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Santé, éducation, transports publics... Le capitalisme moderne menacé par le déficit d’équipements collectifs...
©MARTIN BUREAU / AFP

Atlantico Business

Partout dans le monde, des USA à la Chine, en passant par l’Europe, tous les grands acteurs de l’économie de marché révèlent un besoin d’équipements collectifs que le système financier international est incapable de financer...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est le mal du siècle. Le monde entier découvre depuis dix ans, un besoin grandissant d’équipement collectifs. Tout se passe comme si l’économie de marché, boostée par la mondialisation avait laissé de côté la nécessité de développer des équipements collectifs. Tout se passe comme si les mécanismes du capitalisme n’avaient pas trouvé les moyens de les financer.

Dans les grandes et vieilles démocraties politiques, la montée des populismes est évidemment un résultat de la mutation mal acceptée lié à la globalisation des économies qui a engendré des poches de chômages insupportables, mais aussi par la dégradation des équipements collectifs.

Aux Etats-Unis, 1ère puissance économique du monde, les résultats économiques sont bons, la bourse est au zénith et le chômage est au plus bas. Il n’empêche que Donald Trump va se retrouver face à une demande populaire et sociale que le marché peut difficilement satisfaire, les inégalités de revenus et de fortune n’ont jamais été aussi fortes, d’autant plus douloureuses que l’offre de biens publics et sociaux est faible. Le système de santé sélectionne ses patients, le système éducatif aussi. Quant aux équipements collectifs (routes, autoroutes, voies de chemin de fer), ils sont dans un piteux état.

En Grande Bretagne, les Anglais qui ont voté pour le Brexit ont aussi voté pour une amélioration des services publics (santé, éducation, transports collectif, etc ). Boris Johnson a fait des montagnes de promesses qu’il aura du mal à financer.

Mais en Europe, on sait très bien que l’Allemagne a beaucoup négligé l’entretien de son réseau routier et ferré. Elle va devoir réviser toute sa stratégie de production électrique qui est l'une des plus polluantes du monde. Les écologistes ont exigé l’arrêt des centrales nucléaires mais ils ne peuvent pas accepter encore longtemps d’être les plus gros émetteurs de gaz toxique à cause de leur charbon.

L’Italie, l’Espagne, le Portugal doivent revoir toutes leurs infrastructures. La France n’a pas de leçon à donner. Elle a abandonné la moitié de l’Hexagone, donc la moitié des Français qui n’ont pas les moyens d’habiter dans les grandes métropoles. D’où les Gilets jaunes qui se sont reconnus sur les ronds-points.

L’état du réseau ferré secondaire est lamentable, les équipements culturels sont fragiles et insuffisant, l’Education nationale ne remplit pas ses objectifs, le système de santé est sur- saturé.

La Chine, qui n’est pas un pays très démocratique, commence à grogner dans ses campagnes contre l’urbanisme, la pollution, le manque de transports. La crise du coronavirus a permis de découvrir que la Chine, 2e puissance économique du monde, n’avait pratiquement pas de système de santé, pas d’hôpitaux, pas de médecins. Pékin nous dit qu’il est capable de construire un hôpital en quinze jours, très bien. Mais ça n’est pas un hôpital qu'il faudrait construire, mais des milliers d’hôpitaux parce que dès qu’on s’éloigne du centre de Pékin ou de Shanghai, il n’existe même pas un dispensaire capable d’administrer un simple vaccin contre une banale grippe. Alors s’il s’agit de lutter contre une épidémie causée par un virus nouveau, la seule solution est de confiner la population. Cette catastrophe a révélé deux choses, la place de la Chine dans la chaîne de valeur des produits de consommation ou d’équipements individuels, et son déficit en équipements collectifs de santé mais aussi d’éducation et de transport. La Chine est sans doute très riche, mais la majorité des Chinois sont extrêmement pauvres et mal traités.

Cette situation qui touche tous les pays de la planète offre un terrain propre au désordre social et politique, qu’on soit dans une vieille démocratie ou pas. Donald Trump a besoin que Wall Street soit en forme, mais il doit aussi promettre à son noyau d’électeurs de leur permettre des conditions de vie meilleure. Tout comme Boris Johnson. Emmanuel Macron et Angela Merkel sont dans des positions identiques.

Même Xi Jinping, qui a pourtant mis en place un des régimes les plus centralisés et les plus autoritaires du monde, sera obligé de tenir compte de son opinion publique.

Il faut reprendre Machiavel : tout gouvernant doit tenir compte de l‘état d’esprit et le ressenti de ses gouvernés, sinon le peuple se révolte.

Le problème, c’est que les mécanismes d’économie de marché n’ont pas les mécanismes financiers pour faire face à ces demandes de biens collectifs.

Ces biens d’équipements collectifs nécessitent des investissements à long terme. Une voie de chemin de fer, une centrale électrique,un système de santé ou d’éducation, des systèmes pour lutter contre le réchauffement climatique etc… ont une durée de vie de plusieurs générations. Un siècle et plus.

Or, les moyens de financements dégagés par les organisations de marché sont très souvent des financements à court terme et même à très court terme. L’argent recyclé et investi dans l’économie moderne est en général l’argent épargné par les actifs. L‘horizon est donc très court.

D’autant que la crise de 2008 a mis en évidence la nécessité de répondre à des problèmes d’équilibre très urgent.

Toutes les politiques accommodantes mises en place par les banques centrales ont eu pour objectif d’apporter des liquidités pour éviter les ruptures de trésorerie. Les banques centrales ont permis d’éviter une asphyxie totale de l’économie mondiale. Sauf qu‘en pratiquant des taux d’intérêt à zéro ou presque, on n’a dissuadé les investisseurs de s’engager sur le long terme. Le taux d’intérêt rémunère « le temps qui passe ». Avec des taux zéro, la contrainte du système est de trouver un équilibre très rapidement.

Le financement de grands projets d’équipement, qui sont pourtant nécessaires et que les pays occidentaux ont pratiquement abandonnés depuis les années 2000 est très difficile à mettre en œuvre. Le financement de projet à très long terme nécessite une impulsion politique très forte et pour les politiques, cela revient à arbitrer une dépense budgétaire contre une dépense d’investissement.

Pour des élus, cela revient à diminuer ses dépenses de fonctionnement (moins de fonctionnaires , moins d’aides sociales) pour accroître ses dépenses sur les projets à très long terme. Autant dire que pour des politiques élus pour 5 ans en moyenne, c’est du suicide électoral.

Les banques centrales sont évidemment au cœur du système. Elles ont l’outil pour fabriquer de la monnaie. Mais le marché qui gère ces liquidités n’a aucun intérêt à les gérer sur le long terme.

Cette interrogation est au centre du discours de Christine Lagarde, depuis qu’elle est présidente de la BCE. Son ambition est de trouver l’équation qui permettrait à la banque centrale de faire évoluer ses objectifs. La Banque centrale européenne a pour objectif d’assurer l’équilibre et la sécurité du système bancarisé et financier,pour que le système économique fonctionne. Depuis la crise, il faut reconnaître que les banques centrales (y compris la BCE) ont fait le job.

Sauf qu’en assurant l’équilibre de financement du système, les banques centrales ont exonéré les gouvernements démocratiques de faire leur job qui est aussi de préparer l’évolution du système à long terme. Et pour ce faire, les gouvernements auraient dû ouvrir des grands travaux de réforme avec des projets à long terme. Ils ne l’ont pas fait. D‘où le blocage actuel et le désaccord entre les opinions populaires et les gouvernances, entre les élites et le peuple. Et le problème n’est pas franco-français.

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