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Salon du vin de Hong Kong : quels sont les vins qui plaisent au goût chinois ?
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Dégustations

La 6ème édition du salon international des Vins & Spiritueux de Hong Kong se tiendra du 7 au 9 novembre 2013.

Fabrizio Bucella

Fabrizio Bucella chronique la science et le vin. Docteur en physique et professeur des universités à l'université libre de Bruxelles, il tient une chronique pour Le Point "Le prof en liberté". Chaque semaine, on le retrouve dans le poste de radio et télévision belge de service public (RTBF). Sur les réseaux sociaux, il publie quotidiennement une vidéo ludique sur le vin et la science. Ses comptes sont suivis par plus de 150 000 abonnés.

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Atlantico : Quels sont les ressorts de l'engouement des Chinois pour le vin français ? (quelle proportion de la consommation française en consomment-ils ? quels cépages, quels crus en particuliers ? qu'est-ce qui leur plaît dans les vins français ? que viennent-ils chercher ?)

Fabrizio Bucella : Depuis le début de l’année, ce n’est pas moins d’une dizaine de propriétés bordelaises qui sont passées sous pavillon chinois. Il est donc important de faire le point sur la consommation et la production de vin dans ce pays. Nous avions déjà mentionné, dans un billet précédant, le fait que la Chine est actuellement le sixième producteur mondial de vin et le cinquième pays consommateur.

Au niveau des habitudes de consommation, il est difficile d’obtenir des renseignements précis. Les collectionneurs fortunés se concentrent fortement sur les vins français. Après l’explosion des prix des ventes en primeur des Bordeaux lors des campagnes de 2005, 2009 et 2010, notamment soutenue par la demande asiatique, il semble que le marché chinois se concentre depuis quelques années également sur les vins de Bourgogne. Un élément marquant a été le rachat fin août 2012 par Louis Ng Chi Sing, proche collaborateur du magnat Stanley Ho à Macao, capitale mondiale des jeux d'argent, du château de Gevrey-Chambertin ainsi que de son vignoble de deux hectares pour une somme de 8 millions d’euros. Ceci alors que les vignerons locaux s’étaient coalisés afin d’acquérir le bien. Malheureusement, ils n’avaient pu récolter que 5 millions.

Les Chinois ont-ils un goût particulier en matière de vin ? Est-il différent de celui des occidentaux ?

Nous savons que certains chercheurs prétendent avoir isolé un cinquième goût « fondamental » qui serait du même niveau que les quatre autres qui nous sont familiers : sucré, salé, amer et acide. Il s’agit de l’umami relié au glutamate et typique de la cuisine asiatique. Aujourd’hui, il n’est cependant aucunement prouvé que cette saveur conditionne de manière particulière le goût des Asiatiques en matière de vin.

Il est clair que les cépages français sont partis à la conquête du monde. Ceux-ci sont d’ailleurs appelés « cépages internationaux ». On pense particulièrement au merlot, cabernets sauvignon et franc en raisin rouge et au chardonnay, voire au sauvignon, en raisin blanc. Nous avions déjà expliqué ce phénomène dans un précédant billet.

Il existe ainsi en matière de vin, quatre typologies principales et qui sont reliées aux deux vignobles français les plus prestigieux, si l’on exclut celui de la Champagne. En rouge il y a d’abord le fameux « mélange bordelais », soit un mélange de merlot et de cabernet, le premier cépage prenant le pas sur le deuxième ; ensuite vient le pinot noir typique de la Bourgogne. En blanc, nous trouvons bien entendu le chardonnay bourguignon suivi du mélange de sauvignon et sémillon typique du sauternais. Sans-doute que le classement de 1855 à Bordeaux et la délimitation du parcellaire depuis le Moyen-Âge en Bourgogne ne sont pas étrangers à cette suprématie. Toujours est-il que ce sont ces vins français qui façonnent le goût international.

Les contacts les plus récents que j’ai eu avec des œnologues et des architectes français qui partent en Chine élaborer du vin vont tous dans la même direction : les investisseurs chinois souhaitent réaliser des vins locaux qui ressortissent à l’une de ces quatre typologies.

 Les nouveaux propriétaires chinois de domaines viticole peuvent-il adapter la production viticole française aux goûts chinois ? Cela peut-il faire peser un risque sur le savoir-faire français ?

Le goût et les habitudes de consommation se modifient constamment. Michel Rolland lui-même, qui vient de vendre trois châteaux à des investisseurs chinois, avait été accusé par Jonathan Nossiter dans son célèbre documentaire d’enquête Mondovino de façonner le goût du consommateur avec des vins sur-extraits, à base de merlot principalement, au taux d’alcool élevé et au boisé prononcé. On voit donc aisément que si des acteurs importants du milieu du vin contribuent à façonner d’une manière ou d’une autre le goût des consommateurs, ce n’est pas la nature de leur passeport qui est pertinente.

Peut-il également exister un risque de « transfert de compétence » ? En d’autres termes, les chinois peuvent-ils copier le vin made in France ?

Il s’agit d’une évolution inéluctable. En 2005 déjà, un documentaire de la fabuleuse émission de Strip-Tease de France 3, « A la poursuite de Madame Li », évoquait en filigrane cette possibilité. Le temps viendra où les vins chinois réalisés avec des standards qualitatifs élevés atteindront le niveau de leurs homologues français. Pour des raisons climatiques, notamment la mauvaise adaptabilité du pinot noir hors de sa Bourgogne chérie et le climat particulier nécessaire au développement de la pourriture noble caractéristique du Sauternais, des quatre typologies de vin évoquées plus haut, celles qui vont plus rapidement se développer sont le « mélange bordelais » et le chardonnay. C’est exactement ce qui s’est passé dans la Napa Vallée aux Etats-Unis, sous l’impulsion de Mike Grgich notamment. Rappelons-nous qu’il y a à peu près quarante ans, en 1976, les vins californiens étaient venus battre les meilleurs bordeaux et bourgognes lors d’une dégustation à l’aveugle, le fameux « Jugement de Paris ».

Le point positif concernant le vignoble français est la suprématie morale et d’image qu’il détient sur le reste du monde. Le fameux primat de l’histoire. Les Américains et les Chinois auront beau réaliser les vins les plus fins, le consommateur voudra toujours goûter aux noms mythiques du vignoble hexagonal. Le stade du nid d’oiseau de Pékin est sans-doute magnifique, mais c’est le Colysée que l’on vient admirer de partout dans le monde. L’autre élément qui nous permet d’aborder l’avenir avec sérénité est la quasi-impossibilité de délocaliser les emplois de ce secteur. Les appellations d’origine sont en cela une construction très intelligente et qui permettra encore longtemps au vignoble français de participer bien plus que de raison à l’effort de développement l’économie nationale.

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