Retraites, et après… : de quoi le macronisme pourra-t-il désormais être le nom ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 sur une promesse de « révolution » idéologique.
Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 sur une promesse de « révolution » idéologique.
©LUDOVIC MARIN / AFP

L’ère des distractions

Alors que le pays se déchire sur la réforme des retraites, que reste-t-il de l'ADN du macronisme au-delà de l’orgueil du président ?

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 sur une promesse de « révolution » idéologique (en transcendant les clivages gauche droite) et de disruption dans la méthode en important des hommes et des méthodes neuves. Alors que le pays se déchire sur la réforme des retraites, que reste-t-il de cet ADN au-delà de l’orgueil du président ? 

Benjamin Morel : L’ADN du macronisme est difficile à définir. Évidemment ce que vous dites est vrai, mais il s’agit surtout d’emballage. Le programme de 2017 est assez mince, et le candidat Macron était même moqué pour cela. Ce qu’apporte alors Emmanuel Macron c’est surtout une synthèse électorale entre centre droit et centre gauche. Pour la première fois sous la Vèm République, les centres s’autonomisent. Seulement ce pari n’est pas simple. L’électorat centriste est paradoxalement celui qui a la plus forte identité politique, de droite ou de gauche. Cela s’explique en grande partie par son caractère plus âgé et plus aisé. Pour dépasser le clivage, il lui faut donc un récit et c’est ce qu’Emmanuel Macron va lui fournir. Ce programme très mince va devenir une sorte de contrat d’engagement entre le Président et ces électeurs. Il n’est pas le produit d’une longue tradition idéologique qui permettrait d’engager un vote par habitude. Emmanuel Macron doit être celui qui tient ses engagements et réalise son programme. En cela, il a assez peu trahi son électorat. Souvenez-vous de la conférence post-grand débat. Nous sortons de la crise des gilets jaunes, des mois de débats partout en France… et l’essentiel des conclusions revient à reprendre les projets de loi déjà dans les tiroirs des ministères avant la crise. Il en ira de même dans la post-Covid. Le président de la République a fait preuve d’une grande constance pour ressortir les mêmes solutions en se servant de crises qui auraient dû les rendre obsolètes. Entre-temps, un autre narratif s’est greffé ; celui du président des crises. Emmanuel Macron est celui qui est debout face à la tempête et contrôle la situation. Le problème de cette réforme des retraites est qu’elle vient rompre ses deux narratifs. Pour ce qui est du premier, c’est justement la dernière grande réforme (avec les institutions sur lesquels Emmanuel Macron bégaie depuis 2018) que le premier quinquennat n’a pas menée à bien. Après cette réforme, quoi inventer ? C’est un paradoxe, mais ce texte source d’angoisse dans son vote est aussi un point d’aboutissement difficile à dépasser. Ensuite, cette réforme a bien poussé le pays dans la crise, mais Emmanuel Macron n’a plus les manettes pour la contrôler. La majorité se délite et la crise n’est plus extérieure au pouvoir, elle lui est interne. C’est parce qu’Emmanuel Macron ne contrôle pas la chambre qu’il est contraint à une procédure parlementaire baroque de 47-1 à 49 alinéa 3. La crise n’est plus jugulée par la puissance présidentielle ; la crise provient de l’impuissance présidentielle.   

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Il faut bien comprendre ce qui se joue. À l’Assemblée nationale, des propositions de loi de la majorité sont rejetées par cette même majorité. Il y a deux semaines, une proposition de loi Horizon a été rejetée par Renaissance. Une proposition de loi de la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a été rejetée par le Modem, Horizon avait piscine et beaucoup de députés macronistes ont également voté contre. Les députés de la majorité sont échaudés par le 49 alinéa 3 et les menaces de dissolution qui n’impressionnent que ceux qui, trop naïfs, ne voient pas les résultats des dernières législatives partielles… La majorité est non seulement relative, mais il n’y a même plus vraiment d’intergroupe qui laisserait penser qu’elle est structurée.  

Le seul partenaire potentiel est LR… c’est pour séduire LR qu’Elisabeth Borne a sacrifié sa carte majeure dans les négociations dès janvier en abaissant l’âge de départ de 65 à 64 ans. Lâché au bon moment, cette concession aurait pu fragiliser la mobilisation, solidifier une majorité parlementaire… mais il fallait avoir en amont le soutien de LR… Or le groupe LR a montré qu’il était très faiblement structuré et qu’un accord avec Eric Ciotti et Olivier Marleix n’engageait pas l’ensemble du groupe. Aucun gage donné à la droite ne peut donc permettre d’acquérir son soutien. Comment alors penser pouvoir gouverner avec. 

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Il n’est pas sûr que ce soit le chemin choisi. Le prochain chantier d’Emmanuel Macron serait la réforme constitutionnelle. Le constitutionnaliste exulte… mais soyons sérieux. Voter une réforme des retraites est impossible. Pour réformer la Constitution, il faut un vote conforme de l’Assemblée et du Sénat (sans 47-1, 49 alinéa 3, vote bloqué, CMP, dernier mot… tout ça est exclu sur ce type de texte) et les 3/5 du Congrès… alors qu’en 2008 Nicolas Sarkozy tenait le Sénat et une forte majorité à l’Assemblée sa réforme est passée à une voix près. On voudrait nous faire croire qu’avec un Sénat d’opposition, une majorité relative et déchirée, une opposition composée de la NUPES et du RN… on va changer la Constitution ? Cela occupera les débats, permettra de gagner du temps… mais pourquoi au juste ? Distraire pour éviter de parler de la crise du pouvoir d’achat ? Pas évident que ça marche… et pourquoi exactement ? Le pouvoir semble encore bégayer sans logiciel. Revenant à ses marottes rassurantes pour tenter de masquer que face à la crise qui assaille le pays, il est aujourd’hui nu et sans solution ; à défaut de remède, il ne peut proposer que des distractions. 

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