les leçons de morale sur l’homophobie, le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, la solidarité économique, l’écologie, etc. avec tant d’aplomb supérieur, que l’affaire Taha Bouhafs n’en apparaît que plus révélatrice de la duplicité politicienne enchâssée au cœur de la France insoumise.

Quant à Taha Bouhafs lui-même, nul doute que Balzac y aurait vu l’un de ces jeunes ambitieux prêts à tout pour réussir, tellement prêts à tout que la chute les guette toujours de près.

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