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Claude Bartolone a expliqué que le non-cumul des mandats ne s'appliquerait pas avant 2017.
Claude Bartolone a expliqué que le non-cumul des mandats ne s'appliquerait pas avant 2017.
©Reuters

Hypocrisie

Selon Claude Bartolone, le non-cumul des mandats ne s'appliquera pas avant 2017. Il faudra une révision constitutionnelle pour mettre en œuvre cette réforme, assure le président de l'Assemblée nationale, ce qui ne sera pas faisable pour les municipales de 2014.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Claude Bartolone assure, dans une interview à "Libération" parue jeudi 7 février, que le non-cumul des mandats ne pourra pas s'appliquer d'ici aux élections municipales de 2014 et fixe l'horizon de sa mise en œuvre à 2017. Le président de l'Assemblée nationale explique ce délai par la nécessité d'une révision constitutionnelle. Mercredi, le sénateur-maire PS de Lyon, Gérard Collomb,avait lancé, "Si vous n'avez pas de présidents d'exécutif au Sénat à quoi sert le Sénat, si vous n'avez pas les dirigeants de régions, de conseils généraux, d'agglomérations, ça va être moins représentatif". Au-delà de la question du cumul des mandats, le principal problème du Parlement et du Sénat n'est-il pas justement leur manque de représentativité ? 

Luc Rouban : Au-delà du cumul des mandats, on peut effectivement se demander si le parlement est représentatif de la population, notamment d'un point de vue sociologique. Certainement pas. Il n'y a à l'Assemblée nationale qu'un député originaire du monde ouvrier. Il y a donc bien une forme de fracture entre la représentation nationale et les électeurs.

Le principal problème c'est qu'il est désormais nécessaire d'être un professionnel de le politique pour être élu. Impossible de devenir député ou sénateur sans avoir passé au moins 20 ans de votre vie à faire de la politique de manière professionnelle. Il faut avoir acquis un certain nombre de compétences qui s'acquièrent par les diplôme, mais aussi avec l'engagement dans la vie politique locale.

Aujourd'hui, les députés ont majoritairement commencé leur vie politique dans les collectivités locales : dans un conseil municipale ou dans un conseil général. Le problème, très complexe, est lié à la mécanique des partis politiques et à la sélection des candidats. Par définition, la démocratie représentative est élitiste. C'est quelque chose qui reste presque incontournable.

Se poser la question du cumul des mandats sans se poser celle d'une réforme plus vaste du parlement a-t-il vraiment un sens ?

On pourrait envisager toute sorte d'autres réformes comme par exemple faire évoluer le mode de scrutin vers la proportionnelle. Le problème, c'est que ce type de réforme changerait les équilibres interne de la constitution et entrainerait probablement un changement de régime.

L'interdiction du cumul des mandats permet de rester dans les limites d'une réforme relativement acceptable d'autant plus qu'on ne connaît pas encore le détail de la future loi. Il semblerait que les parlementaires puissent encore rester membres des assemblées locales. C'est donc peut-être une manière hypocrite de réformer. Un ancien député-maire qui resterait maire adjoint ou membre du conseil municipal continuerait à "tirer les ficelles". Le risque est d'avoir des maires qui soient des hommes ou des femmes de paille. Il faut faire attention à ce côté artificiel car les acteurs sociaux sont généralement plus intelligents qu'on ne le pense. Ils trouvent toujours des solutions.

Inversement, le risque d'un non-cumul généralisé serait d'avoir des parachutages de députés dans des circonscriptions où ils sont totalement inconnus. On va avoir des hommes ou des femmes d'appareil qui vont être parachutés. Le risque est d'augmenter le nombre des élus, de créer une nouvelle classe d'élus nationaux et de faire exploser l'abstention. Ce genre de mécanique pourrait paradoxalement se traduire par un désaveu supplémentaire de l'électorat. La classe politique serait encore plus délégitimée qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Limiter le nombre de mandats dans le temps comme aux Etats-Unis pourrait-il être une solution plus efficace ?

Il faut se méfier du comparatisme en la matière : les Etats-Unis ou l'Allemagne sont des Etats fédérales. Néanmoins, une telle mesure permettrait certainement aux nouvelles générations d'accéder plus facilement aux fonctions nationales.

Mais d'une manière générale, le renouvellement de la classe politique passe surtout par un renouvellement interne des partis politiques. Ce sont les partis qui sélectionnent les candidats et fabriquent les carrières politiques. Il faudrait qu'ils commencent par faire le ménage chez eux !

Propos recueillis par Alexandre Devecchio


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