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Rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine à Moscou : quand les deux "autres" grandes puissances accordent leurs violons à quelques jours du G20 de Hambourg
©Odd ANDERSEN / AFP

Sino-russe

La portée symbolique de cette rencontre est importante, alors que la Russie entend intensifier ses relations commerciales avec la Chine.

Arnaud Dubien

Arnaud Dubien

Arnaud Dubien est directeur de l'Observatoire Franco-Russe (Moscou)

Diplômé de l’INALCO et de l’IEP de Paris, il a notamment travaillé comme chercheur à l’IRIS et a dirigé plusieurs publications spécialisées sur l’espace post-soviétique. Il est membre du Club de Valdaï.

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Atlantico : Les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine se rencontraient ce jour à Moscou, pour un agenda que le numéro 1 russe qualifiait de "plus important de l'année en termes de relations bilatérales". Quels étaient les enjeux de la rencontre dans un climat géopolitique tendu, et dans l'attente du G20 de Hambourg ?

Arnaud Dubien : C'était hier la 22ème rencontre entre les leaders russe et chinois depuis 2012. De fait, la relation bilatérale - qui est sur une trajectoire ascendante ininterrompue depuis 1989, date de la visite de Gorbatchev à Pékin, qui marque la normalisation après des décennies de brouille - a franchi de nouveaux paliers après 2014. Des verrous ont sauté, dans les domaines des livraisons d'armes, de la coopération militaire ou de l'accès offert aux compagnies chinoises dans le secteur énergétique russe. Certes, on ne saura parler d'alliance entre ces deux puissances nucléaires, qui ont chacune leur agenda ; il y a bien sûr beaucoup de non-dits ; mais le fait est que le partenariat russo-chinois a une densité réelle, parfois sous-estimée en Occident me semble-t-il.
Les entretiens des 3 et 4 juillet à Moscou ont évidemment une portée symbolique : à quelques jours du G20 se rencontrent les leaders des deux principales nations non-occidentales. Xi Jinping et Vladimir Poutine ont sûrement parlé de la Corée du Nord et de la politique américaine - que ce soit en Asie ou en Europe. Mais aussi sans doute de la Syrie et de la crise autour du Qatar, qui est susceptible d'affecter les intérêts de Moscou et de Pékin dans la région. Il y a enfin toujours de nombreux dossiers bilatéraux, en particulier dans le domaine économique.

Outre les enjeux géopolitiques et militaires, quelle est l'importance d'une collaboration de Moscou dans le gigantesque projet de "nouvelle route de la soi" porté par Pékin ? Une discussion entre Pékin et l'Union économique eurasiatique (Russie, Biélorussie, Arménie…) est également à l'ordre du jour, évoquant la possibilité d'accords de libre-échange entre ces nations. Quel est l'enjeu pour Moscou ?

Au-delà de la rhétorique sur le partenariat "d'égal à égal", la Russie est bien consciente du rapport de force - notamment économique et financier - entre les deux pays. Alors qu'elle cherche à promouvoir l'Union économique eurasienne, dont fait partie le Kazakhstan notamment, et qu'elle voit toujours avec suspicion toute politique de grande puissance dans l'espace postsoviétique - on l'a constaté depuis 2013 avec la Partenariat oriental de l'Union européenne, qui a joué un rôle certain dans le déclenchement de la crise ukrainienne - Moscou s'est naturellement posé des questions sur ce que signifiant une présence chinoise renforcée dans la région. La Russie sait qu'elle ne peut pas s'opposer au projet de "Nouvelles routes de la soie" ; elle comprend qu'elle peut même y avoir intérêt. L'approche choisie par Moscou et Pékin est donc de trouver une articulation entre les projets russes et chinois en Eurasie. Pour l'instant, cela semble plutôt bien fonctionner : la Chine financera plusieurs projets majeurs (par exemple la ligne TGV Moscou-Kazan) sans pour autant renoncer à d'autres volets de son initiative qui plaisent moins aux Russes. Tout est question d'équilibre et d'affichage. Pékin ne fait rien qui puisse froisser Moscou, accréditer ses craintes ou lui rappeler le nouveau rapport de forces. Or les Russes sont très sensibles aux symboles et aux considérations de prestige. Ce que nous avons, semble-t-il, un peu oublié en Occident.

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