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Retour de maladies disparues, crise aux urgences et déremboursement de l’homéopathie, retour sur une année tumultueuse sur le front de la santé
©FRED TANNEAU / AFP

Bilan 2019

A l'occasion de la fin d'année, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de dresser un bilan de l'année. Stéphane Gayet revient sur le mouvement de grève aux urgences, le déremboursement de l'homéopathie ou bien encore le retour des maladies disparues.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : L'année 2019 touche à sa fin et chaque année à la même période, il est d'usage et sans doute utile d'essayer de faire le point sur ce qui s'est déroulé au cours de l'année afin d'esquisser un bilan.

Dans le domaine de la santé et celui de la médecine, que peut-on retenir ?

Stéphane Gayet : La résurgence de la rougeole est l'un des phénomènes morbides particulièrement préoccupants de ces dernières années. 2019 est dans la continuité des précédentes. Cette maladie dite « de l'enfance » qui a la réputation d'être bénigne ne l'est pas vraiment : elle peut tuer ou provoquer des complications neurologiques très sévères et définitives.

Cette résurgence est une réalité et préoccupe les autorités de santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé ou OMS, il y aurait chaque année dans le monde de l'ordre de 150 000 décès du fait de cette maladie virale, avec une progression nette d'année en année, de l'ordre de 15 à 20 %. Aux États-Unis, le nombre total de cas enregistrés est le plus élevé depuis 25 ans. La rougeole fait son retour également dans des pays européens où elle avait été déclarée éradiquée, comme en Albanie, en Grèce, au Royaume-Uni et en République tchèque. En France, le ministère chargé de la Santé est particulièrement inquiet face à une augmentation rapide du nombre de cas. La constatation de foyers épidémiques dans différentes régions amène à redouter une épidémie sur l’ensemble du territoire hexagonal. Selon l’OMS, la cause principale de cette résurgence est le recul de la vaccination : le taux de vaccination est en stagnation dans tous les pays du monde et depuis une décennie. C'est l'occasion de dire qu'un combat, surtout en matière de maladie épidémique, n'est jamais définitivement gagné ; on avait crié victoire trop rapidement, il y a des années, après les premiers résultats de la campagne mondiale de vaccination.

La progression des maladies vectorielles est à rapprocher du dérèglement climatique et de l'intensification des voyages internationaux. Les arboviroses, c'est-à-dire les maladies infectieuses virales dont le virus est transmis par un Arthropode (essentiellement un insecte comme le moustique, ou un arachnide comme la tique), progressent partout. On observe ainsi que la dengue, le chikungunya et l'infection à Zika virus gagnent du terrain assez rapidement. En France hexagonale, on suit particulièrement la progression de leur principal vecteur, à savoir le moustique tigré (ainsi dénommé parce que son corps est noir avec des rayures blanches) qui n'est pas loin d'avoir envahi pratiquement tout le territoire. Heureusement, les cas autochtones de dengue, de chikungunya et d'infection à Zika virus sont rares dans l'hexagone ; toutefois, il existe une tendance à l'augmentation des cas importés. Il est utile de s'informer sur le moustique tigré.

Toujours dans le cas des maladies vectorielles, il est essentiel de parler des maladies vectorielles à tiques (MVT). On pense en premier bien sûr à la maladie de Lyme ou plutôt au « syndrome Lyme ». Pourquoi parler de syndrome Lyme plutôt que de maladie de Lyme ? Parce que dans sa définition originelle, la maladie de Lyme était la borréliose de Lyme, c'est-à-dire une infection bactérienne mono-microbienne due à la bactérie Borrelia burgdorferi ou à une autre espèce de ce complexe bactérien (expression officielle). Aujourd'hui, tel qu'il se présente en France dans sa forme chronique évolutive, c'est un syndrome infectieux plurimicrobien (très souvent deux ou trois espèces bactériennes et une ou deux espèces parasitaires). En France hexagonale, le nombre de nouveaux cas annuels de syndrome Lyme augmente rapidement d'année en année et cela devient d'autant plus préoccupant que ce syndrome infectieux chronique est vraiment mal connu des médecins, tout particulièrement en France. En pratique, le diagnostic est le plus souvent méconnu et les médecins qui acceptent de traiter ces malades souffrants et handicapés sont très peu nombreux, notamment en raison de la complexité du traitement. Il y a au minimum de l'ordre de 70 000 nouveaux cas chaque année en France et probablement beaucoup plus. Le 3 juillet 2019, une grande manifestation de malades (c'est assez rare) a eu lieu à Paris pour réclamer d'importants efforts sanitaires.

Le domaine de la santé français a été marqué en 2019 par des décisions déterminantes

Le déremboursement de l'homéopathie est l'un des événements les plus marquants de l'année 2019. La ministre française chargée de la Santé, Agnès Buzyn, a mis un terme à plusieurs mois d'hésitation, au début de l'été, en se rangeant en fin de compte à l'avis de la Haute autorité de santé (HAS) qui avait conclu à « l'efficacité insuffisante » de cette thérapie. À partir de 2020, les granules aujourd'hui pris en charge à 30 % par l'Assurance maladie ne le seront plus qu'à 15 % et avant d'être intégralement déremboursées en 2021.

L'avantage de l'homéopathie est sa parfaite innocuité. Son inconvénient essentiel est qu'elle se situe en dehors du champ de la science, tant sur le plan de la pharmacologie scientifique que sur celui de l'évaluation de ses effets thérapeutiques. Les économies ainsi réalisées par l'Assurance maladie pourront être réaffectées à des thérapies scientifiquement validées.

Lavaccination HPV (Human papillomavirus) pour les garçons a été une autre décision fort attendue. En effet, la décision d'étendre la vaccination contre le virus papilloma génital aux garçons âgés de 11 à 14 ans a été prise en fin de cette année. La Haute Autorité de santé (HAS), qui avait été sollicitée sur le sujet par le ministère chargé de la Santé, s’est dite favorable à cette mesure. Cette vaccination devrait être intégrée, sous la forme d'une recommandation, au calendrier vaccinal 2020. Jusqu’à présent, elle concernait les filles âgées de 11 à 14 ans, les adolescents immunodéprimés des deux sexes ainsi que les hommes âgés de moins de 26 ans et ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).

Les pharmaciens sont des professionnels de santé non soignants. Mais cette conception est en train de changer : ils sont à présent autorisés à vacciner contre la grippe.

Améliorer la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière dans toute la France, c'est l'objectif qui a poussé à autoriser les pharmaciens exerçant en officine à vacciner. Cette autorisation est entrée en vigueur lors de la campagne 2019-2020. Cette mesure s’applique à tous les pharmaciens volontaires et ayant reçu une formation spécifique. Comme attendu, bien des médecins ainsi que des infirmiers -autorisés à vacciner- y ont vu la porte ouverte à une concurrence anormale.

Instauré en 1971, le numerus clausus au début des études médicales a été supprimé. La ministre chargée de la Santé a en effet mis un terme à cette mesure destinée à réguler l’offre de soins. Face à la pénurie de médecins, il était en effet devenu nécessaire de prendre cette décision. Toutefois, le manque de médecins ne sera pas corrigé rapidement, ne serait-ce qu'en raison des capacités limitées des facultés de médecine.

Il faut également parler de la mise en place des assistants médicaux. Les syndicats de médecins ont soutenu cette mesure qui devrait libérer du temps aux médecins. Et les premiers recrutements d’assistants médicaux financés par l’Assurance-maladie ont vu le jour. En contrepartie, les praticiens concernés se sont engagés à recevoir davantage de patients.

L’arrêt des thérapeutiques permettant de maintenir artificiellement Vincent Lambert en vie a marqué la fin d'un drame médico-judiciaire qui a duré plus de 10 années. Vincent Lambert est donc décédé le 11 juillet 2019, au CHU de Reims, après la mise en œuvre de la procédure d’arrêt des traitements de maintien en vie, cela en dépit de l’opposition de ses parents. Le jeune homme était plongé dans un état végétatif depuis 2008, à la suite à un accident de la circulation. Plusieurs décisions de justice avaient validé puis suspendu l’arrêt des traitements, constituant alors une sorte de feuilleton médiatique plutôt regrettable. Cette affaire emblématique a alimenté des années durant le débat sur la fin de vie et sur l’euthanasie.

On ne peut passer sous silence les mouvements sociaux et professionnels dans le monde de la santé

La crise des urgences a également beaucoup marqué la vie hospitalière. Le malaise des services d'accueil et d'urgences a d'abord couvé pendant des mois, puis pris de l'ampleur au printemps 2019. Il s'agit d'un vaste mouvement de contestation, qui a débuté à l’Hôpital Saint-Antoine (Paris XI), puis a rapidement fait tache d’huile, jusqu'à toucher plus de 200 services d'accueil et d'urgences à travers toute la France. Les revendications du personnel véritablement exténué portent sur des centaines d’embauches et des revalorisations salariales. Mais les réponses du gouvernement ont bien sûr déçu les leaders de ce mouvement de contestation. Il faut dire que le malaise des services d'accueil et d'urgences n'est que la partie visible d'un état permanent de tension des établissements de santé, surtout publics, prêts à se fissurer, voire se décomposer.

Il faut encore parler de la mobilisation générale des professionnels de santé à l'hôpital public, qui a fortement bousculé au cours de ces derniers mois les établissements de santé. A travers les suicides qui se succèdent de façon horrible, et qu'il s'agisse d'infirmiers, d'internes ou de professeurs chefs de service en centre hospitalier universitaire, on découvre le fait que les conditions d'exercice du métier de soignant au sens large sont devenues tellement difficiles et douloureuses, que des êtres humains initialement apparemment pleins de capacités, en arrivent à s'effondrer et mettre fin à leurs jours, à bout de souffle et d'espoir.

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