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L'avocate et ancienne ministre de l'Ecologie, Corinne Lepage, lors d'une séance photo à Paris pour l'AFP, en mars 2021.
L'avocate et ancienne ministre de l'Ecologie, Corinne Lepage, lors d'une séance photo à Paris pour l'AFP, en mars 2021.
©JOEL SAGET / AFP

Mesures vitales

L’indépendance énergétique par rapport au gaz russe et face à la hausse massive des coûts de l’énergie sont deux défis majeurs à relever. Il est nécessaire de développer une politique massive de sobriété énergétique et de favoriser les énergies renouvelables.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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La stratégie énergétique de la France, présentée par Emmanuel Macron voici quelques semaines, était une stratégie à moyen terme voire à long terme. Construire 6 ou 12 EPR entre 2035 et 2045, alors que le président actuel aura quitté ses fonctions depuis longtemps, est une stratégie que nous avons été nombreux à critiquer mais qui entre dans le cadre des scénarios envisagés, tant par RTE que par l’Ademe.

Sauf que cette stratégie n’a aucun intérêt dans l’immédiat. Sans parler du risque nucléaire, civil et militaire, qui revient comme un boomerang dans l’actualité, ce projet à moyen terme ne permet nullement de répondre à nos problèmes actuels : la hausse massive du prix de l’énergie, la raréfaction du gaz et la nécessité d’accélérer massivement notre autonomie énergétique, tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne. C’est d’ailleurs ce que propose M. Timmermans, vice-président de la commission européenne, en présentant une nouvelle orientation européenne vers une massification accrue du recours au renouvelable. De manière plus limitée, la directrice générale d’Engie, dans son interview aux Échos du 6 mars, propose une accélération de l’utilisation du Biogaz. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour savoir ce que sera notre situation à l’automne prochain mais la nécessité d’assurer notre indépendance par rapport au gaz russe, comme de répondre à la hausse massive des coûts de l’énergie, demeurera.

Dans ces conditions, le sujet n’est pas de construire de nouveaux réacteurs nucléaires ; il est avant tout d’investir dans la sécurisation de centrales existantes pour permettre leur fonctionnement. C’est la seule urgence car la mise à l’arrêt d’un tiers de notre parc est une très grande fragilité de notre approvisionnement en électricité.

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Indépendamment du nucléaire, deux politiques doivent être mises en œuvre immédiatement.

La première, calquée sur ce qui avait été fait en 1973 et sur ce que le Japon avait mis en place après Fukushima, est une politique massive de sobriété énergétique. Il ne s’agit pas de proposer de faire attention à notre consommation, comme l’a fait récemment Bruno Le Maire, mais bien de la réduire par des mesures réglementaires : suppression de l’éclairage des vitrines la nuit, de l’éclairage de jour, baisse du chauffage à 19° voire 18°... Un certain nombre de mesures mises en place au Japon pourraient aussi être envisagées. Citons par exemple la division par deux de l’usage des ascenseurs et escalators, la suppression de l’éclairage le jour ou encore la réorganisation de la production des industries électro-intensives. Certes, de telles mesures sont peu populaires en période électorale mais le blocage du pays le serait encore moins.

La seconde politique est un train de mesures sans précédent pour favoriser les énergies renouvelables. Tous les blocages qui ont été systématiquement mis en œuvre pour essayer de réduire leur essor devraient être supprimés sans délai ; l’autoconsommation collective, qui se heurte à des règles de périmètre très réduites (2km), devrait devenir la norme pour permettre à nos territoires d’acquérir leur autonomie énergétique ; le décret sur les communautés locales d’énergie, qui est toujours bloqué au ministère, devrait être une priorité pour permettre précisément la mise en place de ces outils extrêmement efficaces. Un système de tiers payant, à l’instar de ce qui a été fait en Allemagne avec la banque des territoires ; pourrait être mis en place par la Caisse des dépôts pour assurer le financement des installations. Ainsi, nous répondrions non seulement à une urgence énergétique mais aussi à l’urgence écologique et à la nécessité de ré industrialiser nos territoires et d’acquérir notre autonomie.

Par Corinne Lepage, ancienne ministre, avocate

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