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L’Union soviétique s’est effondrée, 
Ségolène Royal veut la reconstituer
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Fausse bonne idée

Alors que Ségolène Royal propose de bloquer les prix de 50 produits de consommation de base, l'économiste Michel Godet y voit une mesure absurde et inefficace.

Michel Godet

Michel Godet

Michel Godet est économiste, professeur et membre de l'Académie des technologies.

Il est l'auteur de Le Courage du bon sens (Odile Jacob, 2009), Bonnes nouvelles des conspirateurs du futur (Odile Jacob, mars 2011), de La France des bonnes nouvelles (Odile Jacob, septembre 2012) et de Libérez l'emploi pour sauver les retraites (Odile Jacob, janvier 2014) Il anime également le site laprospective.fr.

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Atlantico : Que pensez-vous des propositions de Ségolène Royal de bloquer le prix de cinquante produits alimentaires et d'entretien ainsi que les tarifs des carburants ?

Michel Godet : C’est le retour à l’Union soviétique et aux tickets de rationnement. L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions : ça me rappelle des souvenirs de pénurie, de rationnement… Toute la législation des prix, toutes les rigidités qui empêchent les lois du marché de fonctionner se traduisent par une pénurie ou des effets pervers….On se souvient des rentes  dont bénéficiaient les locataires protégés par la loi de 1948 ! Ou encore de la baguette de pain au prix imposé. La qualité n’était plus au rendez vous.  Au final, ça ne fonctionne pas. Ca ne marche que dans des pays comme l’Algérie où il y a des émeutes de la faim, mais ce ne sont pas des exemples à suivre.

En revanche, il est exact qu’il existe un problème avec le pouvoir d’achat de certaines catégories de la population. Mais il faut le traiter différemment : si vous baissez ou bloquez les prix sur certains produits, les riches profitent aussi de la mesure. Il faudrait plutôt privilégier des mesures ciblées socialement sur des catégories qui se trouvent en situations difficiles, comme les personnes âgées ou les familles avec enfants. Là on peut leur donner des allocations supplémentaires ou des primes pour acheter certains produits de base. Il suffit d’augmenter les allocations familiales pour les familles avec enfants. En ce qui concerne les personnes âgées, et les ménages pauvres,  il faut savoir qu’avec seulement 150 euros de plus par mois on divise par deux le nombre de ménages pauvres (c'est-à-dire ceux qui vivent avec moins 900 euros par mois).

Je préfèrerais donc qu’on mette de l’argent pour aider les personnes qui en ont besoin à sortir du cercle de pauvreté plutôt que de les inciter à consommer. J’ajouterais qu’on pourrait aussi proposer de réduire le prix des cigarettes car les fumeurs subissent de plein fouet l’augmentation du prix du tabac…

La voie proposée par Ségolène Royal n’est pas la route à suivre. L’Union soviétique s’est effondrée, on ne va pas la reconstituer chez nous !

Pour ce qui est des tarifs du carburant, il faut bien accepter que le pétrole devient cher et changer de modes d’organisation et de comportements. Moi, je serais encore plus interventionniste que Ségolène Royal sur ce sujet : j’interdirais les 4x4 polluants en ville à commencer par  ceux des bobos !

Madame Royal a toutefois raison sur un point : il faut inciter la grande distribution à avoir une part de ses produits vendus et produits localement. C’est une proposition écologiquement correcte, qui va dans le sens du développement durable, de la traçabilité et de la proximité : à produire et vendre  afin de limiter le transports et les émissions de CO2. Mais, à ce moment là, arrêtons également d’importer des cerises et des fraises en plein hiver de l’autre bout du monde et changeons nos habitudes  de consommation pour revenir à une croissance plus sobre.

Par ailleurs, rappelons que le niveau de vie des Français, même des plus pauvres, a augmenté de 50% depuis 1980. Pourtant, on constate que beaucoup de ménages ont des fins de mois difficiles. Mais il existe des ménages pauvres - au sens monétaire du terme - qui, à la fin du mois s’en sortent, tout simplement parce qu’ils respectent un principe simple : ils dépensent moins qu’ils ne gagnent. Rappelons également le caractère ridicule de la pauvreté monétaire, définie comme le nombre de personnes qui vivent en dessous de 60% du revenu médian. Cela concerne 8 millions de personnes. Cet indicateur d’inégalité de revenu est conçu de telle façon que même si l’on multipliait par deux lez revenu de tous les Français on ne diminuerait pas le nombre de pauvres !

Enfin, le tiers seulement des logements sociaux est occupé par des ménages pauvres. Le reste n’appartient pas à la classe des plus pauvres. Le taux de rotation des HLM est passé de 12% il y a quelques années à 5% en Ile-de-France. Ca veut dire qu’il y a des gens qui gardent des HLM comme résidences secondaires. Des milliers de HLM sont vides dans certaines villes comme Le Havre. Donc il y a un vrai nettoyage à faire, il faut avoir le courage de le faire  ces réformes de bon sens plutôt que de proposer des mesures aussi démagogiques que dépassées ! Encore un effort Madame Royal et tant pis si cela fait perdre des voix !

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