Se faire coacher par son stagiaire, le pari délicat mais souvent gagnant des grands patrons <!-- --> | Atlantico.fr
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Plusieurs grands patrons (Axa, Engie, Danone, BNP Paribas ou encore Orange) se font coachés par des salariés juniors voir des stagiaires.
Plusieurs grands patrons (Axa, Engie, Danone, BNP Paribas ou encore Orange) se font coachés par des salariés juniors voir des stagiaires.
©Reuters

Le monde à l’envers

Les grands patrons n'hésitent plus à aller voir les plus juniors pour bénéficier de leur expertise : un mentoring inversé qui séduit même les plus grands PDG. Mais à trop émanciper les juniors, on prend le risque qu'ils aillent monter leur propre start-up.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Plusieurs grands patrons (Axa, Engie, Danone, BNP Paribas ou encore Orange) se font coachés par des salariés juniors voir des stagiaires. Comment fonctionne ce mentoring inversé ? Est-il courant dans les entreprises françaises et internationales ?

Xavier Camby  : Cette pratique toute récente demeure très confidentielle, dans les deux acceptations du mot : très peu en parlent et trop peu la mettent en place ! Et encore s'agit-il majoritairement d'un training technique ou d'expertise, plus que d'un authentique coaching. L'hyper-mobilité moderne, physique (on déménage souvent, au sein de mégapoles), comme intellectuelle (les référentiels passés sont obsolètes et toute culture est devenue accessible, en quelques clics), la digitalisation des relations humaines et des comportements sociaux ont littéralement laissé sur place les paradigmes du siècle dernier.

Ce n'est donc pas du jeunisme ni de la démagogie de la part de dirigeants formés avant 1990 que de chercher à comprendre notre nouveau monde, en allant à la source : l'expérience, même très neuve, mais déjà ô combien renouvelée, de ceux qui sont nés avec Internet et qui ont, depuis qu'ils savent lire le savoir mondial, dans la poche de leur jeans.

Quels sont les avantages et les inconvénients de ce coaching à l'envers ? Comment bien encadrer cette pratique ?

Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une pratique "à encadrer" ! Puis-je même vous proposer l'inverse ? Les vraies bonnes pratiques, celles qui sont effectivement utiles et créatrices de valeur, ne s'encadrent pas, ne se décrètent pas plus qu'elles ne se légifèrent ! Elles sont cooptées par ceux qui en font leur bénéfice et évoluent ensuite librement, au gré des besoins.

Inversé ou non, il ne s'agit pas plus d'un vrai coaching, au sens habituel d'humaniser le traitement des ressources. 

Cependant, il existe pourtant une forme ancienne -et des précédents nombreux en attestent- de cet utile accompagnement de ceux dont le métier est de choisir et de décider.

Jadis, et cette bonne pratique n'a jamais cessé de faire ses preuves, ceux désignés au sein d'un groupe pour décider se voyaient très souvent adjoindre un socius (compagnon en latin, qui donnera le mot associé -la racine en est sequor, suivre, qui définit "une ligne de conduite, des principes et une manière de vivre"). Un socius, un alter-ego, jeune ou candide, vieux ou sage, qui a pour mission d'aider celui qui décide à faire les bons choix, l'éclairant comme il le peut -et souvent le simple bon-sens aide radicalement celui que le stress de devoir décider peut aveugler.

Nous assistons donc à une forme renouvelée de cette belle idée, à base de réalisme et d'humilité : "je ne sais pas tout, notamment de ce monde nouveau. J'ai besoin de l'aide d'unautochtone ou d'un aborigène d'Internet pour y faire mon chemin et ainsi définir le futur de ma société."

Cette tendance bouscule-t-elle la hiérarchie dans les entreprises et la vision de celle-ci ?

Non ! Ces jeunes coachs en débardeur et en running shoes -loins, très loins de toute certification normative- ne sont à la recherche d'aucun pouvoir, contrairement à nombre de cadres ou de consultants internalisés. Leur domaine est la création, l'innovation, le plaisir. Leurs valeurs les plus intimes constituent leur priorité : la liberté, la vérité, l'audace...

Si d'aventure, ils se fourvoient à accepter un contrat de travail au sein de l'entreprise qu'ils conseillent, par amitié pour leur patron peut-être, ils viendront rapidement grossir le nombre de ces jeunes diplômés qui quittent avant 24 mois leur premier employeur (43% actuellement en France).

Il existe cependant une chance pour que leurs attitudes et leurs avis "libèrent" les entreprises de leurs croyances surannées, à base de taylorisme, d'autoritarisme inconscient et de contrôles renforcés (qui toujours détruisent toute confiance). 

Ce démarche a-t-elle un impact sur l'intégration des plus jeunes dans les entreprises ?

Ces coach juniors n'enverront pas leur CV en réponse à des annonces publiées par Pôle Emploi ! Leur vraie place, et ils le savent, sera d'animer des start-up, qu'ils iront créer où rejoindre dans des pays économiquement libres, valorisant l'initiative créatrice et l'audace entrepreneuriale, en ateliers de co-working, fondés sur l'économie de contribution (USA, Canada, Suisse, Brésil, Israël, Afrique du Sud... sans compter l'immense Asie...). 

Leur expertise est trop précieuse, de même que leur mobilité trop chère à leurs yeux, pour qu'ils acceptent de vivre dans un système qui leur explique qu'ils deviendront, en vieillissant, une variable d'ajustement économique au profit de l'actionnaire (EBITDA) ou de l'état (taxes), au gré de crises économiques répétitives.

Ce qui peut inquiéter les décideurs-dinosaures, lesquels n'ont pas encore entrepris leur évolution interne, c'est que les créateurs de demain sont déjà nés, et qu'ils leur échappent...

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