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Sarkozy, le retour en marche ? Comment l'ancien président va devoir confirmer et amplifier la forte dynamique enclenchée pendant l'été pour passer l'Everest du 2e tour de la primaire
©Reuters

Gagner le 2nd tour avant le 1er

Nicolas Sarkozy a réussi à mettre en place une dynamique en sa faveur dans le cadre de la primaire de la droite et du centre. Cependant, il est toujours donné vaincu au second tour. Pour l'emporter en dépit des reports très favorables à Alain Juppé, il lui faudra engranger une avance considérable dès le premier tour.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Les dernières tendances témoignent d'une remontée en puissance de Nicolas Sarkozy dans le cadre de la primaire de la droite. Si sa présence au second tour est désormais presque certaine, peut-il espérer l'emporter sans engranger une avance considérable au premier tour ? Dans quelle mesure l'enjeu, pour Nicolas Sarkozy, est de remporter le second tour avant le premier ?

Jérôme Fourquet : Avant de répondre à votre question, il me paraît important de mettre en lumière quelques chiffres. On constate, à la lueur de l'enquête Ifop-Fiducial pour i>Télé, Paris Match et Sud Radio (publiée le 6 septembre au soir) un resserrement très net au premier comme au second tour de l'écart entre Juppé et Sarkozy. À souligner également, une puissante remontée de Nicolas Sarkozy, notamment dans l'électorat de droite. Cela fait suite aux différents événements de cet été. 

Concernant l'ensemble des individus déclarant vouloir voter à la primaire, lors de la dernière mesure (datée de mi-juin), Alain Juppé recueillait 35% des intentions de vote. Nicolas Sarkozy, pour sa part, en recueillait 28%. Bruno Le Maire arrivait à 13%. François Fillon à 11%. La nouvelle mesure, réalisée entre le 22 août et le 5 septembre, fait suite à la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy, à la sortie de son livre, mais aussi à l'ensemble des déclarations qu'il a pu faire et aux réponses de ses concurrents. Cette fois-ci, sur le même type de population, Alain Juppé récolte 35% des intentions de vote. Nicolas Sarkozy monte à 33%. Le Maire comme Fillon chutent à 10%.

Si l'on s'attarde au seul cœur de cible (les électeurs LR désireux d'aller voter à la primaire), l'évolution est beaucoup plus nette. À la suite de la mesure réalisée entre le 28 avril et le 20 mai, Sarkozy recueillait, comme Juppé, 34% des intentions de vote. Fillon était mesuré à 14% quand Le Maire arrivait à 15%. Une nouvelle mesure a été réalisée entre le 25 mai et le 17 juin, au moment du durcissement du conflit relatif à la loi Travail. Nicolas Sarkozy s'était exprimé sur les casseurs et les violences à répétition, dénonçant la chienlit et l'incurie de l'État. Sur les seuls électeurs Les Républicains, Nicolas Sarkozy gagne 5 points et arrive à 39%. Alain Juppé reste à 34%. François Fillon est à 12%, Bruno Le Maire à 13%.

Lors de la dernière mesure, Nicolas Sarkozy monte à 48%, gagnant 9 points. Alain Juppé tombe à 28% et perd donc 6 points. François Fillon tombe à 11%, perdant donc 20 points. Enfin, Bruno Le Maire tombe à 13% et perd donc 3 points. Ces trois mesures illustrent clairement un début de remontée de Nicolas Sarkozy dans le cœur de l'électorat de droite. À l'occasion des violences des manifestations contre la loi Travail, Nicolas Sarkozy a profité d'une prime en parlant haut et clair et en tenant un discours musclé. Ce phénomène s'est grandement amplifié au cours de l'été, du fait des attentats terroristes. La polémique autour du burkini a probablement favorisé Nicolas Sarkozy également. Alors que l'on partait d'un duel égal entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé dans le cœur de cible (34%), nous en sommes désormais à 48% pour l'ancien Président et 28% pour le maire de Bordeaux, seulement 4 mois plus tard.

Réalisons le même exercice pour le second tour. Lors de la mesure réalisée mi-juin, avant l'été, Alain Juppé récupérait 60% des intentions de vote sur le public le plus large. Nicolas Sarkozy arrivait à 40%. Nous sommes aujourd'hui à 54% en faveur d'Alain Juppé et 46% en faveur de Nicolas Sarkozy. Le rapport de force n'est déjà plus le même. Auprès des seuls sympathisants LR, Nicolas Sarkozy a pris la main, puisqu'il recueille désormais 57% des intentions de vote contre 43% pour Alain Juppé. À titre de comparaison, la précédente analyse (réalisée avec Atlantico) donnait Juppé à 52% des intentions de vote et Sarkozy à 48%.

>>>>> A lire aussi : Juppé, NKM, Copé, Fillon : le nouveau "Tout sauf Sarkozy" qui est en train de se mettre en place pour le second tour la primaire de la droite et du centre

Pour ce qui est de reports d'entre-deux tours, ils sont majoritairement favorables à Alain Juppé aujourd'hui. Les électeurs de Bruno Le Maire se redirigent à 47% sur Alain Juppé, à 32% sur Nicolas Sarkozy. 21% d'entre eux se réfugient dans l'abstention ou dans le vote blanc. Les électeurs de François Fillon se reportent à 51% pour Alain Juppé, à 19% pour Nicolas Sarkozy. 30% préfèrent voter blanc ou s'abstenir. Ce sont les données de ce nouveau problème. Avant l'été, sur l'électorat potentiel le plus large, 7 points séparaient Nicolas Sarkozy d'Alain Juppé. Il n'y en a plus que deux, désormais. Dans le cœur de cible, Nicolas Sarkozy profitait déjà d'une avance de 5 points sur Alain Juppé. Il jouit dorénavant d'une avance de 20 points. C'est colossal.

Il est indéniable que les événements de cet été ont fait bouger les lignes, sensiblement. Cela a donné lieu à un rééquilibrage du rapport de force entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sur l'électorat potentiel le plus large. Sur les seuls sympathisants LR, au sein du cœur de cible, on constate une nette avance de Nicolas Sarkozy.

Cela soulève une question importante : quel est le bon univers à regarder ? Faut-il se baser sur l'ensemble de ceux qui envisagent d'aller voter ou, à l'inverse, sur ceux qui sont idéologiquement proches de la droite ? Cette question donne lieu à deux lectures différentes, Nicolas Sarkozy faisant le pari des électeurs de droites seuls et Alain Juppé estimant, pour sa part, qu'il faut se baser sur l'ensemble des intéressés potentiels. Chacun épouse sa thèse pour présenter la situation qui lui est le plus favorable. Cependant, à la lueur de cette enquête, on constate un resserrement clair sur l'univers le plus vaste et une nette avance pour Nicolas Sarkozy sur l'univers le plus restreint. Un deuxième constat vient se faire en comparaison de la dernière mesure réalisée avant l'été pour Atlantico. En mi-juin, 10% des Français déclaraient avoir la ferme intention d'aller voter à la primaire. Aujourd'hui, ils sont 8%. Cela illustre que le débat médiatique fait décanter les choses. Chemin faisant, il est probable que l'on s'oriente vers un déclaratif qui sera le plus proche possible de ce qui se produira réellement le jour J. Cette rétractation amène le nombre de votants potentiels à 3 millions et demi. La primaire du PS se rapprochant des 3 millions, on peut penser que nous ne sommes plus très loin de la valeur finale. Tant sur le rapport des Français à la primaire que sur le rapport de force, l'été a clarifié certains points.

Ces tendances sont également à mettre en lien avec un sondage Ifop pour Atlantico réalisé début août. Il soulevait la question de la confiance des Français en différentes personnalités politiques pour permettre la garantie de l'Etat de droit et l'efficacité dans la lutte terroriste. Le résultat était assez proche du rapport de force actuel, pour les seuls sympathisants LR. C'est sur la question du terrorisme et de la ligne politique (droitière ou non, musclée ou non) que les lignes ont été amenées à bouger. Juppé est donc de moins en moins favori, pour le premier tour. Il l'est encore pour le deuxième tour, mais les écarts sont loin d'être aussi confortables qu'ils ne l'étaient pour lui. Cela soulève le questionnement des reports et des dynamiques de second tour, mais cela demeure très difficile à évaluer. L'autre question qui se pose, à mon avis avant la vôtre, c'est de savoir si ce mouvement favorable à Nicolas Sarkozy va se poursuivre. Est-ce qu'il s'agit d'une inversion du rapport de force, où à l'inverse d'un phénomène solide mais passager ? Les choses vont-elles rester en l'état dans les semaines et les mois qui viennent ? Nous manquons encore d'éléments pour se prononcer sur cette question. Toute la question, c'est de savoir si son potentiel est atteint, ou s'il peut encore progresser, bousculer Alain Juppé. 

Pour en revenir à votre question, les partisans de Nicolas Sarkozy espèrent une forte avance sur Alain Juppé au premier tour, dans l'idée de créer un emballement et un effet de dynamique. Cela constituerait effectivement un avantage et c'est vivement recommandé : Nicolas Sarkozy mettrait ainsi davantage de chances de son côté. Cependant, il se dessine plusieurs cas de figure. Passé le premier tour, un mécanisme de "tout sauf Sarkozy" pourrait se mettre en place, de façon totale ou partielle. De la même façon, certains des candidats battus pourraient estimer qu'entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le troisième scénario pourrait être celui d'une division des reports avec une partie des candidats battus appelant à voter pour Juppé et une autre pour Sarkozy. Sans avance importante, il sera très difficile à Nicolas Sarkozy de résister, si les différents candidats battus appellent à voter pour Alain Juppé. Dans ce cas de figure, il est essentiel pour Nicolas Sarkozy de parvenir à remporter le premier tour avec une forte avance. Inversement, si Nicolas Sarkozy dispose d'une très large avance et que, en plus, un candidat comme Bruno Le Maire appelait à voter pour lui, c'est pour Alain Juppé que la situation deviendrait complexe.

Sur cette question se développent différents aspects. Sur le volet psychologique, on imagine mal François Fillon appeler à voter Sarkozy au deuxième tour. Pas après les propos virulents tenus récemment. Néanmoins, il demeure idéologiquement assez éloigné d'Alain Juppé. Par conséquent, son report n'est pas nécessairement acquis au maire de Bordeaux. Bruno Le Maire, pour sa part, fait très attention à ne pas insulter l'avenir. Il y a, entre Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire, une espèce de pacte de non-agression. De ce fait, l'équation Le Maire n'est pas encore tout à fait levée.

Le troisième volet de cette problématique relève de la question de la proximité électorale. Comme expliqué plus tôt, les reports penchent actuellement en faveur d'Alain Juppé. Cependant, il est important de garder à l'esprit que cela ne prend pas en compte la tenue de la campagne, son ambiance, sa potentielle droitisation ; les écarts de voix au terme du premier tour, etc… Ce sont autant d'éléments sur lesquels Nicolas Sarkozy est susceptible de gagner des points. En outre, si la balance des reports penche très fortement en faveur d'Alain Juppé aujourd'hui, elle ne le fait pas de façon uniforme chez François Fillon et chez Bruno Le Maire. L'électorat de Bruno Le Maire est loin d'être anti-sarkozyste et l'écart n'est pas aussi marqué. Cela étant, cela laisse une marge de manœuvre considérable à Nicolas Sarkozy, dont on sait que lors du deuxième tour de la présidentielle de 2012, il avait été capable de décrocher 10% de l'électorat FN, qui disait s'abstenir au lendemain du premier tour. 21% des électeurs de Le Maire pensent voter blanc (ou s'abstenir) et ils sont un tiers chez François Fillon. Cela peut bouger.

Sans compter que d'autres éléments restent encore inconnus. Il n'est pas encore possible de dire qui sera véritablement sur la ligne de départ, par exemple. Si Jean-François Copé participe, si c'est le cas de Jean-Frédéric Poisson, ou d'autres, cela constituera un certain réservoir de voix pour le second tour. Il peut se passer beaucoup de choses, dans la tête des protagonistes comme dans le déroulé dans la campagne. La situation est désormais beaucoup plus partagée qu'avant l'été.

Jean Petaux : Nicolas Sarkozy était déjà pointé par les différents instituts de sondage comme qualifiable pour le second tour de la primaire de la droite et du centre bien avant qu’il ait officialisé sa candidature. De ce point de vue, les dernières estimations n’apportent rien de nouveau. Elles confirment en effet une forte probabilité pour qu’il soit l’un des deux candidats finalistes que devront départager les électeurs de la primaire le 27 novembre prochain. Une des inconnues est celle évidemment de sa position au sein du duel, au soir du 20 novembre (premier ou second ?) et l’ampleur de l’écart qui le séparera de son rival et néanmoins compagnon de parti. Tout candidat à une élection, "générale" ou "primaire", sait, d’expérience, que chaque tour se gagne à son tour. Pour avoir perdu de vue cette maxime aussi vieille que l’invention de l’élection à deux tours, Lionel Jospin l’a payé au prix fort et cash le 21 avril 2002. Il ne sert à rien de se projeter dans un second tour tant que l’on n’a pas vécu ou passé le premier. Evidemment que l’enjeu principal pour Nicolas Sarkozy est de l’emporter au second tour et que le premier n’est qu’une étape. Virer en tête du premier tour peut se révéler une pure satisfaction d’égo si le TSS (Tout Sauf Sarkozy) fonctionne à fond et si tous les candidats qualifiés pour candidater à la primaire présentent un front uni contre Sarkozy. Auquel cas l’ancien président de la République n’aura pratiquement pas de réserve et se retrouvera face à l’électorat cumulé et conjugué de tous ses adversaires du premier tour.

Tout dépendra alors de l’écart qui va l’opposer à son concurrent. Si Sarkozy gagne le premier tour avec une très nette avance sur son rival (on n’en prend pas le chemin…) alors les candidats arrivés en troisième, quatrième, cinquième ou sixième position risquent d’y regarder à deux fois avant d’apporter, tous, leur soutien au candidat opposé à Sarkozy au second tour. Certains de ces "battus" privilégieront leur ralliement au "bulldozer" Sarkozy, même pour un "plat de lentilles". On aura alors une configuration comparable à celle à laquelle Martine Aubry a été confrontée à l’automne 2011 : tous ses concurrents ont fait allégeance à François Hollande contre elle. Arnaud Montebourg, jamais à court d’une fable, est allé raconter cinq ans plus tard qu’il a apporté son soutien et ses voix de troisième à François Hollande, non pas parce qu’il croyait en lui mais pour ne pas "casser le parti". Pure invention. La vraie et unique raison de ce ralliement était qu’il a "acheté" ainsi son poste de ministre du Redressement productif au grand dam de celui qui auprès de Hollande a travaillé sur ses questions économiques et industrielles pendant toutes les campagnes (primaire et présidentielle) électorales, l’Aquitain Alain Rousset, l’un des deux présidents de Région alors (avec Jean-Yves Le Drian) à avoir soutenu Hollande pendant la primaire de 2011.

Mais si Nicolas Sarkozy, à l’inverse, n’écrase pas (symboliquement s’entend…) son concurrent au soir du premier tour soit parce qu’il le devance de très peu soit qu’il arrive deuxième, alors là la situation va devenir franchement scabreuse pour lui. Nombre d’électeurs de Bruno Le Maire qui envisagent de voter au premier tour de la primaire pour ce "jeune" candidat symbole et synonyme de renouveau, sachant que sa présence au second tour serait une vraie surprise et connaissant (quand même) le caractère très "stratège" (pour ne pas dire franchement "opportuniste") du personnage, imaginent déjà que l’ancien ministre de l’Agriculture pourrait appeler à voter Sarkozy officiellement par souci de privilégier la dynamique de la victoire (officieusement contre un petit "plaçou matignonesque", pour parler comme Chirac-le-Corrézien), dûment négocié entre les deux tours avec l’ancien président de la République qui sera disposé à tous les accords pour l’emporter. Ces mêmes électeurs, très anti-sarkozystes, disent clairement que même un appel à voter de leur champion du premier tour ne les fera pas voter pour Nicolas Sarkozy tellement est fort le degré de détestation qu’il inspire. Autrement dit, même avec certains ralliements, l’ex-président de la République risque de se retrouver en manque de voix au second tour de la primaire. Raison pour laquelle plus il aura d’avance accumulée au premier tour plus celle-ci lui servira d’amortisseur au "TSS" qu’il se prendra forcément de plein fouet au second.

Compte-tenu de la guerre des soutiens qui se mène entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, autour de quels sujets l'ancien chef de l'État pourrait-il créer une dynamique suffisante pour remporter la primaire et briguer la présidence de la République ? Sur quels atouts devrait-il se concentrer ?

Jérôme Fourquet : Dans la création de cette dynamique, il y a évidemment eu plusieurs étapes. Elle a démarré au printemps, pendant les conflits associés à la loi Travail. L'essentiel de ce mouvement s'est construit au moment des attentats. Le lundi 29 août, nos confrères de TNS Sofres publiaient une autre photographie très intéressante, réalisée à la veille de l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy. Cette mesure questionnait les différents évènements survenus durant l'été et leur impact électoral. La conclusion qu'ils ont tirée était claire : un net resserrement du rapport de force entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé et une poussée sarkozyste dans l'électorat LR. Avec l'enquête Ifop-fiducial pour i>Télé, Paris Match et Sud Radio, nous continuons le film : ce rapport de force s'est encore davantage resserré. La mesure de l'Ifop a été réalisée après l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy, la sortie de son livre, ainsi que la confrontation avec les autres candidats. Ce que nous mesurons est plus favorable encore à Nicolas Sarkozy que ce que mesurait TNS Sofres. On assiste donc à une poursuite de la dynamique avec le lancement de la campagne de Nicolas Sarkozy et l'intensification du débat. Cela étant, nous n'avons pas d'éléments particuliers pour nous prononcer sur la capacité de cette dynamique à perdurer.

Ce que l'on constate, indéniablement, c'est que cette séquence a été très profitable à Nicolas Sarkozy. Elle a servi à la fois les thèmes mis en avant par l'ancien président de la République ; ainsi que sa façon de réagir. Cependant, la question de savoir si cela peut tenir dans la durée, en espérant qu'il n'y ait pas de nouvel attentat d'ici-là, est réelle. C'est pourquoi il est important pour Nicolas Sarkozy d'aborder d'autres thématiques, comme lorsqu'il s'est interrogé sur la place de l'islam en surfant (sans mauvais jeu de mot) sur le burkini. Il continuera de marteler là-dessus, cela lui est profitable. Cependant, est-ce qu'il peut ne faire que cela, quand bien même le climat n'est plus aussi porteur ? Ou alors a-t-il intérêt à développer également d'autres thématiques, également importantes aux yeux des électeurs de droite comme cela peut-être le cas de la fiscalité, des questions économiques ? 

Derrière tout cela, on constate une autre conséquence de la séquence estivale : l'installation d'une configuration de duel entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, ainsi qu'un passage en-dessous des écrans-radars pour les autres candidats. Alors oui, Nicolas Sarkozy a tout intérêt à taper fort sur les questions de sécurité, de terrorisme, d'identité, etc., mais ça n'est pas nécessairement là-dessus que se fait véritablement l'opposition. En vérité, on constate de manière plus globale que c'est davantage une opposition de style, de forme et de posture qui se construit entre Sarkozy et Juppé. Peu importent les sujets. Le second incarne la raison, la modération, le dialogue ; le premier incarne le mouvement, le dynamisme et l'autorité. C'est sur ce curseur que cela se joue désormais. Le système médiatique renforce d'ailleurs cette dimension. Si les électeurs estiment qu'ils font face à la tempête et qu'il y a danger, c'est vers le chef de guerre qu'ils se tourneront, vers Nicolas Sarkozy. Si, à l'inverse, ils estiment que la situation n'est pas si dramatique, qu'on peut se permettre d'autres moyens et passer par la discussion ou le rassemblement, ils se tourneront vers Alain Juppé. Reste à voir si les dernières sorties de François Fillon parviendront à déjouer cette installation.

Jean Petaux : Sur ceux qu’il a déjà mis en avant et qui sonnent parfaitement aux oreilles des électeurs de droite susceptibles de voter pour lui dès le premier tour de la primaire. Sarkozy est un vrai professionnel de la politique. Chacun peut nourrir à son endroit ressentiment, détestation voire haine, refus et rejet, mais il n’empêche que l’ancien président de la République dispose d’une qualité que les ignares en politique et les incultes lui refuseront parce qu’eux-mêmes ne comprennent rien à la chose politique : Nicolas Sarkozy est un véritable instinctif de la politique, il "sent" les situations et les contextes et connaît parfaitement les ressorts de cet art difficile qu’il pratique depuis l’âge de 18 ans… Donc Nicolas Sarkozy va jouer à fond la carte sécuritaire, il va durcir encore son discours vis-à-vis de l’immigration, des musulmans, de tout ce qui de près ou de loin peut commettre un "attentat" (entre les cocus, les dingues, les vrais djihadistes, les faux fondamentalistes, les intégristes en tous genres et les désintégrateurs de circonstance, on conviendra que cela fait du monde…). Il va multiplier les discours "à l’emporte-pièce" avec des solutions toutes faites, des coups de menton bravaches, des roulements d’épaule de faux-dur et des sourires carnassiers. Mais en même temps, il a parfaitement saisi que l’électorat a besoin de protections (y compris économiques). En conséquence de quoi, comme son livre Tout pour la France le montre déjà, il ne se lancera pas dans une cure libérale qui ferait peur aux plus faibles et au petit peuple de droite sensible aux sirènes du national-populisme de Marine Le Pen.

Est-ce que tout ce cinéma va, une fois encore, fonctionner auprès de l’électorat de droite ? Oui, s’il parvient à accréditer l’idée qu’il est le dernier rempart contre Marine Le Pen pour cet électorat de la droite républicaine qui est tenté par l’expérience frontiste mais qui, une dernière fois peut-être, est disposé encore à "essayer Sarko". Oui, s’il parvient à faire croire aux électeurs de droite à la primaire que Juppé est un "mou-ringard", sans ambition pour la France. Oui, enfin et surtout, s’il n’est pas rattrapé par la patrouille (comprendre par les juges) d’ici le 7 mai 2017 ou, plus exactement, s’il parvient à faire croire à ses électeurs potentiels qu’il ne le sera pas…

Nicolas Sarkozy concentre les attaques de la part des autres candidats dans cette campagne. La thématique du "Tout sauf Sarko" a-t-elle vraiment des chances d'opérer chez les électeurs ? Qu'en est-il, éventuellement, des affaires judiciaires le concernant ? In fine, quels sont les plus gros dangers pour l'ancien président ?

Jérôme Fourquet : Il y a indéniablement de gros obstacles qui se dressent devant Nicolas Sarkozy. Il a certes réalisé une belle remontée, mais il reste devancé par Alain Juppé sur le plan électoral. Il ne faut pas non plus oublier les nouvelles informations sur le front judiciaire : si elles sont déjà intégrées dans les cours, du fait de l'ancienneté des affaires concernées, elles sont susceptibles de parasiter la campagne, potentiellement. Enfin, troisième dimension à danger pour l'ancien président, les reports. Comme précédemment expliqué, ils sont, jusqu'à présent, très nettement favorables à Alain Juppé.

Par conséquent, Nicolas Sarkozy est toujours talonné de près et doit, en plus de cela, faire face à une série de faiblesses qui tiennent à son parcours, son bilan ou sa personnalité. La critique de son quinquennat est très récurrente et si elle s'applique à de nombreuses personnalités de droite, elle le concerne tout particulièrement en cela qu'il occupait les plus hautes fonctions de l'Etat. N'oublions pas non plus qu'à droite, toute une frange de l'électorat n'est pas insensible à ses déboires judiciaires, où les inimitiés qui peuvent exister entre lui et d'autres candidats de la primaire. Ces dernières favorisent évidemment Alain Juppé. Ce sont là ses limites.

Enfin, le combat qu'il entend mener, le système médiatique et le fonctionnement des primaires le pousseront naturellement à "faire du Sarkozy" plus encore que d'habitude. Cela plaît tout spécialement à sa base la plus fervente, mais toute chose à son revers : cela nourrit et alimente l'anti-sarkozysme de droite, qui estime qu'il est en train de reproduire le même schéma qu'en 2007 et qu'il ne mènera pas à bien ce qu'il entend faire.

Jean Petaux :Personne ne peut raisonnablement dire qu’il sait ce qu’il va advenir des affaires qui planent au-dessus de la tête de Sarkozy comme autant de drones armés susceptibles de le pulvériser. Tout simplement parce que personne ne connaît exactement le calendrier judiciaire ; que personne ne sait ce que les juges vont faire des préconisations du parquet et que, dans l’hypothèse où l’ancien président serait renvoyé devant un tribunal, personne ne sait non plus à quelle date l’affaire sera "audiencée" comme on dit. La seule chose connue concerne la règle de droit en vigueur. S’il est élu président de la République le 7 mai 2017, s’il prend ses fonctions le 19 mai, à compter de cette date Nicolas Sarkozy sera "intouchable" pendant tout son nouveau mandat. Tout le reste est pure conjecture même si l’on n’imagine guère qu’en cas de qualification pour le second tour de la présidentielle, au soir du 23 avril 2017, Sarkozy soit renvoyé devant le tribunal entre les deux tours : le matin sur le banc des prévenus au Palais de Justice de Paris, le soir opposé à son adversaire lors du traditionnel débat télévisé d’entre les deux tours. À défaut d’améliorer l’image de la France, cela aurait au moins le mérite d’être unique au monde… Mais nous n’en sommes pas là. Nicolas Sarkozy n’a pas encore gagné la primaire et actuellement encore, comme depuis plus de 12 mois, il l’a même perdue contre Alain Juppé. Nicolas Sarkozy n’est pas encore renvoyé devant un tribunal car les juges d’instruction n’ont pas statué et ne le feront pas avant plusieurs semaines. Et quand bien même serait-il renvoyé que jusqu’à preuve du contraire il serait présumé innocent jusqu’à ce que la décision de justice tombe… Tout cela avec une date de procès ni arrêtée ni envisageable.

On conviendra que cela fait beaucoup d’inconnues pour une équation également complexe que l’on peut formuler ainsi : "sachant que la somme des adversaires de Nicolas Sarkozy, dans son propre camp, est supérieure à celle de ses soutiens mais qu’elle sera toujours inférieure à l’addition des marques de détestation que celui-ci voue à ses concurrents, en intégrant toutes les incertitudes judiciaires et autres qui impactent son cursus politique, l’ancien président de la République a-t-il une chance de retrouver son bureau élyséen le 20 mai 2017 ?". Réponse : oui. Surtout parce qu’en politique, même l’inimaginable peut devenir réalité. C’est exactement ce que se dit, de son côté, François Hollande. C’est aussi ce que pensent, au fond d’eux-mêmes et dans leurs coins, les Juppé, Bayrou, Macron et quelques autres…

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