Risque d’attentat dans les transports en commun : que sommes-nous vraiment capables de faire pour assurer la sécurité des métros, trains et gares ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les transports en commun sont des cibles privilégiées des terroristes.
Les transports en commun sont des cibles privilégiées des terroristes.
©REUTERS/Jean-Paul Pelissier

Métro boulot chaos

Ségolène Royal veut expérimenter les portiques de sécurité dans les gares : une idée qui revient souvent dans le débat public. Pourtant, sa mise en place semble irréalisable du fait de leur structure. La solution est peut-être du côté des nouvelles technologies.

Christian Sommade

Christian Sommade

Christian Sommade est délégué général au Haut Comité Français pour la Défense Civile.

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Atlantico : Sur le plan théorique, il serait possible d'installer ces portiques dans toutes les gares et stations de métro de France, comme c'est déjà le cas dans les aéroports. Dans les faits, compte tenu des moyens et des nécessités économiques, qu'est-ce qui serait réalisable ?

Christian Sommade : Dans l'état actuel des choses, on ne peut pas mettre en place les mêmes types de contrôles que ce que l'on trouver dans les aéroports. D'un point de vue physique cela ne peut pas fonctionner. Concrètement il faudrait avoir moins de trains, ouvrir les quais plus longtemps pour que les usagers puissent passer tous les contrôles…

L'avion s'est adapté aux mesures sécuritaires mais il a mis presque 10 ans pour avoir un système plus ou moins abouti, le train à l'heure actuelle n'est pas adapté, il n'a pas été conçu pour gérer la nouvelle donne sécuritaire. Pour un système optimal, il faudrait une refonte totale de l'architecture des gares, de la conception même du transport ferroviaire.

Dans l'immédiat il faut accentuer, ce qui existe déjà, c'est-à-dire les contrôles aléatoires. Augmenter les équipes qui vont contrôler des bagages aux traces de vapeurs d'explosif, passer une personne suspecte au détecteur de métaux, rechercher des matières illicites, inspecter des colis suspects… comme le font les douaniers qui ont de bons résultats.

Dans le futur proche, il faudra utiliser les nouvelles technologies pour renforcer la sécurité dans les gares et les trains. Dans les 10-15 ans qui viennent, les nouvelles technologies vont permettre d'avoir des contrôles moins intrusifs et tout aussi efficace. Mais ces technologies de pointes ne seront réellement abouties que dans 5 ans minimum.

A la suite des attentats de mars 2004, l’Espagne a franchi le cap : les bagages des passagers des trains longue distance sont systématiquement contrôlés et il faut passer sa valise aux rayons X à la gare de Madrid. C'était déjà le cas pour l'Eurostar. En Israël, le réseau ferroviaire est énormément contrôlé. Quelle est l'efficacité de ces différents systèmes ? Dans quelle mesure la France pourrait-elle s'en inspirer ?

Ces techniques sont efficaces, mais les pays cités n'ont pas le même flux ferroviaire que la France, ni les mêmes masses de passagers. Le TGV en France représente un volume considérable (en France il y a 3 000 gares et 5 millions de Français prennent chaque jour environ 15 000 trains selon Guillaume Pepy). En Espagne on ne parle que de quelques lignes sécurisées. En France il y a beaucoup plus de TGV qu'en Espagne. Et comment déterminer une ligne sensible ? Les terroristes frappent toujours là où on ne s'y attend pas. 

Sur l'aspect des moyens financiers, ce n'est qu'une question de volonté politique. Après le 11 septembre les Etats-Unis ont bien trouvé l'argent nécessaire à leur politique sécuritaire. D'ailleurs le Président l'a dit : le pacte de sécurité passe avant le pacte de stabilité.

Qu'est-ce que cela changerait pour l'usager : contraintes horaires, augmentation du prix du billet... ?

Ce n'est même pas un portique dans chaque gare, dans l'idéal ça serait 4 portiques par quai pour gérer le flux de voyageur. De plus, de telles infrastructures se répercuteront dans le prix des billets, des contraintes d'attente, de temps.

Actuellement un TGV arrive 20 minutes avant de repartir sur le quai de la gare. Et de façon très concrète, il n'est pas possible en 20 minutes de contrôler la totalité des passagers, encore moins au vu de la largeur des quais actuelles. Si on instaure les contrôles avant le quai, ça veut dire avoir un espace de contrôles, ça implique une attente plus longue pour les usagers, des bouchons à l'entrée des gares et il n'y a pas les infrastructures nécessaires. C'est une réforme totale de la vision de la gare pour ne pas perturber le trafic ferroviaire qu'il faudrait envisager

Qu'il s'agisse des contrôleurs, de la vidéo surveillance ou de la sécurité privée, nos gares sont-elles suffisamment protégées ? Que faudrait-il mettre en place aujourd'hui dans le climat actuel ?

Nos gares sont protégées en terme de réponse, mais pas en terme de détection de menace. Si quelqu'un ouvre le feu il y a les forces nécessaires pour agir rapidement, mais si un individu rentre avec une valise bourrée d'explosif qu'il la laisse et qu'il actionne le détonateur une fois dehors...

Il existe des systèmes de vidéo-surveillance à reconnaissance faciale sur des personnes étant fichées. Mais ce système n'est pas mis en place en France pour le moment. Ce genre de technologie est intéressant, car elle suppose une base de données biométriques, un système d'accès à cette base de données en temps réelle, des caméras hautes définition. Mais cette technologie est très couteuse et pas totalement mature, elle nécessite des expérimentations à grande échelle.

Après le 11 septembre, les Américains ont mis en place les "sky marshals". Ce sont des agents du département des transports américains, qui sont armés et entrainés. Ils montent dans les vols à risque déterminés par une cellule spécifique, comme un passager lambda. On pourrait imaginer ce système dans les trains, car ces sky marshals ne sont pas en uniforme.

Concrètement, que peut-on faire contre le dépôt d'une bombe, contre un kamikaze qui se fait sauter, contre une attaque à la kalachnikov ou contre une attaque au gaz ?

Face à une bombe déposée dans une rame de train ou de métro, la première réaction à avoir est de s'éloigner : le rapport entre la pression et la distance est essentiel. Il faut aussi tirer le signal d'alarme, casser les vitres et évacuer le train le plus rapidement possible afin de laisser une place à la décompression. Mais encore faut-il être certain qu'il y ait une bombe. Des outils existent actuellement pour détecter les explosifs mais ces moyens sont onéreux et ne sont pas encore dans les gares pour l'instant.

Détecter un kamikaze avec une ceinture d'explosifs est plus facile car le comportement humain peut être pris en compte. Là aussi, le premier réflexe à avoir est de s'écarter au maximum puis de s'allonger à plat ventre. Plus la distance par rapport à l'explosion est faible, plus les lésions sur les organes sont importantes à cause du blast.

Dans l'hypothèse d'une explosion, les tunnels constituent la pire configuration car les ondes vont se réfléchir sur les parois et se concentrer. Dans un tunnel, la pression d'une explosion est 3 à 5 fois plus forte.

S'agissant maintenant d'une éventuelle attaque à la kalachnikov dans les transports, la situation est plus facile à gérer dans un train ou un métro que dans une salle de concert car le terroriste a peu de place pour se mouvoir dans une rame et plusieurs personnes peuvent tenter de l'arrêter en se jetant sur lui, comme on l'a vu dans le Thalys récemment.

Concernant enfin les attaques toxiques, tout dépend du type de gaz employé. Les gaz ypérites sont des toxiques qui sentent. Ils provoquent des brûlures et, à plus haute dose, des œdèmes pulmonaires. Ce ne sont pas les produits les plus dangereux car leur odeur les rend détectables. Il faut alors s'éloigner, se tenir à 90° du sens du vent et se nettoyer très rapidement si l'on a été touché par des gouttelettes. Dans un train ou une rame de métro, il faut évacuer les passagers et les faire prendre en charge médicalement le plus vite possible. La Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris est équipée de chaînes de décontamination, de détecteurs chimiques et de produits de traitement.

Le chlore est le deuxième type de gaz toxique. C'est un produit suffoquant. Mais il en faut de tellement grandes quantités que ce n'est pas une menace crédible dans le métro : un kilo de chlore ferait pleurer les yeux et tousser mais ne tuerait personne.

Ensuite, il y a les gaz neurotoxiques comme le sarin. Ce sont des gaz qui ne sentent pas et qui, surtout, ont des effets à très faible concentration : un kilo de sarin peut permettre de tuer 1000 personnes, soit une rame de métro. Les effets sont instantanés et il n'y a quasiment rien à faire à part organiser une prise en charge médicale extrêmement rapide avec du sulfate d'atropine et des substances permettant d'agir sur le blocage consécutif du système nerveux. D'où la décision qui a été prise par le service des armées le 18 novembre 2015 d'approvisionner en seringues auto-injectables les hôpitaux parisiens. En cas d'attaque au sarin dans le métro, il faut se protéger les voies respiratoires avec un tissu et respirer le moins possible. Il ne faut donc surtout pas courir. Au Japon, les personnes qui sont mortes suite à une telle attaque sont celles qui avaient touché le sarin avec les mains ou qui étaient trop près de la concentration. Il faut s'éloigner doucement, ne pas respirer fort, économiser son oxygène, sortir au grand air et se mettre face au vent.

Comment la SNCF et la RATP sont-ils préparés pour faire face à ces menaces terroristes ?

La RATP est probablement l'un des transporteurs urbains le mieux préparé dans le monde. Certes, ce n'est pas elle qui intervient au niveau de la réponse aux attaques. Mais elle dispose d'équipes très bien formées qui apportent leur soutien technique d'opérateur de transport en milieu NRBC – nucléaire, radiologique, biologique et chimique - de manière parfaite à mon sens. La SNCF dispose elle aussi d'une équipe spécialisée pour ce type d'attaques.

C'est la brigade des Sapeurs pompiers de Paris qui assure l'intervention vis-à-vis des victimes et vis-à-vis de la réponse opérationnelle en secours.

Il est très difficile de garder des politiques sur le long terme sur ce genre de risques qui sont forcément à des taux d'occurrence faible.

D'après "Le Parisien", la Régie des transports parisiens est l'entreprise française qui emploie le plus de personnes faisant l'objet d'une fiche S quels changements faudrait-il effectuer dans la politique de recrutement ? Quelles sont les règles en vigueur à ce sujet dans les aéroports ou dans les transports israéliens ? Sur quoi ces derniers misent-ils et à quoi renoncent-ils ?

Il y a des règles en vigueur à travers le CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité) qui délivre des cartes professionnelles. Depuis la réforme qui date de deux ans, tous les agents de sécurité doivent avoir une carte homologuée. Dans ce cadre là, il y a des criblages : on vérifie le passé, le casier judicaire, les services internes du CNAPS mène une enquête sur chaque individu. Les industries de sécurité privées paient une redevance pour cette carte professionnelle.

Normalement aucune personne avec une carte homologuée ne doit avoir un tel passé, où alors c'est qu'il y a un profond problème de partage des données.

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