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Septembre noir : comment les terroristes ont réussi à commettre les attentats des Jeux Olympiques de Munich en 1972
©Reuters

Bonnes feuilles

Pour la première fois un cadre de haut niveau se dévoile et raconte de l'intérieur les opérations les plus secrètes d’un service mythique : le Mossad. Pour ce faire, il a choisi de rédiger la biographie d’une femme exceptionnelle, qui a marqué tous ceux qui ont travaillé avec elle : Sylvia Rafael. Après l’attentat contre les athlètes israéliens aux JO de Munich, elle participe notamment à la traque des terroristes et de leur "cerveau", Ali Hassan Salameh. Extrait de "Sylvia, une vie au coeur du Mossad" (1/2).

Aux quartiers généraux de Septembre noir, on conservait un dossier secret pour chaque membre de l’organisation dans les pays arabes, en Europe ou en Asie. Ce dossier ne contenait pas seulement des informations actualisées sur la personne, il contenait aussi les détails de ses activités en dehors de l’organisation. La plupart des activistes de Septembre noir en Europe utilisaient leur vie professionnelle comme couverture, rendant ainsi très difficile la tâche du Mossad qui essayait de les localiser. Ali Salameh feuilletait très souvent ces dossiers afin de sélectionner les bonnes personnes pour les opérations qui demandaient un savoir-faire particulier dans des domaines variés. C’est ainsi qu’il découvrit Mohammed Masalha.

Masalha, 27 ans, était né à Haïfa. Durant la guerre de 1948, alors qu’il avait 3 ans, sa famille avait fui vers la rive ouest. Plus tard, il avait étudié en Allemagne et y était resté après avoir obtenu son diplôme. Masalha menait une double vie. En apparence, il était un éminent architecte, ses bureaux se trouvaient à Munich et sa publicité apparaissait dans les journaux. En secret, il était un agent du Fatah, un membre de Septembre noir.

C’est par une belle journée de juillet 1972, le 18 précisément, près de deux mois après l’attaque sanglante à l’aéroport Ben Gourion, qu’Ali rencontra Mohammed Masalha à Munich. Ils se donnèrent rendez-vous dans un appartement secret dans un complexe touristique à la périphérie de la ville. Les deux gardes du corps de Salameh, des revolvers dissimulés sous leurs vêtements, surveillaient l’accès à l’appartement et seul Masalha fut autorisé à entrer après qu’on eut vérifié qu’il ne portait pas d’arme.

C’était un rendez-vous crucial pour Ali Salameh. Il poserait les bases de la plus grosse opération que Septembre noir ait jamais menée. Non seulement son succès serait une grande fierté pour l’organisation mais cela ferait une corde de plus à son arc.

« J’ai lu dans le journal, commença Ali, que tu participes à la construction du village olympique de Munich. – Exactement. – Cela signifie que tu as libre accès aux bâtiments dans lesquels seront hébergés les athlètes ? – Bien sûr. – Nous avons besoin de toi, Masalha », continua Ali.

Il lui révéla ensuite son intention de le nommer commandant d’une unité surentraînée de combattants de Septembre noir. Sa mission serait d’attaquer les quartiers israéliens du village olympique et de prendre les athlètes en otage, de les tenir prisonniers jusqu’à ce que les terroristes emprisonnés en Israël soient relâchés. Il demanda à son interlocuteur de garder le plus grand secret sur cette mission.

Le travail de Masalha serait de programmer l’itinéraire de l’équipe dans le village olympique, d’indiquer les lieux exacts où se trouvaient les quartiers israéliens et, le temps venu, de mener l’attaque puis la retraite.

« Je serai honoré de remplir cette mission, répondit-il avec émotion. »

À son retour au Liban, Ali se dépêcha de choisir lui-même 50 jeunes membres du Fatah et de les envoyer au camp d’entraînement de Nahar al-Bared, au nord du pays, à plusieurs kilomètres de Beyrouth. Là-bas ils furent formés par des membres de gangs terroristes du monde entier et par des agents secrets de l’Allemagne de l’Est. Ces derniers leur apprirent à utiliser efficacement divers types d’armes, à activer des charges d’explosifs, à se battre dans des zones urbaines, à organiser des prises d’otages et à conduire des négociations avec l’ennemi. Aucune des recrues ne connaissait la nature de la mission pour laquelle elle était entraînée. Elles se doutaient cependant que c’était une mission très importante puisque Salameh venait chaque jour au camp pour constater leurs progrès.

Au terme de cet entraînement intensif qui dura un mois, la plupart des participants furent renvoyés chez eux. Seuls les huit meilleurs d’entre eux restèrent. Ali Salameh les rencontra un par un et leur dit qu’ils recevraient très bientôt des informations sur l’opération à laquelle ils participeraient.

Afin de transporter les armes nécessaires depuis Beyrouth, Ali sélectionna un homme et une femme dans les rangs du Fatah. Ils étaient censés transporter des mitrailleuses et des munitions dans leurs bagages. Ali s’arrangea pour qu’ils n’aient aucun problème au contrôle des douanes. L’un des responsables des douanes de l’aéroport de Cologne touchait régulièrement de grosses sommes d’argent pour fermer les yeux sur les armes clandestines du Fatah.

Le 23 août 1972, les mules embarquèrent à bord d’un avion Lufthansa au départ de Beyrouth et en partance pour Cologne. L’homme portait un costume de luxe, il sentait l’après-rasage et respirait la confiance en soi. La femme qui l’accompagnait était mince, séduisante et impeccablement vêtue, comme tout droit sortie des pages d’un magazine de mode. Ils transportaient quatre valises et furent reçus par l’officier des douanes à l’aéroport allemand. Celui-ci demanda à ses employés d’ouvrir une valise, seulement une, pour vérification. Les voyageurs furent autorisés à choisir quelle valise on ouvrirait. Elle contenait des centaines de soutiens-gorge. Les officiers ne se donnèrent même pas la peine d’ouvrir les trois autres, qui contenaient des pistolets-mitrailleurs, des grenades et des munitions.

Le couple prit une voiture de location pour se rendre à Munich et cacha les bagages dans des coffres à la consigne de la gare. Un émissaire d’Ali Salameh les retrouva et récupéra les clés afin de les remettre à Ali lorsqu’il arriverait à Munich.

La date de l’opération approchait. Ali Salameh rassembla les huit meilleures recrues de Beyrouth et leur fournit des billets d’avion à destination de Rome et Belgrade. Ils embarquèrent sur des vols différents avec de faux passeports et des cartes d’étudiants d’universités européennes. Une fois à Rome et à Belgrade, tous prirent un vol pour Munich. Masalha et son assistant, un étudiant expert en guérilla, les rencontrèrent dans l’appartement de Masalha et leur expliquèrent l’opération dans les moindres détails. Masalha tint à les prévenir qu’attaquer les Israéliens dans leur quartier du village olympique présentait certains risques. « Tout d’abord, les vigiles du village olympique peuvent vous repérer, commença-t-il. Il se peut également que les Israéliens ouvrent le feu. Soyez prudents. »

Ali Salameh arriva à Munich et passa les jours qui précédaient l’opération sous haute surveillance dans un appartement de location, en compagnie de Mohammed Odeh, surnommé Abou Daoud, son associé chargé de l’organisation et de la direction de l’opération. Tous deux préparèrent intensément l’équipe.

Le 6 septembre 1972 à 4 h 30 du matin, après avoir récupéré les armes et les munitions, les huit terroristes escaladèrent les clôtures du village, pénétrèrent dans les quartiers israéliens et, après avoir tué deux des athlètes, prirent les neuf autres en otage.

Ali Salameh et Abou Daoud étaient eux aussi arrivés au village olympique afin d’observer l’attaque de l’autre côté de la clôture. Lorsqu’ils entendirent des coups de feu, ils comprirent que l’opération battait son plein et qu’il était temps de partir. Ils montèrent dans une voiture qui les attendait non loin de là et furent conduits directement à l’aéroport. Ils avaient des réservations sur un vol Alitalia à destination de Rome. Après avoir présenté de faux passeports au comptoir d’enregistrement, ils s’envolèrent pour l’Italie. De là-bas, Ali Salameh s’envola pour Beyrouth et Abou Daoud embarqua pour Belgrade et Varsovie où il se cacha quelques années avant de s’installer en Jordanie.

Les forces de sécurité allemandes furent appelées en urgence au village dès qu’on entendit les premiers coups de feu, mais ce n’est qu’à leur arrivée qu’ils comprirent exactement ce qu’il se passait. Au vu de la situation, ils jugèrent que toute tentative de prise d’assaut des agresseurs serait susceptible de mettre en danger la vie des otages israéliens. En attendant, faute de trouver une solution plus originale, ils entamèrent des négociations avec les kidnappeurs. Le directeur du Mossad, Zvi Zamir, arriva d’urgence à Munich et offrit de participer aux négociations entre les Allemands et les terroristes. Il avait une riche expérience militaire (il avait notamment été à la tête du commandement du Sud), mais n’avait jamais pris part à des négociations de prise d’otages. Les Allemands répondirent sans équivoque qu’ils n’avaient besoin d’aucune aide extérieure. Zamir dut se contenter d’observer les événements à distance, et ce qu’il vit ne le satisfaisait pas du tout.

Au cours des négociations, les Allemands offrirent de mettre un avion situé dans l’une des bases de l’Air Force allemande à disposition des kidnappeurs, leur offrant ainsi un moyen de transport pour la destination de leur choix. En fait, l’avion n’irait nulle part. C’était un piège destiné à sauver les otages.

Les terroristes acceptèrent l’offre, mais, au moment où ils descendaient du bus avec les otages et montaient dans l’avion, les Allemands ouvrirent le feu. Les terroristes, furieux, ouvrirent le feu sur les otages. Dans l’échange de tirs avec les Allemands, cinq des terroristes furent tués. Les autres furent arrêtés et interrogés.

Lorsque Ali Salameh arriva dans les quartiers généraux de Septembre noir à Beyrouth, il y trouva une activité intense, digne d’une ruche. Ses hommes lui racontèrent l’échange de tirs entre les forces de sécurité allemandes et les terroristes, et il en sourit de satisfaction. Il n’accordait pas beaucoup d’importance au fait que les otages avaient été tués et qu’il n’y aurait donc pas d’échanges avec des prisonniers d’Israël. Ce qui l’intéressait davantage était la couverture médiatique importante de l’événement, qui permettrait de focaliser l’attention internationale sur la lutte palestinienne. C’était son but premier et il était atteint.

Tard dans la soirée, tandis que les résidents des camps de réfugiés célébraient le meurtre des athlètes israéliens, Arafat réunit les hauts dirigeants du Fatah et leur fit l’éloge d’Ali. Ils crièrent : « Nous sommes tous Septembre noir » pendant qu’Arafat embrassait Ali gaiement et ne cessait de répéter : « Tu es mon fils… tu es mon fils… »

Ali revint dans son bureau rayonnant de fierté, il n’avait qu’une chose en tête : frapper le fer tant qu’il était chaud. Son cerveau bouillonnait d’idées de nouvelles attaques terroristes.

Extrait "Sylvia, une vie au coeur du Mossad", Moti Kfir et Ram Oren, (Nouveau Monde Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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