Renault, SNCF... Quand l'Etat actionnaire délocalise et continue à donner des leçons de patriotisme économique <!-- --> | Atlantico.fr
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La SNCF, entreprise 100% publique, qui retire à une société française la sous traitance de ses services informatiques pour les envoyer en République tchèque, en Espagne et en Pologne.
La SNCF, entreprise 100% publique, qui retire à une société française la sous traitance de ses services informatiques pour les envoyer en République tchèque, en Espagne et en Pologne.
©Reuters

Schizophrène

A quelques semaines d'intervalle, la majorité a fustigé Bernard Arnault, accusé de vouloir payer moins d'impôts en Belgique, et PSA, qui a fermé son site d'Aulnay. Mais l'Etat actionnaire, même de gauche, est loin d'être parfait. Pour preuve, la SNCF vient de transférer la sous-traitance de ses services informatiques à l'étranger.

Philippe David

Philippe David

Philippe David est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

Il a écrit trois livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril,  "Journal intime d'une année de rupture", sorti en 2009 aux éditions de l'Ixcéa, qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy et  "De la rupture aux impostures", Editions du Banc d'Arguin (9 avril 2012). 

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La France a dans ses spécialités gouvernementales deux choses : un nombre de membres du gouvernement pléthorique comparé aux autres pays industrialisés et des ministères qui n’ont jamais existé et n’existeront nulle part ailleurs. Ainsi la France eût en 1981 un ministère du Temps libre, une bizarrerie sachant que seuls les pays totalitaires gèrent le temps libre de leurs citoyens, et a aujourd’hui en la personne d’Arnaud Montebourg un ministre du Redressement productif.

Le redressement productif, c'est quoi ? Un ministère dont le but est de « redresser la production » ? Impossible dans un pays d’économie de marché dans lequel les entreprises gèrent elles-mêmes leur mode de production. Peut-être est-ce alors un ministère chargé de veiller à ce que les entreprises d’Etat « redressent la production en France » ? On peut légitimement en douter quand on voit le mode de fonctionnement de l’Etat actionnaire, que ce fût sous Nicolas Sarkozy ou aujourd’hui sous François Hollande.

Il y a un an et demi, on apprenait à quelques jours d’intervalle que Renault, entreprise détenue à 15% par l’Etat, allait fabriquer ses deux nouveaux moteurs à Pitesti, en Roumanie, et à Valladolid, en Espagne, tandis que PSA, entreprise à 100% privée, allait construire ses deux nouveaux « moulins » à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, et à Tremery, en Moselle. Le gouvernement de l’époque ni dit rien, mais le redressement productif ne faisait certainement pas partie de ses priorités, tandis que l’opposition d’alors se tut.

Il y a quelques semaines, ce qui était un secret de polichinelle depuis des mois est devenu une réalité : PSA allait fermer son site d’Aulnay-sous-Bois. Montée au créneau des politiques, à commencer par Arnaud Montebourg, pour lyncher publiquement le constructeur automobile français aujourd’hui en grande difficulté. Pourtant, PSA produit encore 85% de ses moteurs et 37% de ses voitures en France contre 29% de ses moteurs et 18% de ses voitures pour Renault. On se demande dès lors dans quelle mesure le ministre du Redressement productif est qualifié pour donner des leçons en termes de « patriotisme économique » à PSA quand on regarde les chiffres cités précédemment, sachant qu’en tant qu’actionnaire il préfère privilégier la production à l’étranger plutôt qu’en France.

Cette semaine, rebelote avec la SNCF, entreprise 100% publique, qui retire à une société française la sous traitance de ses services informatiques pour les envoyer en République tchèque, en Espagne et en Pologne. Soutien officiel du ministre des Finances, Michel Sapin qui a déclaré que « la SNCF ne délocalise absolument rien du tout » et silence radio tant d’Arnaud Montebourg que de l’opposition. En clair, « circulez y a rien à voir » !

Il y a une quinzaine de jours, c’était haro sur Bernard Arnault, accusé de vouloir s’exiler en Belgique suite à sa demande de naturalisation et mise en accusation de l’intéressé qui ne faisait ça, selon ses accusateurs, que pour payer moins d’impôts (alors que le patron de LVMH assurait qu’il continuerait à payer ses impôts en France).

La mise en accusation de Bernard Arnault par la classe politique dans son ensemble et par la gauche en particulier laisse pantois quand on voit que lorsque l’Etat s’est impliqué pour créer la holding Renault-Nissan en 1999 ou la société EADS en 2000, il ne s’est en aucun cas opposé à la création des sièges sociaux aux Pays-Bas. Ceci était évidemment dû à la bonne odeur des tulipes bataves et en aucun cas au fait que le taux d’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas est de 14% contre 33,33% en France. Rappelons simplement qu’en 1999 et 2000, le gouvernement français était le gouvernement de gauche plurielle dirigé par Lionel Jospin, et on s’étonne que le Parti Socialiste qui crie « Haro sur Arnault » aujourd’hui n’ait rien trouvé à redire hier.

Nos politiques ne seraient-ils pas, finalement, un peu schizophrènes ?

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