Sébastien Laye : « La convergence entre LR et le RN était déjà là sur le régalien, Jordan Bardella a confirmé qu’il y avait désormais aussi une convergence économique »<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sébastien Chenu, Eric Ciotti et Marine Le Pen lors d'une conférence de presse du président du RN à Paris, le 24 juin 2024.
Sébastien Chenu, Eric Ciotti et Marine Le Pen lors d'une conférence de presse du président du RN à Paris, le 24 juin 2024.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Convergence

Chef d'entreprise et économiste, Sébastien Laye a été investi par Éric Ciotti face à Gabriel Attal dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine sous l'étiquette LR-RN.

Sébastien Laye

Sébastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde). Il a été investi par Éric Ciotti face à Gabriel Attal dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine sous l'étiquette LR-RN.

Voir la bio »
Atlantico : Jordan Bardella s'est exprimé ce mardi 24 juin à propos du programme porté par le Rassemblement national en vue des élections législatives anticipées dont le premier tour se tiendra ce week-end. Il y a donné tous les points saillants de son programme économique, dont un certain nombre pourraient apparaître inspirés des propositions de LR. Alors que de nombreux commentateurs et analystes politiques estiment que le RN travaille son analyse économique et qu'il gagne en crédibilité sur ce front, faut-il penser que Les Républicains ont su influencer cette doctrine ? Assiste-t-on à une forme de "Républicanisation" (au sens, influence du parti, ndlr) du programme économique du RN ?
Sébastien Laye : Dans le cadre d'une coalition, il est normal de respecter une certaine convergence entre partenaires. Or les programmes régaliens des personnalités fortes sur ce sujet chez LR et celui du RN étaient similaires depuis longtemps. C'est donc sur l'économie que devait porter le rapprochement, tout en conservant les spécificités des deux familles politiques. Si le RN a un ADN social fort, les LR partisans de l'alliance, tels Eric Ciotti et moi-même, étions des libéraux convaincus. Eric Ciotti l'a rappelé jeudi dernier devant le Medef. Nous avons donc vocation à représenter le pôle libéral et entrepreneurial de la future majorité, tout en respectant l'équilibre que je viens de préciser. D'un autre côté, indépendamment de cette analyse politique, depuis plusieurs années le RN, parti de gouvernement, se rapproche logiquement des milieux d'affaires et du monde économique, et a fait évoluer son programme en écoutant les chefs d'entreprise ainsi qu'en témoignent plusieurs exemples, comme la baisse annoncée des impôts de production cvae c3S, promesse par ailleurs abandonnée par Emmanuel Macron en 2023, ou la volonté de procéder à de nouveaux assouplissements sur les impôts de successions comme les franchises de don annoncées par Jordan Bardella) ce que demandait LR depuis longtemps. 33% des employeurs votent RN et défendent la liberté d'entreprise. In fine, il n'y a pas de "républicanisation" de la ligne économique du RN (car il y avait beaucoup d'anti libéraux et il en reste dans le LR centriste indépendant) mais un constat partagé, celui de la nécessité de restaurer l'équilibre des comptes publics, pour réduire la pression fiscale tout en redonnant des espaces de liberté aux entreprises françaises et aux Français qui ne supportent plus nos réglementations tatillonnes. 

Vous avez été investi par Eric Ciotti face à Gabriel Attal dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine sous l'étiquette LR-RN. Pourquoi ce choix pour un libéral comme vous, venu de LR ?

Économiste et chef d’entreprise issu des rangs de LR, je reste dans ma famille politique en faisant le choix d’appartenir à la future majorité. Je me suis engagé à y siéger avec le RN, au sein d’un groupe distinct, Républicains à Droite, qui est plus fidèle à l’ADN libéral-conservateur qui est le mien (et l’essence du RPR en son temps par exemple) que le flou artistique idéologique prôné par les caciques des Républicains. Ma colonne vertébrale conceptuelle, qui s’articule autour du libéralisme économique, est désormais plus proche des dernières déclarations de Jordan Bardella (qui a fait un effort pour se rapprocher des milieux entrepreneuriaux et qui défend la liberté d’entreprendre) que des palinodies d’élus LR qui ne s’intéressent pas au monde de l’entreprise (pour en avoir conseillé plusieurs, je connais le problème !). Par ailleurs, depuis déjà plusieurs années, sur les sujets régaliens et de sécurité, je suis aussi très proche des positions du RN, face au chaos sécuritaire.

Le programme du Rassemblement national a été critiqué pour défaut de financement et pour son étatisme, qui vise essentiellement à organiser des transferts de richesse plutôt que d'en créer. Comment un libéral tel que vous appréhende-t-il ce type de parti pris ?

En premier lieu, le programme économique de l’Union Nationale (notre future majorité) n’est pas juste ipso facto le programme économique du RN lors des Européennes. Par définition, dans une majorité composite, il y a et il y aura des arbitrages. Nous, les libéraux conservateurs de cette future majorité, nous avons déjà amené plusieurs idées et continuerons par notre expérience à enrichir les compétences économiques de notre coalition. Deuxièmement, force est de constater qu’une certaine bien-pensance, une forme de morgue élitiste centriste, par paresse intellectuelle et sournoiserie, se contente d’exhumer de vieilles mesures du RN abandonnées depuis longtemps : procédé fallacieux qui ne trompe personne. Mon programme, c’est celui dont les grandes lignes ont été précisées par Jordan Bardella et Eric Ciotti au Medef (j’y étais à leurs côtés) : un programme de redressement de la situation financière du pays, qui passe par une maîtrise des comptes publics, une identification des sources d’économies et de réduction de la dépense publique (mon tableur Excel est à au moins 40 milliards d’euros par an, sur la simplification, la réduction des agences redondantes, du mille-feuille territorial, la gestion de la fonction publique, les ARS, le coût global de l’immigration débridée, l’introduction de contrats seniors ou de financements privés, des privatisations), et ce afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français et de la liberté à nos entreprises : nous pouvons revenir à des prélèvements obligatoires dans la moyenne européenne, en supprimant charges et impositions sur les heures supplémentaires et les prochaines augmentations de salaires, en reprenant une baisse massive des impôts de production, et en baissant la TVA (12,2% du PIB en France contre 10,5% en moyenne chez nos voisins) de manière ciblée sur la consommation de biens essentiels.

La plupart des gains de pouvoir d'achat que les Français (notamment les plus modestes) ont obtenus depuis 30 ans l'ont été grâce au libre-échange. En tant qu'entrepreneur libéral, comment imaginez-vous vous fondre dans une majorité protectionniste ?

Votre remarque atteste bien de la confusion des esprits en la matière. D’abord, votre constat, je ne peux le faire mien en tant qu’économiste. Entre 2000 et 2017 (avant Macron, car depuis la progression a été plus faible), les gains de pouvoir d’achat furent de 2,6% par an. La première cause de cette évolution quand on regarde la décomposition par l’INSEE c’est… l’envolée des prestations sociales, puis la faible inflation. On peut remercier les politiques sociales paradoxalement, ou la politique monétaire de la BCE, mais pas le libre-échange. D’ailleurs, les destructions d’emplois sur la période dus à certains traités signés dans les années 1990 ont décimé le pouvoir d’achat global, notamment du fait de la désindustrialisation. Les Américains, depuis les politiques protectionnistes de Trump reprises par Biden (parce qu’elles marchent !), ont au contraire vu une croissance considérable de leurs revenus. Enfin, conceptuellement, il y toujours eu des libéraux classiques plutôt rétifs au libre-échange débridé. Je ne suis pas une passionaria du protectionnisme, mais la France en particulier sous Macron n’a pas su défendre ses intérêts. Donc je vous encourage à relire toutes mes interviews sur ce sujet, y compris pour Atlantico, j’ai toujours défendu des politiques libérales domestiques concomitantes à une protection intelligente de nos industries, un certain souverainisme industriel. Et surtout, je réitère ce que j’ai toujours martelé : tant que nous ne remettons pas notre économie en ordre, en restructurant notre Etat, en baissant les réglementations et les prélèvements obligatoires, nous ne pouvons pas ouvrir nos économies à tous les vents car nos entrepreneurs, lestés de tant de boulets, se font souvent tailler des croupières !

Quels sont les points sur lesquels vous pensez qu'il est possible de tirer le RN vers une vision plus libérale ? L'envie de séduire le Medef et les milieux économiques amènerait-elle le RN a une politique différente de celle qu'il défendait jusqu'à présent ?

La baisse des impôts de production, la simplification avec une forme de déréglementation, la défiscalisation et baisse des charges pour ceux qui veulent travailler plus et voir leur travail véritablement payer, la baisse de certains impôts par exemple sur la consommation sont déjà actés. J’amène aussi de nouvelles idées : prenons l’exemple des retraites. J’ai toujours été opposé à la réforme Macron, trouvant les réformes paramétriques inutiles. Je me trouve ainsi aligné avec Jordan Bardella, y compris sous l’aspect social, car je souhaite aussi sanctuariser les retraites des longues carrières commencées tôt et des métiers pénibles. Mais pour tous ceux qui ont des métiers intellectuels, qui désirent travailler longtemps, je souhaite leur donner plus de liberté, avec à côté de la répartition une retraite investissement épargne : en mobilisant un mécanisme similaire à l’ERAFP des fonctionnaires, nous pouvons alléger les caisses de retraite et créer de vrais fonds de pension à la française. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, sur la politique de l’innovation, je citerai un nouvel angle pour la French Tech, avec la création d’une task force spéciale sur l’innovation, une DARPA à la française, centrée sur le nucléaire et l’IA.

La commission de Bruxelles vient d'engager une procédure pour dérapage budgétaire à l'encontre de la France. Les LR dénoncent pour leur part les dérapages budgétaires du macronisme. En tant que candidat RN, êtes-vous plutôt du côté du laxisme ou de la discipline ?

Le bilan de Monsieur Attal (qui ne s’est jamais intéressé aux sujets économiques et refuse de venir en débattre avec moi, alors qu’il est mon adversaire dans la circonscription) c’est avant tout la dégradation de la note financière de l’Etat français et la procédure de Bruxelles à l’encontre de la France pour déficit excessif. Jamais des dirigeants n’auront été aussi irrationnels d’un point de vue économique, et irresponsable fiscalement, et ce depuis le début. Je rappelle qu’avant même le Covid et le quoi qu’il en coûte, Attal et Macron avaient fait exploser en deux ans notre dette de 90% à 100% du PIB ! Comme précisé précédemment, je reste LR dans la recomposition politique et notre future majorité avec le RN, et j’entends bien continuer à incarner le réalisme économique et la discipline budgétaire. Mon expérience professionnelle m’a souvent permis d’échanger avec les grands investisseurs internationaux, et j’aurais à cœur de restaurer la crédibilité de notre pays dans ces milieux. Nous serons garants de la stabilité financière du pays.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !