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Retour de loi El Khomri devant l'assemblée : face à la victoire institutionnelle qui se profile, comment ses opposants pourraient chercher à infliger une défaite politique à l’exécutif
©Reuters

Guerre d'usure

Ce mardi 5 juillet, la loi Travail est de retour à l'Assemblée nationale en seconde lecture.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Ce mardi 5 juillet, la loi Travail est de retour à l'Assemblée nationale en seconde lecture. Alors que François Hollande raidit sa position et n'envisage aucune nouvelle concession, quelles options reste-t-il aux principaux opposants, entre syndicats et frondeurs, pour combattre le projet de loi ?

Eric Verhaeghe : L'étonnement reste que, plusieurs mois après la présentation du texte, la guérilla se poursuive contre lui. Plusieurs semaines de rencontres en coulisses, de négociations, n'ont pas permis de circonvenir l'opposition à un texte pourtant très affaibli et affadi. Rappelons que, contrairement au mariage gay, l'opposition à la loi travail ne vient pas de la droite ou d'une fraction de la droite, mais de la gauche elle-même. De mémoire de la Vème République, on n'aura jamais connu une situation aussi inhabituelle et sidérante : plusieurs mois d'opposition à un texte du gouvernement de la part de la majorité parlementaire. Ce renversement des traditions illustre bien la profonde crise politique que connaît la Vème République ces dernières années, et spécialement depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir. C'est pourquoi il ne me paraît pas du tout acquis que la contestation cesse avec l'été, même si les voies politiques "légales" sont désormais à peu près mortes. Dans tous les cas, le texte passera. Reste à savoir si sa promulgation mettra un terme au front du refus. D'ici là, il est plausible que Manuel Valls recoure au 49-3. La droite ne devrait toutefois pas voter la motion de censure présentée par les frondeurs. En revanche, le dépôt de cette motion pourrait faire très mal. Ensuite, rien n'exclut que l'été soit parsemé de mouvements d'opposition au texte.

Comment la situation pourrait-elle évoluer ? Le gouvernement a-t-il définitivement pris l'avantage dans cette bataille, avec quelles conséquences ?

Politiquement, au sens d'institutionnellement, le gouvernement devrait remporter une victoire objective, puisqu'il parviendra à "faire passer" son texte. Toutefois, il devrait rencontrer plus d'obstacles qu'il n'est raisonnable sur un texte qui se voulait aussi important. Selon toute vraisemblance, Manuel Valls optera dans les prochaines heures pour un recours au 49-3. Il doit soupeser ses chances de passer sans le recours à cette "Grosse Bertha" institutionnelle. De nombreux indices laissent à penser que, au vu des centaines d'amendements déposés, dont près de 500 pour le seul article 2, Valls optera pour le 49-3. Cette solution devrait constater une fois de plus que victoire institutionnelle ne signifie pas victoire politique au sens strict. Pour le gouvernement, les conditions d'adoption de cette loi constituent en effet un échec patent. Cet échec est accru par le contenu du texte lui-même : le gouvernement n'a lésiné devant aucun moyen pour vider le texte de son contenu polémique. Les amendements sur l'article 13 le montrent encore une fois. Pour Valls, la loi Travail constitue en réalité un double échec. D'une part, il doit renoncer à l'université d'été du Parti socialiste compte tenu des trop fortes tensions suscitées par le texte. Si cette université se tenait, elle étalerait probablement l'extrême isolement de l'exécutif à un an des présidentielles. A titre personnel, avec la loi Travail, on peut penser que Valls s'est définitivement "rocardisé" : en portant le texte jusqu'au bout, il a renoncé à toute ambition présidentielle réaliste.

Alors que la motion A, défendue par Jean Christophe Cambadélis en 2015 (voir ici) et ralliée par Martine Aubry indiquait noir sur blanc "il faut rétablir la hiérarchie des normes : la loi est plus forte que l’accord collectif et lui-même s’impose au contrat de travail", soit l'exact opposé de ce que propose l'article 2 de la loi El Khomri, que peut-on envisager de l'avenir du PS en acceptant un tel revirement ?

Il est évident que Cambadélis, selon ses vieilles habitudes trotskystes, a roulé Martine Aubry dans la farine. Il n'en a guère été dissuadé par François Hollande, qui déteste Martine Aubry. Ces deux-là, avec leur petite clique également composée de Jean-Marie Le Guen et de Manuel Valls, se sont amusé à trahir "l'amère de Lille", comme disent les mauvaises langues. La question me semble être de savoir si oui ou non Martine Aubry va chercher à se venger. Il n'est pas impossible que oui, par exemple en laissant faire une motion de censure lors de l'activation du 49-3. Là encore, nous retrouverons l'hypocrisie des aubrystes qui avaient préféré ne pas soutenir jusqu'au bout la précédente motion de censure par crainte d'une dissolution de l'Assemblée. Cette fois, la droite ayant annoncé son intention de ne pas voter la motion, il n'est pas impossible que les aubrystes la soutiennent. Ils savent en effet qu'elle n'a aucune chance d'aboutir et qu'elle servira juste à compter les fraudeurs. En outre, elle aura un effet destructeur pour Manuel Valls qui sera donc immolé en victime expiatoire de cette loi qui déchaîne les passions. Reste que, à mon avis, la fronde n'ira pas au-delà. Comme toujours au Parti socialiste, il ne faut pas chercher qui soutient qui, mais qui est plus détesté que les autres. Et tout porte à croire que Martine Aubry déteste plus Montebourg que Hollande. La motion A devrait donc rester unie, plus par haine des autres que par amour pour soi-même.

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