RN : vers une Marine Le Pen sous double « tutelle » pour sa 3ème présidentielle ? <!-- --> | Atlantico.fr
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La présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen, et le maire RN de Hénin-Beaumont, Steeve Briois, quittent un bureau de vote à Hénin-Beaumont, le 20 juin 2021.
La présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen, et le maire RN de Hénin-Beaumont, Steeve Briois, quittent un bureau de vote à Hénin-Beaumont, le 20 juin 2021.
©DENIS CHARLET / AFP

Rassemblement National

A l'approche de l'élection présidentielle, Marine Le Pen pourrait être confrontée à une double "tutelle". La première en interne avec Louis Aliot qui aurait l'intention de présider le Rassemblement National lors de la campagne présidentielle. Et la seconde concerne la pression d'Eric Zemmour en externe.

Arnaud Stephan

Arnaud Stephan

Arnaud Stephan est fondateur de lanotedecom.com et chroniqueur sur LCI.

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Atlantico : Louis Aliot, affirme avoir « la légitimité et l’expérience » pour présider le RN pendant la campagne présidentielle de Marine Le Pen, les statuts semblent plutôt désigner Jordan Bardella comme successeur temporaire de la candidate. Est-ce une manière pour le maire de Perpignan de peser plus au sein du RN et de faire entendre sa ligne politique, plus marquée à droite que par le dépassement des clivages que peut incarner le mouvement depuis quelques années ?

Arnaud Stephan : Je ne sais pas si on peut dire ça de Louis Aliot car il est difficile de savoir ce qu’il pense. Il n’a à aucun moment été soutenu par un courant ou une ferveur populaire. Lors du dernier test grandeur nature, au congrès, c’est Marion Maréchal qui est arrivée en tête. Je ne pense pas que Louis Aliot aitt une véritable capacité de peser sur l’appareil du parti. Ce qui est vrai est qu’il s’est adossé depuis longtemps à un courant « national catholique » mais de manière très diffuse, tout en montrant une loyauté totale à Marine Le Pen. Je ne connais pas d’Aliotistes au RN. Je pense que sa candidature porte un message interne et externe. En interne, il signale qu’il est difficile d’organiser des élections quand il y a un seul candidat. C’est dans l’ordre des choses qu’il y ait au moins deux candidats. Vu le soutien de Marine Le Pen et de l’appareil, Jordan Bardella sera élu. Louis Aliot joue un peu les Bruno Gollnisch 2.0. Je ne sais pas ce que cela pèse. Quand le parti avait 75.000 adhérents, avant le nettoyage par Marine Le Pen des soutiens de Marion Maréchal et des Lepénistes historiques, peut être que Louis Aliot, sans Marion Maréchal aurait pu peser. Aujourd’hui, le RN n’a plus beaucoup de militants et d’adhérents donc je pense que c’est la ligne Marine, incarnée par Jordan Bardella qui raflera la mise. Mais le message est surtout en externe. Il signale que le RN n’est pas simplement les positions anti-business, pas très catholique et qu’il y a un ami à l’intérieur du parti qui incarne une ligne plus traditionnelle. Ce qui signifie qu’en cas de défaite de Marine Le Pen ou de réorganisation à droite, il sera aussi là pour y participer. C’est un moyen de parler à l’externe plutôt que de vraiment peser. Louis Aliot a participé à verrouiller l’appareil du parti. Il a eu des propos très durs contre Marion Maréchal en rappelant qu’il n’y avait qu’une cheffe, etc. C’est amusant qu’aujourd’hui il soit celui qui se permet de ne pas soutenir le candidat officiel à la tête du parti.

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Les régionales plutôt mauvaises du RN semblent avoir plutôt réussi à la ligne portée par Thierry Mariani que celle de Marine Le Pen que peuvent incarner Jordan Bardella ou Sébastien Chenu.  Est-ce significatif des lignes soutenues par les électeurs du RN ?

Je ne pense pas, parce qu’en 2015 les deux régions ou le FN avait fait ses meilleurs scores étaient les Hauts-de-France et PACA. Ce sont deux sociologies totalement différentes. Dans un contexte de forte abstention, c’est avant toute une victoire des urbains sur la France périphérique et rurale qui subit un grand effacement. Après, s’il y avait bien une région où le Rassemblement national était susceptible d’être largement en tête c’était PACA. Sur le papier, Thierry Mariani, ancien ministre sarkozyste, issu de l’UMP, est un très bon candidat. Et en face Les Républicains de la région et La République en marche magouillent. Thierry Mariani est premier dans tous les départements sauf deux : les Alpes-de-Haute -Provence et les Hautes-Alpes mais toute une partie traditionnelle du Front national ne s’est pas mobilisée et il dispose donc à mon sens d’un réservoir de voix (on se souvient des scores de Marion Maréchal dans le Vaucluse) mais pour ça il faut faire du porte-à-porte dans les villages, pas dans les villes. On ne peut pas parler d’échec du Rassemblement national quand il n’y a que 30 % de participation. D’autant que rien ne va dans cette campagne. Le président de la République n’en voulait pas et tout a été fait pour qu’elle n’ait pas une dramaturgie importante. Les gens n’ont rien compris aux deux scrutins. Je ne pense pas que ça marque une défaite pour le Rassemblement national ou le fait qu’Emmanuel Macron ne sera pas au second tour de la présidentielle.

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La candidature d’Éric Zemmour ne ferait que 5.5 % selon les sondages, qui estiment aussi que c’est plutôt aux Républicains qu’à Marine Le Pen que le polémiste volerait ses voix. N’est-ce pas justement ces voix de droite qu’il faut à Marine Le Pen pour espérer briser le plafond de verre que semble constituer son élection ?

Bien sûr. Tout ceux qui font semblant de croire que ce ne sont pas les mêmes électorats et que ça ne nuirait pas à Marine Le Pen ont tort. Ils ne savent pas ce que c’est la politique. Personne ne peut prouver que parmi les 5% d’Éric Zemmour il n’y a pas un ou deux pour cent qui iraient chez Marine Le Pen sans lui. La politique c’est une histoire de dynamique et passer de 28 à 30 c’est important, surtout quand cela permet de dépasser l’adversaire. Car l’objectif d’Emmanuel Macron c’est de ne pas arriver deuxième au premier tour et être le challenger alors qu’il est le président sortant. Il ne faut jamais réfléchir à électorat constant. D’autant que Les Républicains n’ont pas de candidat. Là où la candidature d’Éric Zemmour est plus problématique c’est qu’elle demeure une candidature d’alternative. Le fait même qu’elle existe peut produire chez certains abstentionnistes, qui ne votaient pas pour le Rassemblement national mais auraient été susceptibles de voter pour une autre figure, la possibilité de voter pour quelqu’un d’autre que Marine Le Pen. Et rien ne prouve que si Éric Zemmour dit apporter ses voix à Marine Le Pen, celles-ci suivront. Les voix ne lui appartiennent pas. J’aurais l’occasion de le développer mais la candidature d’Éric Zemmour va être celle de toutes les souffrances. Pour exister il va falloir qu’elle soit sur une ligne dure et cela va créer un désordre total dans les thématiques portées par les candidats de droite. Personne n’a envie de s’acoquiner avec les idées développées par Éric Zemmour, à la Convention de la droite par exemple. Lui n’a pas la problématique d’avoir une vie politique à jouer plus tard. S’il vient c’est pour un tour et pas plus.

Face à ces deux phénomènes Marine Le Pen ne va-t-elle pas être contrainte de réaffirmer une identité plus à droite pour sa campagne présidentielle ? Peut-elle en faire l’économie ?

Il faut se poser la question autrement. L’offre politique de droite à la présidentielle pour l’instant c’est quoi ? Xavier Bertrand, François Baroin ? C’est avant tout une question d’offre politique. Marine Le Pen doit d’abord rassembler son camp en développant ses thématiques habituelles et peut être préparer une vraie campagne de second tour de rassemblement et d’ouverture pour avoir une majorité présidentielle. Elle ne peut pas jouer le deuxième tour avant le premier. Là ou Marine Le Pen propose quelque chose de différent, c’est que sa candidature ne ressemble à aucune autre. Je souhaite bonne chance à ceux qui vont essayer de distinguer les programmes de Macron et de Bertrand et cela est pareil à gauche. Mais cette différence est valable seulement jusqu’à l’arrivée d’une candidature type Zemmour. Il va lui reprocher de ne pas être assez dure et si elle fait l’erreur de faire une campagne en deçà elle va se tromper et risque de troubler une partie de son électorat. Éric Zemmour a du mal à se mettre dans la peau d’un candidat tandis que Marine Le Pen est la candidate naturelle depuis des années et est à la tête d’un parti. C’est à la fois une question d’équilibre et d’être sûr de sa ligne. Si Marine Le Pen pense que Éric Zemmour va l’emmener là où elle ne veut pas, et qu’elle redouble de prudence sur les thématiques qu’elle aborde habituellement, elle jouera contre son camp. Zemmour aura tout intérêt à une ligne dure, mais il fera le score de Chevènement en 2002.

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