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Le capitalisme, cet ogre insatiable qu'il faut en permanence alimenter
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Histoire financière

Dans son dernier livre "Sortir de la crise : un banquier chrétien s'engage", Franck Margain revient sur la crise financière et ses origines profondes (Extrait 1/2).

Franck Margain

Franck Margain

Franck Margain est vice-Président du Parti Chrétien Démocrate et conseiller régional UMP en Ile-de-France.

Après des études en finances, il est devenu cadre dans une grande banque internationale.

 

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Mon goût pour l'histoire m'a enseigné l'importance des périodisations qui permettent de mettre de l'ordre et du sens dans le magma du passé. Difficile, pour la crise économique, de dresser de telles balises. Quand la crise a-t-elle réellement commencé ? Le 15 septembre 2008, avec la faillite spectaculaire de la banque d'investissement Lehmann Brothers ? À moins, comme je le pense, que l'explosion était en germe depuis plus longtemps ?

En vérité, tout a commencé par l'effondrement de la bulle Internet. L'économie cherchait un autre relais de croissance. Très vite, sur la base d'une baisse des taux d'intérêts initiée par la Réserve centrale américaine, la machine est repartie, cette fois en direction de l'immobilier. Le capitalisme étant un ogre insatiable, dès que l'affaire s'est mise à tourner, il a fallu l'alimenter. Les classes moyennes ayant été rapidement logées, l'attention s'est alors portée vers les populations les plus pauvres.

On a découvert que si les démunis remboursaient moins bien que les plus riches, ils remboursaient tout de même ; et qu'à condition de leur prêter à des taux plus élevés pour amortir les risques d'insolvabilité, un marché gigantesque s'ouvrait. Jusqu'ici, les intentions étaient pures : bâtir une stratégie de financement de l'économie axée sur les plus pauvres, en donnant à ces derniers la possibilité d'accéder au rêve américain de la propriété individuelle.

Voilà donc dans quel état d'esprit les banques américaines décidèrent d'embarquer tout le monde, même les plus fragiles, dans le train de la dépense : acheter des voitures, des maisons, etc. Ils n'avaient pas d'argent ? Qu'à cela ne tienne : on leur allouerait un crédit aux petits oignons, quitte à tordre un peu le mode de calcul de leur capacité de remboursement. Quand une banque estime la capacité de remboursement d'un ménage en fonction de son revenu disponible, elle prend un risque sur la baisse des revenus de son client (par exemple, une perte d'emploi). Quand elle estime la capacité d'endettement d'un ménage non plus en fonction de son revenu, mais de son patrimoine, elle prend un risque sur la conjoncture globale. C'est cette dernière option qui a été retenue et sur laquelle il faut s'attarder sous peine de passer à côté de l'intelligence des événements.

Admettons ainsi que je décide demain d'acquérir une maison : je m'endette alors à taux révisable selon un délai de grâce de deux ans. Mon crédit est adossé à une hypothèque sur la maison qui vaut 100. Deux ans plus tard, je commence à rembourser, et comme les taux d'intérêt ont monté, je me retrouve au maximum de ma capacité de remboursement, c'est-à-dire que tout mon revenu disponible passe dans le remboursement de mon crédit immobilier. Pourtant, il faut bien vivre, se nourrir, se déplacer, s'équiper ; or, si vous ne payez plus votre voiture, votre frigidaire, votre épicier, vous payez un crédit de maison parce qu'il existe un lien essentiel entre une personne et son foyer.

C'est vraiment au moment où la personne cesse de payer sa maison qu'elle se retrouve en faillite, ce que n'a pas compris le monde de la finance : ces ménages américains incapables d'acquitter leurs remboursements de prêts immobiliers avaient cessé de payer le reste depuis longtemps, ce qui explique pourquoi la crise automobile, par exemple, était inévitable. Toujours est-il que dans l'intervalle, le marché immobilier a grimpé en flèche et ma maison dont la valeur était de 100, est maintenant estimée à 130. ma banque accepte de réévaluer mon hypothèque et m'accorde un crédit supplémentaire. Ce crédit supplémentaire est lié à ma nouvelle situation patrimoniale. Comme mon revenu disponible n'a pas changé, très vite je ne peux plus faire face à mon endettement et je stoppe les remboursements sur l'un ou l'autre de mes crédits.

Aux États-Unis, si l'endettement des ménages a été poussé au maximum par les banques, il a aussi été facilité par des politiques monétaires et budgétaires très accommodantes. À la fin de 2007, l'endettement des ménages américains dépassait très largement leur revenu disponible, et nombre de foyers ne pouvaient plus faire face aux remboursements. Alors les ménages pauvres se sont retrouvés en situation de faillite virtuelle et le marché s'est complètement retourné.

Or, tous ces crédits alloués représentaient une masse de créances considérable. Du coté des banques, ces créances ont été regroupées puis « titrisées » et vendues un peu partout, injectant dans le système financier une masse gigantesque de titres toxiques.

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Extrait de Sortir de la crise : un banquier chrétien s'engage, Les éditions Gascogne (le 16 mars 2012)

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