Rishi Sunak, Sajid Javid, Nadhim Zahawi… : ce que la liste des candidats à la succession de Boris Johnson raconte du Royaume-Uni <!-- --> | Atlantico.fr
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Le chancelier de l'Échiquier britannique, Rishi Sunak, s'exprime lors d'une conférence de presse dans la salle d'information de Downing Street, le 3 février 2022.
Le chancelier de l'Échiquier britannique, Rishi Sunak, s'exprime lors d'une conférence de presse dans la salle d'information de Downing Street, le 3 février 2022.
©JUSTIN TALLIS / POOL / AFP

Modèle d'intégration

De nombreux candidats à la succession de Boris Johnson à la tête du Parti conservateur et pour le poste de Premier ministre au Royaume-Uni sont issus de l'immigration comme Sajid Javid, Rishi Sunak ou Nadhim Zahawi. Quelles sont les spécificités du modèle d'intégration britannique ?

Moustafa  Traoré

Moustafa Traoré

Moustafa Traoré est diplômé d'un doctorat en études anglophones de la Sorbonne. Il est spécialiste du système d'intégration en Grande-Bretagne et de ses limites.

 

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Atlantico : Jeudi dernier, le Premier ministre britannique Boris Johnson a démissionné de son poste de chef du Parti conservateur jeudi. Il a annoncé qu’il resterait en place le temps que le parti choisisse un nouveau chef. Basées sur leur popularité et leurs expériences, les personnalités les mieux placées sont Rishi Sunak, Sajid Javid, Nadhim Zahawi ou Ben Wallace. Pour la plupart, il s’agit de candidats issus de l’immigration. Qu’est-ce que cela nous apprend du modèle d’intégration britannique ?

Moustafa Traoré : Si l’on regarde le nom de ces différentes personnes, trois d’entre elles sont issues des minorités ethniques. Cela démontre la réussite du système d’intégration britannique.

A la différence d’autres pays, notamment en Europe, les minorités ne votent pas toutes pour des personnalités de gauche. Les personnalités issues des minorités ne sont pas toutes de gauche également. On retrouve aussi des représentants des minorités à droite et elles occupent des places importantes dans le parti. Ce ne sont pas de petits candidats.

Ben Wallace était le favori, jusqu’à ce qu’il renonce à se présenter ce samedi.

Cette réalité nous en dit donc beaucoup sur le système d’intégration. Et cela prouve que c’est une réussite. Des personnes issues des minorités sont présentes aussi bien à droite qu’à gauche. Lorsque l’on s’intéresse à leur situation, on découvre qu’ils sont assez bien positionnés. Ce sont des références dans leur parti.  

L’explication est culturelle. Le Royaume-Uni a un système d’intégration, là où d’autres pays ont recours à l’assimilation. Les minorités ont le sentiment de s’épanouir et d’avoir des résultats au Royaume-Uni. La politique migratoire n’a pas été la même également par rapport à certains pays européens.

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En 1962 avec l’« immigration act », les immigrés étaient sélectionnés. Ils n’acceptaient pas n’importe qui au Royaume-Uni. Des diplômés, des avocats, des médecins venaient. Une fois sur place, ils effectuaient ce pour quoi ils avaient été recrutés et dans un domaine lié à leurs compétences.

Une personne avec des diplômes d’avocat ne finissait pas caissier. Cela fait une grosse différence. Le système d’intégration est aussi la clé.

En observant la réalité du Royaume-Uni, il est possible de constater que le fait d'être issu des minorités ethniques n’est pas synonyme de difficultés sociales.

Dans les pays européens, les minorités ont tendance à voter à gauche à cause de leur statut social assez difficile, ce qui n’est pas le cas au Royaume-Uni.     

Avec de telles personnalités représentant le Parti conservateur, la gauche ne pourra-t-elle plus forcément associer ces minorités à leur courant politique ?

Effectivement, ce stade a été dépassé depuis longtemps au Royaume-Uni. En France, il est possible de voir aussi la fin de ce modèle-là. Beaucoup de minorités comprennent aujourd’hui qu’il y a une pluralité politique et que c’est à eux de choisir et de mieux tirer leur épingle du jeu. 

Je ne pense pas que l’on doive se dire que le parti de gauche soit le parti des minorités. Cela enferme et fait prisonnier toute une catégorie de la population britannique. Et dans ce cas-là, la population.       

Si l’on compare cette situation à la France, le Royaume-Uni est-il en avance sur nous ? Devrions-nous nous en inspirer ?

Il n’y a pas qu’un modèle, il y en a en réalité plusieurs. Le modèle français est en rapport avec l’histoire de France, qui est en rapport avec le système qui a été choisi par le pays et qui est plus assimilationniste. Il n’est pas forcément bon de comparer les « modèles » et de penser qu’il y a un modèle en retard par rapport à un autre. Il y a plusieurs formes de développement. Il y a plusieurs chemins. Chacun a choisi le sien. Le Royaume-Uni dispose d’un système qui mène au multiculturalisme.

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Un système d’intégration est un véritable processus. La France a choisi un processus d’assimilation. La Grande-Bretagne a su très tôt donner l’indépendance à ses ex-colonies. Elle a été obligée de le faire avec les Etats-Unis et avec l’Inde.    

Le modèle intellectuel britannique d’intégration met-il une différence entre les personnes intégrées et celles issues de souches aristocratiques britannique ?

Etre en bas de l’échelle sociale au Royaume-Uni ne rime pas avec le fait d’être fatalement issu des minorités ethniques. Il s’agit d’une différence assez importante. En dessous de l’aristocratie, on retrouve des minorités qui ont réussi à s’élever dans l’échelle sociale.  Tout en bas de l’échelle sociale, ce ne sont plus forcément des minorités que l’on retrouve, mais plutôt des Britanniques de souche, les « white trash », qui vont vivre des aides de l’Etat. Ils sont aussi très souvent discriminés à l’embauche par rapport à leur maîtrise agrammaticale de la langue (le cockney ou avec l’accent de Liverpool). Alors que pour les personnes issues des minorités et des ex-colonies ou d’ailleurs, le fait d’avoir une double culture et d’avoir une bonne maîtrise grammaticale de la langue va donner du crédit et permettre d’être prioritaire dans de nombreux emplois. Lorsqu’une entreprise va organiser des entretiens d’embauche, il peut y avoir un candidat anglais qui parle certes couramment l’anglais mais qui a des connaissances limitées de la grammaire et de l’anglais écrit face à un autre candidat issu des minorités qui a étudié l’anglais de façon académique à l’école et qui en plus à une autre langue ; les entreprises vont avoir tendance à se porter sur le deuxième candidat.

Pour analyser la situation d’aujourd’hui, il faut vraiment étudier le passé du Royaume-Uni.      

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