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Shanghai, classement mondial des universités : Quand la France se regarde, elle se désole. Si elle se compare, elle se console
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Atlantico Business

Mais à quoi ça sert de regarder la place de ses universités dans les classements mondiaux ? La première des facs françaises se traine au 13e rang, et comme d’habitude, les Etats-Unis surclassent le monde entier. Mais à quoi servent ces classements si on n’en tire pas les leçons?

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Voici le classement de Shanghai, des 10 premières places et des premières universités françaises : 

  1. Harvard (États-Unis)
  2. Stanford (États-Unis)
  3. Cambridge (Royaume-Uni)
  4. MIT (États-Unis)
  5. Berkeley (États-Unis)
  6. Princeton (États-Unis)
  7. Columbia (États-Unis)
  8. Californie Institute of Technologie (États-Unis)
  9. Oxford (Royaume-Uni)
  10. Chicago (États-Unis)
  11. Yale (États-Unis)
  12. Cornell (États-Unis)
  13. Paris Saclay (France)
  14. UCLA (États-Unis)

    35. Sorbonne Université (France)

      38. Paris Sciences & Lettres (France)

      73. Université de Paris  (France)

Comme tous les ans, à la même époque, l’organisation ARWU (Academic Ranking of World Universities), basée à Shanghai, publie un classement indépendant des universités de la planète et désigne les meilleures. La rigueur scientifique de ce classement n’est guère contestée, personne, pas même ceux que la hiérarchie n’épargne pas, n’osera casser le thermomètre ... Mais personne ne se prive de commenter les résultats. Les universitaires eux-mêmes, bien sûr, mais aussi les pouvoirs politiques. Affaire d’efficacité, et de prestige. Marqueur de savoir, donc de progrès et d’avenir. 

En France par exemple, nous avons deux façons de regarder le classement. Objectivement, la place des universités est assez désolante. La mieux placée des universités françaises (Paris Saclay) apparait à la 13ème place. Décevant pour un pays qui est encore la 5ème puissance économique du monde. Elle devrait avoir un des systèmes d’éducation et de recherche le plus performant. 

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Heureusement, les plus malins se consolent en prenant l’ensemble des universités classées dans le hit-parade. La France arrive au 3e rang, à égalité avec l’Allemagne ou le Canada. Ouf, belle affaire ! 

La vérité est que ce classement de Shanghai, attendu et surveillé, est, une fois de plus, dominé par les universités américaines qui occupent 28 places sur les 50 premières, dont 8 dans le top 10. Seules les universités anglaises arrivent à se trouver 2 places dans les 10 premières (Oxford et Cambridge). 

Ce classement analyse en détail le fonctionnement et l’activité des 1000 premières universités dans le monde, selon des critères très spécifiques, et notamment le nombre de prix Nobel et de médailles Fields (l’équivalent d’un Nobel des mathématiques) parmi les anciens élèves ou professeurs, en fonction aussi d’articles publiés ou de chercheurs les plus cités. 

Et ce sont les anglo-saxons qui ont le mieux compris comment il fonctionnait.Il faut donc attendre au-delà des 10 premiers, à la 13ème place, pour trouver la première université française, Paris Saclay. Plus loin, à la 30ème place, on trouve Paris Sciences & Lettres… 

Ces noms ne disent grand-chose à personne, mais ils sont pourtant le fruit d’un changement dans la stratégie française. 

La France a cette particularité d’avoir de très bons établissements d’études supérieures, mais chacun spécialisé sur son domaine et trop petit pour se faire remarquer à l’étranger. HEC ou Polytechnique sont bien trop peu connus à l’international et pas capables de rivaliser avec les grands ensembles universités d’Harvard ou de Cambridge. Pas assez d’étudiants, pas assez de professeurs et donc peu de chances d’atteindre le même nombre de prix Nobel que les universités américaines.

Pour essayer de se distinguer, la France a créé, en 2019, des établissements publics expérimentaux qui intègrent, dans un même pôle, plusieurs universités complémentaires et leurs organismes de recherches affiliés.

Au sein de Paris Sciences & Lettres, on retrouve Normale sup, Dauphine ou l’ESPCI. 

CentraleSupelec, Agroparistech, l’ENS Paris (ex Cachan) et l’Université Paris Sud forment, elles, Paris Saclay, la 1ère université française du classement qui réunit maintenant près de 50 000 étudiants, 9 000 chercheurs et enseignants-chercheurs. Les universités parisiennes de la Sorbonne se sont également réunies en un seul même ensemble.

Certains de ces ensembles prennent donc des noms qui parlent aux étudiants : Sorbonne Université ou Paris Saclay. Sauf que, si le plateau de Saclay est connu pour héberger la prestigieuse école Polytechnique, Polytechnique ne fait pas partie du regroupement Paris Saclay. Allez comprendre…

Résultat, la meilleure grande école française est complètement invisible des radars internationaux. En choisissant de se regrouper avec des écoles d’ingénieurs (ENSTA Paris, ENSAE Paris, Télécom Paris et Télécom SudParid) et en refusant l’alliance avec Paris Saclay, l’Ecole Polytechnique (sous le nom d’Institut Polytechnique de Paris) n’apparait qu’à partir de la 300ème place du classement de Shanghai. Bref, la honte. 

Alors, le monde universitaire répondra qu’il est encore loin de considérer que ces classements sont importants. Quant au personnel politique, il instrumentalisera ces classements, quand les résultats les arrangent, ou sinon les taira.

Les universités françaises ont, certes, commencé à faire évoluer leur façon de penser et de fonctionner, mais les résultats sont encore très éloignés des standards internationaux.

1èreraison : Qu’on le veuille ou non, il existe une corrélation forte entre la qualité des universités et la performance de l’économie. L’éducation, la formation, la recherche est évidemment la clef du progrès, de la puissance et de l’influence. Ça n’est pas par hasard si les Américains arrivent en tête du peloton. La notoriété de leurs universités attire les étudiants, les chercheurs et du coup, distribue des cadres dirigeants dans le monde entier et façonne le modèle de la mondialisation. 

2e raison : le classement commande les allocations de ressources financières au système éducatif. La France est, de ce point de vue, un pays pauvre. 

La France n’aime pas beaucoup ses universités, surtout quand elles sont trop branchées sur la vie économique et par conséquent, ne les finance pas. Les universités françaises sont parmi les moins dotées de ce classement de Shanghai. Plus grave, la France ne facilite pas les financements privés. Il n’est donc pas étonnant qu’elles ne figurent pas aux premières places. 

Le problème existe aussi dans formations d’ingénieurs comme celles de l’Institut Polytechnique, dont on peut pourtant se dire qu’elles sont proches d’entreprises privées. Ces enseignements qui sont à l’origine des révolutions sectorielles et qui portent, aujourd’hui encore, la plupart les programmes de recherche lourds, sont financés à 90% avec de l’argent public, directement par le ministère ou par des programmes d’investissements européens. Bref, c’est le contribuable qui paie, in fine, et le recours au mécénat reste encore exceptionnel, aujourd’hui. Alors que le partenariat pourrait être vraiment gagnant-gagnant.

La trousse à outils pour le financement des études supérieures existe pourtant. De la privatisation totale (comme les écoles de commerce) ou partielle, en passant par les prêts personnalisés aux étudiants. Certaines universités européennes louent même leurs locaux, aux événements privés, pour des financements plus diversifiés.

3e raison, les classements montrent à quel point la France universitaire à un problème avec le mode de gestion et l’autonomie. C’est un des facteurs de succès du monde universitaire. La France en a peur. Le mouvement d’autonomisation des universités, dont on parlait déjà en se pinçant le nez en 1968, a été initié en 2007 par Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement Supérieur, mais continue de faire débat. 

 La France reste bonne dernière de l’Europe, selon l’Association des universités européennes qui déplore que l’Etat interfère encore trop dans la gouvernance et la structure académique des universités. Sur budgets, les ressources, (droits de scolarité) dont la majeure est partie est consacrée au paiement de la masse salariale, le recrutement et les salaires des enseignants-chercheurs, les universités françaises ont (très) peu de marges de manœuvre  ou alors au prix d’une gymnastique à la limite du droit. 

Le MIT américain, dont Emmanuel Macron admire les resultats et le succès, se finance, en grande partie, grâce à un fonds de dotation, constitué de fonds privés, qui lui sert de capital et lui distribue des dividendes.

Le principal mécène de l’université française, c’est l’Etat, donc le contribuable. Sauf que le contribuable est sur genoux, alors l’université française va pouvoir attendre longtemps les moyens supplémentaires qu’elle demande. 

Le prochain classement de Shanghai ne nous réservera aucune surprise. On y trouvera les mêmes raisons de se désoler ou de se consoler. 

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