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Sarkozy, Juppé, Fillon : qui a le plus à craindre du retour de Jean-François Copé ?
©Reuters

Qui sursaute du sursaut ?

Si l'ancien dirigeant de l'UMP a déserté les médias depuis un an et demi, il n'en demeure pas moins une personnalité importante dans l'opinion. Reste à savoir s'il ne sera pas paralysé par l'affaire Bygmalion.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Après 18 mois d'abstinence médiatique, Jean-François Copé signe son retour en politique avec la publication de son livre "Le sursaut français". Quels électorats peuvent-ils être séduits par le discours de Jean-François Copé ?

Jérôme Fourquet : Jean-François Copé est un nouvel entrant dans la course aux primaires et donc fatalement et mécaniquement sa candidature, qui s’ajoute à celles déjà existantes, représente la possibilité de prendre des voix à ses concurrents. Il représente un compétiteur de plus au sein des Républicains qui risque d’aller prendre des voix à peu près à tout le monde à droite et donc de gêner en effet les autres candidats. Jean-François Copé pourrait ainsi remplacer Xavier Bertrand qui a jeté l’éponge. Et, si Jean-François Copé se présente, il aura pour ambition d’être un candidat rassembleur - n’oublions pas qu’il bénéficie d’un poids politique non négligeable- et non un candidat qui représente une sensibilité minoritaire. 

Si on se réfère à ses prises de positions avant sa cure d’abstinence médiatique, Jean-François Copé était sur la ligne de la droite décomplexée, celle de Nicolas Sarkozy et celle de Bruno Lemaire. 18 mois plus tard, a-t-il changé de ligne ? Dans son livre, il souhaite montrer qu’il veut surprendre. Il ne sera pas dans le duo de tête mais sa candidature est  loin d’être anecdotique et risque de peser surtout en fonction de ses futures prises de positions. Il peut aller mordre sur les voix de Fillon avec ses convictions libérale en matière d’économie ou celles de Alain Juppé grâce à sa prestance médiatique. 

Quels électeurs peuvent-ils séduits par le discours copéiste ?  Ses futurs électeurs seront-ils les mêmes que lorsqu’il était à la tête de l’UMP ?

Jérôme Fourquet : Comme la nature a horreur du vide, on peut penser qu’il y a eu des pertes pendant ces 18 mois d’absence. Un certain nombre de ses militants qui l’appréciaient se sont peut-être aujourd’hui détournés. Mais la campagne pour prendre la tête de l’UMP et la campagne pour les primaires ne sont pas de même natures, le contexte électoral n’est pas le même non plus. Il faut rappeler qu’il s’agit d’une primaire ouverte et ce ne sont donc pas les adhérents qui votent comme ce fut le cas lorsqu’il a été élu comme président de l’UMP, mais un public plus large. Il faut aussi se souvenir qu’à l’époque de l’élection pour prendre la tête de l’UMP, Copé a bénéficié du soutien des lieutenants de Sarkozy pour faire barrage à François Fillon et remporter la majorité. Du coup, son espace politique reste encore à être identifié surtout pour pouvoir affronter maintenant les poids lourds des primaires. On attend donc les premières enquêtes d’opinion pour voir quels thèmes politiques vont le plus peser auprès des sympathisants et des électeurs de droite. Mais parmi les grands électeurs et les barons locaux à droite, Jean-François Copé a conservé, malgré son absence et sa période difficile, tout un réseau de fidèles qu’il a pris soin d’entretenir. Ces soutiens politiques n’ont pas fait défection y compris pendant son absence. Il a donc à sa disposition tout un archipel d’élus prêts à le parrainer pour sa candidature à la primaire et à s’engager à ses côtés pour sa campagne en ramenant des militants.

Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon... Pour chacune de ces personnalités, laquelle selon vous est la plus menacée par le retour de l'ancien président de l'UMP ?

Jean Petaux : Aucune. Sauf à imaginer que Jean-François Copé disposerait "d’armes fatales" (à défaut d’être "létales") sous forme de "dossiers" susceptibles de mettre en cause telle ou telle personnalité de son propre camp. Mais ce serait là jouer un jeu extrêmement dangereux qui se retournerait très rapidement contre tous les représentants du parti tout entier. Jean-François Copé est quand même durablement "plombé" par l’affaire Bygmalion. Il le reconnait lui-même dans les entretiens de promotion de son livre  actuellement en disant en substance : "Je veux parler des idées aux Français et vérifier si ce que je leur propose leur plait". Autrement dit : "Je veux tourner la page de "l’affaire" et faire en sorte de continuer ma marche vers l’Elysée". Sauf qu’il s’agit-là d’un discours performatif et que personne ne ressent véritablement une "soif de Copé" ou un "manque de Copé" qui se traduirait par un phénomène de masse ou de foule, hurlant et criant, morte d’impatience : "Jean-François revient ! On t’aime".

Jean-François Copé a beaucoup de talents. Il en a surtout un qui est essentiel en politique : il croit en sa bonne étoile et croit en lui. Est-ce suffisant pour autant et surtout gêner ses "amis" concurrents ? Je ne le pense pas.

Jean-François Copé tient une position libérale sur le plan économique, tout comme François Fillon qui en a fait son argument central. Dans son dernier ouvrage, dont les bonnes feuilles sont parues dans Valeurs Actuelles, il évoque la nécessité d'un "concordat" avec l'islam, là où Alain Juppé appelle à un "partenariat". Sur quels sujets pourrait-il rendre d'autres personnalités de droite moins "audibles" ?

Jean Petaux : Le courant "libéral" est depuis longtemps une force majeure de la droite française. Incarné par un "Madelin" ou un "Longuet" ou encore un "Goasguen" ce courant est plus proche de la ligne de l’ancienne UDF néo-thatchérienne que d’une autre forme de libéralisme modéré à la française. Sauf que les propositions de Jean-François Copé n’ont pas grand-chose d’original désormais. La plupart des cadres dirigeants  de  "Les Républicains" sont acquis aux propositions économiques de l’UDF, ancêtre de "LR" et donc ne trouveront rien de bien novateur dans la copie de Jean-François Copé. La question que doit se poser finalement Copé et toutes celles et ceux qui le soutiennent est celle-ci : "En quoi suis-je nouveau ? En quoi suis-je différent ?". A entendre et à lire le député-maire de Meaux, on a le sentiment qu’une part de lui-même est resté "là-bas", de l’autre côté du miroir présidentiel, du côté "noir de la force". Mais finalement les électeurs et les sympathisants "LR" qui vont faire la démarche volontaire de voter aux deux tours des primaires qu’auraient-ils à gagner à voter pour un Copé au premier tour de la primaire ? Pas grand-chose. N’incarnant pas encore un leader crédible, il n’est pas audible par l’électorat de la droite républicaine. Et tant qu’il en sera ainsi il pourra véritablement sur-saturer les réseaux sociaux, cette présence "médiatique"  pourra être forte comme c’est le cas cette semaine, cela ne suffira pas. Tout simplement parce que désormais Copé porte sur lui la marque de la suspicion. Tout comme, toutes choses égales par ailleurs, DSK restera pour toujours associé à un parfum de scandale de mœurs et tout comme Nadine Morano ne peut désormais se défaire d’une "spontanéité" confinant plus souvent que d’ordinaire à une forme de simplicité d’esprit… En politique les images durent plus souvent que les êtres eux-mêmes. Copé en est un bon exemple. Tous ces a priori le "rongent" au plus profond de lui-même. Alors il fait semblant de faire un "come-back" réussi quand il lui aurait fallu se taire encore… Décidément faut-il que le démon de la politique  soit fort  ou que les humiliations subies aient été rudes pour que des Edmond Dantès-Copé ne rêvent que d’une chose, dans leur trajectoire politique : revenir et se venger.

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